Les jets d’un trou noir font office d’accélérateur de particules produisant certaines des plus rapides particules de la galaxie
Des scientifiques ont peut-être trouvé la preuve que les trous noirs qui se nourrissent de leurs étoiles, désignés microquasars, sont les accélérateurs de particules cosmiques responsables des mystérieux et très énergétiques rayons cosmiques qui bombardent la Terre.
GIF d’entête : représentation du microquasar SS433 étudié ici, un système binaire hébergeant un trou noir qui dévore l’étoile qui l’accompagne. (Institut Max Planck de physique nucléaire)
Contrairement aux plus grands quasars, qui comportent un trou noir supermassif, les microquasars contiennent un trou noir dont la masse est plus proche de celle du soleil. Le premier microquasar découvert, SS 433, a été détecté en 1975, mais il a été difficile de déterminer la nature de ses jets qui s’étendent sur des années-lumière, car leur structure est remarquablement différente selon la forme de lumière que l’on utilise pour les observer.
Représentation des jets du trou noir du microquasar SS433 étudié ici. (Institut Max Planck de physique nucléaire)
Lorsqu’ils sont observés avec des rayonnements de faible énergie, les jets commencent près du centre du trou noir et semblent tourner comme une toupie. Mais avec les rayons X, ou même les rayons gamma de plus haute énergie, les jets semblent commencer très loin du trou noir lui-même. Jusqu’à présent, les astronomes n’avaient pu obtenir que des images floues de ces jets avec des télescopes à rayons gamma.
Représentation artistique du système SS 433, comprenant les jets à grande échelle (bleu) et la nébuleuse en forme de lamantin (rouge) qui l’entoure. Les jets ne sont initialement observables que sur une courte distance du microquasar après son lancement – trop petite pour être visible sur cette image. Les jets passent ensuite inaperçus sur une distance d’environ 80 années-lumière (25 parsecs) avant de se transformer et de réapparaître brusquement sous la forme de sources brillantes d’émission non thermique (rayons X et gamma). Les particules sont accélérées efficacement à cet endroit, ce qui indique probablement la présence d’un choc important : une discontinuité dans le milieu capable d’accélérer les particules. (Science Communication Lab for MPIK/ H.E.S.S.)
Récemment, Laura Olivera-Nieto, de l’Institut Max Planck de physique nucléaire de Heidelberg, en Allemagne, et ses collègues ont observé le rayonnement gamma de jets à l’aide du réseau de télescopes du High Energy Stereoscopic System (HESS) en Namibie. Ils ont découvert que la structure à haute énergie des jets change sur de courtes distances, ce qui suggère que le rayonnement est produit par des électrons qui se heurtent à une sorte de barrière pour ensuite être accélérés.
L’observatoire H.E.S.S., situé dans la région de Khomas en Namibie à une altitude de 1835 m sous le ciel austral. (Sabine Gloaguen/ Institut Max Planck de physique nucléaire)
Si ce processus se produit également pour des particules plus lourdes, telles que les noyaux atomiques, alors un microquasar plus proche de la Terre opérant de la même manière pourrait expliquer les mystérieux rayons cosmiques à haute énergie qui, parfois, entrent en collision avec notre atmosphère, bien que jusqu’à présent l’équipe ne puisse affirmer avec certitude que les électrons sont accélérés.
Images composites de SS 433 présentant trois différentes gammes d’énergie de rayons gamma. En vert, les observations radio montrent la nébuleuse du Lamantin avec le microquasar visible comme un point lumineux près du centre de l’image. Les lignes pleines montrent le contour de l’émission de rayons X des régions centrales et des jets à grande échelle après leur réapparition. Les couleurs rouges représentent l’émission de rayons gamma détectée par H.E.S.S. (Arrière-plan : NRAO/ AUI/ NSF, K. Golap, M. Goss ; WISE/ NASA ; rayons X (contours verts) : ROSAT/W. Brinkmann ; TeV (couleurs rouges) : Collaboration H.E.S.S.)
Selon Olivera-Nieto :
C’est vraiment remarquable si on le compare à la façon dont les accélérateurs fonctionnent sur Terre, parce qu’on y trouve d’énormes machines très compliquées qui luttent pour atteindre les valeurs [d’énergie] les plus élevées que l’on observe dans l’univers. Or, ces systèmes y parviennent d’une manière assez transparente.
Et pour Katherine Blundell, de l’Université d’Oxford :
Il s’agit d’un magnifique rappel de l’influence des trous noirs bien au-delà de leur horizon des événements. Il est possible que des particules plus lourdes soient accélérées pour créer des rayons cosmiques de haute énergie, mais la confirmation de cette hypothèse nécessiterait des calculs et de minutieuses observations.
L’étude publiée dans Science : Acceleration and transport of relativistic electrons in the jets of the microquasar SS 433 et présentée sur le site de l’Institut Max Planck de physique nucléaire : Astrophysical Jet Caught in a “Speed Trap”.