Les humains pourraient disposer d’un système universel de communication non verbale
Fondamentalement, tout le monde veut être compris. Et quelle que soit la langue que nous parlons, que nous soyons aveugles ou voyants, de nouvelles recherches font état d’un système de communication non verbale universel et partagé qui prend vie lorsque nous faisons des gestes sans parler.
Image d’entête : exemple de communication non verbale à un stand de nourriture en Chine. (S. Krupp/ Wikimedia)
L’étude (lien plus bas) portant sur des enfants âgés de 3 à 12 ans a été menée par Şeyda Özçalışkan, psychologue à l’université d’État de Géorgie (États-Unis) et turcophone de naissance, qui étudie le développement du langage chez différents types de personnes qui apprennent et parlent différentes langues. En étudiant les gestes des adultes et des enfants, Özçalışkan tente de comprendre comment le langage affecte la façon dont les gens pensent, la façon dont ils construisent et expriment leurs idées, ce qui peut se voir dans les gestes lorsqu’ils ne parlent pas à voix haute.
Les gestes ne sont qu’une forme de communication non verbale : des signaux sans mots qui comprennent également le langage corporel, la posture, le contact visuel et les expressions faciales, qui peuvent indiquer les sentiments d’une personne. Cependant, pour Özçalışkan, les gestes pourraient peut-être révéler la manière dont les enfants formulent et expriment leurs idées, leurs capacités cognitives, au fur et à mesure de leur développement.
Dans cette dernière étude, il a été demandé à 100 enfants de décrire une action avec des mots et des mouvements de main, puis de décrire la même action sans parler, en utilisant uniquement leurs mains. La moitié des enfants étaient de langue maternelle anglaise, et les 50 autres enfants avaient le turc comme première langue. L’anglais et le turc constituent une bonne comparaison, car ils diffèrent dans la manière dont les locuteurs de chaque langue décrivent les événements.
Comme l’explique Özçalışkan :
En turc, si vous voulez décrire quelqu’un qui entre dans une maison en courant, vous devez le découper en morceaux. Vous dites « il court, puis il entre dans la maison”. Mais s’il s’agit de l’anglais, ils diront simplement « he ran into the house » (il est entré dans la maison en courant), en une seule phrase compacte. Nous voulions savoir si les gestes suivent ou non ces différences [linguistiques] et à quel âge les enfants apprennent ces tendances.
Lorsque les enfants parlaient et faisaient des gestes en même temps, ces derniers suivaient les codes de leur langue maternelle : les enfants turcs ordonnaient leurs gestes comme ils le feraient pour une phrase, tandis que les enfants anglophones les fusionnaient en un seul mouvement. Il est logique que la séquence de leurs gestes reflète l’ordre de leurs mots, les enfants jouaient des scènes tout en les racontant. Ces tendances spécifiques à la langue ont été observés chez des enfants âgés de 3 ou 4 ans, ce qui suggère que la langue peut influencer les représentations non verbales des événements dès le plus jeune âge.
A partir de l’étude : la scène de stimulation décrivant le mouvement de course d’une fille vers la maison (panneau supérieur) et sa description gestuelle par des enfants de 3 à 4 ans apprenant le turc ou l’anglais. (Şeyda Özçalışkan, Ché Lucero et Susan Goldin-Meadow/ Language and Cognition)
Özçalışkan et ses collègues ont également fait des constatations similaires dans le cadre de travaux antérieurs menés auprès d’adultes : des locuteurs anglais et turcs aveugles organisaient leurs gestes de la même manière que les locuteurs voyants lorsqu’ils s’abstenaient de parler. De précédentes études menées auprès d’enfants germanophones et anglophones ont également révélé que les gestes silencieux ne suivent pas nécessairement la structure de la langue maternelle d’une personne, mais ces recherches ne comparaient pas directement des locuteurs de langues différentes comme l’a fait cette nouvelle étude.
Özçalışkan et ses collègues suggèrent que leurs résultats, bien que provisoires, laissent entrevoir la possibilité que nous partagions tous un système de communication non verbale rudimentaire qui est supplanté ou modifié lorsque nous commençons à apprendre une langue. Bien entendu, les chercheurs ont interprété les gestes abstraits de quelques centaines d’enfants en bas âge, de préadolescents et d’adultes. Il n’y a donc pas assez de données pour étayer une affirmation aussi importante, mais il s’agit certainement d’une idée intrigante à explorer.
L’étude publiée dans la revue Language and Cognition : What the development of gesture with and without speech can tell us about the effect of language on thought et présentée sur le site de l’université d’État de Géorgie : New Study Suggests Existence of a Universal, Nonverbal Communication System.