Un os de mâchoire vieux de 19 millions d’années remet en question ce que nous savons de l’évolution des plus grandes baleines
Les biologistes sont depuis longtemps fascinés par la façon dont les baleines sont devenues énormes, mais une absence dans leur registre fossile n’a pas permis d’apporter une réponse définitive à cette question. Récemment, un fossile de baleine édentée a été daté à environ 19 millions d’années, soit 16 millions d’années avant que l’on ne se rende compte de l’existence même de ces animaux.
Image d’entête : représentation de l’ancienne espèce qui mesurait plus de neuf mètres de long, ce qui est beaucoup plus grand que n’importe quelle autre baleine de l’hémisphère nord datant de la même époque. (Eugene Hyland/Museums Victoria)
Les restes, désignés NMV P218462, appartenaient à une créature à sang chaud mesurant jusqu’à 9 mètres de long, soit à peu près la même taille que les petits rorquals modernes. L’âge du fossile se situe entre 21,12 et 16,9 millions d’années.
Les chercheurs ont utilisé la taille des fragments de mâchoire pour estimer la taille moyenne de la baleine. (Eugene Hyland/ Museums Victoria)
Les baleines à fanons sans dents (mysticètes) constituent le groupe de mammifères qui a donné naissance au plus grand animal jamais connu dans notre monde : la baleine bleue, qui peut atteindre 29,9 mètres. De précédentes recherches suggèrent que la mystérieuse absence de petites baleines dans les archives fossiles d’il y a environ 4 millions d’années pourrait constituer un indice de la taille actuelle de nombreuses espèces plus grandes.
La disparition des créatures moins encombrantes a été attribuée à une période glaciaire qui aurait forcé les baleines à migrer. Au fil du temps, les plus grandes baleines sont parvenues à survivre à ces voyages, ce qui a favorisé l’augmentation de leur taille. Cependant, tout cela n’était basé que sur des fossiles de l’hémisphère nord. La nouvelle analyse de James Rule, paléontologue au Museum Victoria en Australie, et de ses collègues rend la chronologie de la théorie problématique.
Le fossile a été découvert sur une rive du fleuve Murray en Australie du Sud en 1921. Avec d’autres spécimens méridionaux du Pérou, le NMV P218462 suggère que les baleines de l’hémisphère sud ont suivi une voie différente vers le gigantisme.
Le fossile a été trouvé sur les rives du fleuve Murray, près de Wongulla. (Steven Giles/ Natural History Museum)
Selon Rule et son équipe dans leur étude :
Plutôt que d’augmenter brusquement leur taille au cours du plio-pléistocène*, les espèces méridionales ont atteint très tôt des tailles relativement importantes, peut-être en raison d’une plus grande productivité régionale.
* entre le Pliocène et le Pléistocène
Leur analyse de la taille des baleines à fanons à travers le temps montre que celles de l’hémisphère sud étaient systématiquement plus grandes que celles de l’hémisphère nord. Les baleines à fanons modernes dépendent de la forte productivité saisonnière du courant circumpolaire antarctique (ACC).
Selon les chercheurs :
Ce n’est donc peut-être pas une coïncidence si les baleines à fanons dentés et édentés ont d’abord évolué vers de plus grandes tailles dans le sud, les premières espèces corpulentes coïncidant avec l’établissement d’un proto-ACC, d’une glaciation antarctique et d’écosystèmes polaires saisonnièrement productifs il y a environ 36 à 33 millions d’années.
Le krill, qui constitue une part importante du régime alimentaire des baleines modernes, est également apparu avant le début de la période néogène, il y a environ 23,03 millions d’années, ce qui leur a peut-être permis d’augmenter encore leur taille. Les tsunamis de déjections de baleines ont ensuite fertilisé davantage de plancton qui a nourri davantage de krill pour nourrir davantage de baleines, créant ainsi une pompe à carbone autosuffisante pour les ces dernières.
Pour Rule et ses collègues :
Les mysticètes pourraient avoir catalysé 10 à 20 % de la productivité primaire nette de l’océan Austral avant la chasse à la baleine. Les mysticètes de taille moyenne pourraient avoir contribué à l’ingénierie des écosystèmes océaniques, bien que de manière relativement limitée, depuis le début du Néogène.
L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences : Giant baleen whales emerged from a cold southern cradle et présentée sur le site du Natural History Museum de Londres : Early giant whale from Australia changes our understanding of whale evolution.