Des scientifiques trouvent des preuves de la transmissibilité de la maladie d’Alzheimer par le biais d’une ancienne procédure médicale
Une équipe de chercheurs britanniques de l’University College de Londres a publié la toute première preuve évidente de transmissions interhumaines de la maladie d’Alzheimer. À partir d’une poignée d’études de cas extraordinairement rares, les chercheurs ont démontré comment un traitement à l’hormone de croissance humaine a transplanté des protéines toxiques chez des enfants et provoqué le développement d’une forme précoce d’Alzheimer.
Image d’entête : PET scan du cerveau d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. (Wikimedia)
Pendant environ 25 ans, à partir de la fin des années 1950, l’hormone de croissance humaine a été utilisée de manière sporadique pour traiter des enfants présentant certains problèmes de développement physique. Connue sous le nom de c-hGH (Pour cadaver-derived human growth hormone : hormone de croissance humaine dérivée de cadavres), l’hormone était prélevée sur l’hypophyse de personnes décédées et injectée à des enfants dont la taille était anormalement petite.
Avec les années, un pourcentage étonnamment élevé d’enfants traités avec l’hormone de croissance a développé une maladie neurodégénérative mortelle appelée maladie de Creutzfeldt-Jakob. Elle est causée par des protéines toxiques mal repliées, appelées prions. En 1985, les preuves liant la c-hGH à la maladie de Creutzfeldt-Jakob étaient solides. Les chercheurs ont découvert que certains échantillons de c-hGH contenaient des prions toxiques, ce qui a favorisé l’apparition de la maladie neurodégénérative dans des cerveaux sains. L’hormone de croissance d’origine humaine a rapidement été remplacée par une version synthétique plus sûre.
Plus récemment, une équipe de chercheurs a examiné d’anciens échantillons de tissus cérébraux provenant de patients traités à l’hormone de croissance et décédés de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, et ils ont découvert des indices curieux de la maladie d’Alzheimer. Les patients décédés présentaient des dépôts anormalement élevés de substance amyloïde, un signe révélateur de la maladie d’Alzheimer. Une question s’est alors posée : La maladie d’Alzheimer pourrait-elle se transmettre entre humains de la même manière que les autres maladies à prions ?
Les patients étant décédés très jeunes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, il était impossible de savoir s’ils auraient développé la maladie d’Alzheimer. Toutefois, une étude ultérieure a permis de découvrir que certains des échantillons de c-hGH contenaient des accumulations de protéines amyloïdes, et des tests sur des animaux ont révélé que des souris auxquelles on avait administré l’hormone de croissance contaminée présentaient des signes de la pathologie de la maladie d’Alzheimer.
À ce stade, l’hypothèse d’une transmission interhumaine de la maladie d’Alzheimer était donc plausible, mais les chercheurs avaient encore besoin de preuves solides. L’équipe a donc examiné 8 patients récemment adressés à la National Prion Clinic de Londres pour des problèmes neurologiques. Les huit patients avaient été traités à la c-hGH dans leur enfance et étaient aujourd’hui âgés de 38 à 55 ans. Cinq de ces patients ont été diagnostiqués avec une démence précoce mais ne présentaient aucun signe pathologique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ces cinq patients répondaient aux critères de diagnostic de la maladie d’Alzheimer, mais ne présentaient aucun signe de prédisposition génétique à l’apparition précoce de la maladie.
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
Nous décrivons ici des receveurs qui ont développé une démence et des changements de biomarqueurs dans le spectre phénotypique de la MA [maladie d’Alzheimer], suggérant que la MA, comme la MCJ [maladie de Creutzfeldt-Jakob], a des formes acquises par l’environnement (iatrogènes) ainsi que des formes sporadiques à apparition tardive et des formes héréditaires à apparition précoce. Bien que la MA iatrogène soit rare et que rien n’indique que l’Aβ [bêta-amyloïde] puisse être transmise d’un individu à l’autre dans les activités de la vie quotidienne, sa reconnaissance souligne la nécessité de revoir les mesures visant à prévenir les transmissions accidentelles par le biais d’autres procédures médicales et chirurgicales.
Andrew Doig, de l’université de Manchester, estime que les nouvelles conclusions sont approfondies et prudentes, mais il met en garde contre toute extrapolation plus large à partir de ce qui n’est essentiellement que huit cas incroyablement rares. Ce mode de transmission de la maladie a été arrêté il y a plus de 40 ans. La transmission de la maladie d’un cerveau humain à un autre de cette manière ne devrait plus jamais se produire.
L’étude publiée dans Nature Medicine : Iatrogenic Alzheimer’s disease in recipients of cadaveric pituitary-derived growth hormone et présentée sur le site de l’University College de Londres : Alzheimer’s disease acquired from historic medical treatments.