Pour la première fois, un singe rhésus cloné atteint l’âge adulte
Pour la première fois, un singe rhésus (Macaca mulatta) cloné en laboratoire a atteint l’âge adulte. Les chercheurs chinois poursuivent leurs tentatives controversées de clonage de primates. Une équipe de l’Académie chinoise des sciences (CAS) affirme ainsi cette semaine qu’un de leurs singes clonés a vécu plus de 2 ans. Il s’agit de la plus longue période de survie d’un macaque rhésus cloné.
A partir de l’étude : le singe rhésus cloné, baptisé ReTro, est le premier à avoir survécu jusqu’à l’âge adulte. (Z. Liao et col./ Nature Communications)
Sur l’ensemble des embryons de macaques clonés implantés dans un utérus, près de la moitié sont morts aux alentours du 60e jour de gestation. Si certains clones ont vécu des semaines ou des mois, beaucoup d’autres n’ont survécu que quelques heures ou quelques jours, s’ils sont sortis de l’utérus, en grande partie à cause de problèmes d’expression génétique au cours du développement.
Le macaque mâle de 2 ans est une exception. Il a été développé en Chine à l’aide d’une nouvelle méthode conçue pour améliorer les résultats du développement du placenta d’un embryon cloné. À mesure qu’un fœtus grandit et change, les profils d’expression génétique de son placenta sont censés évoluer avec lui. Mais chez les fœtus clonés, le placenta ne semble pas toujours exprimer les bons profils génétiques au bon moment. L’équipe a maintenant trouvé un moyen d’améliorer leurs chances de survie.
Le problème semble provenir des cellules somatiques de l’embryon cloné. Plus précisément, ce sont les cellules de la couche externe du trophoblaste de l’embryon, qui fournit des nutriments à l’embryon en développement et forme ensuite une grande partie du placenta après l’implantation, qui se sont révélées défaillantes ou dysfonctionnelles dans le placenta par la suite.
Le clone macaque à 17 mois. (Qiang Sun)
Pour pallier ces défauts, les chercheurs ont soigneusement incorporé les couches internes de l’embryon cloné dans le trophoblaste d’un embryon non cloné avant d’implanter cet embryon hybride, ce qui a permis de « sauver » son développement. Cette méthode de remplacement du trophoblaste consiste à injecter la masse cellulaire interne d’un embryon cloné dans un second embryon non cloné formé par un processus in vitro. L’embryon « hybride » est ainsi doté d’un trophoblaste appartenant à un embryon non cloné.
L’embryon cloné initial a été produit par un processus appelé transfert de noyau de cellule somatique (TNCS pour somatic cell nuclear transfer), qui remplace le noyau d’un ovule par la cellule somatique (corps) et l’ADN d’un autre individu. Le SCNT est la même méthode de pointe qui a permis de créer le premier animal cloné en 1996, la brebis Dolly, et s’il a été réussi chez les porcs, les chiens, les souris, les bovins et les lapins, il est beaucoup plus difficile d’y parvenir avec un primate. Ce n’est qu’en 2018 que des scientifiques du CAS ont créé Zhong Zhong et Hua Hua, deux clones d’un macaque mangeur de crabe (Macaca fascicularis), par SCNT (lien ci-dessous).
Bien que les taux de réussite et la durée de vie des macaques clonés se soient améliorés au fil des années, ces singes de laboratoire vivent rarement longtemps. Comme on pouvait s’y attendre, cette situation a donné lieu à de délicates discussions d’éthiques sur l’ensemble du domaine de la recherche au niveau international. Les partisans du clonage de primates font valoir que la possibilité d’étudier des jumeaux parmi des parents humains proches serait extrêmement précieuse en tant que modèle de maladie. Les sceptiques affirment que de tels résultats ne sont pas garantis et que les dangers pour le bien-être des animaux sont trop élevés. Les scientifiques de la CAS affirment suivre les directives éthiques internationales et leurs recherches, qui sont tout à fait légales en Chine, se poursuivent sans relâche depuis 2018.
Si la méthode de remplacement du trophoblaste a permis d’obtenir un singe vivant, en bonne santé et âgé de 2 ans, il a fallu beaucoup d’essais pour y parvenir. L’équipe n’a obtenu qu’un seul fœtus vivant pour 113 embryons SCNT activés. Sur les 11 embryons transférés dans un utérus, un seul a produit un fœtus vivant.
L’étude publiée dans Nature Communications : Reprogramming mechanism dissection and trophoblast replacement application in monkey somatic cell nuclear transfer.