Il n’existe pas d’harmonies musicales universelles, comme le pensait Pythagore
Connu aujourd’hui principalement pour son théorème sur les triangles rectangles, le philosophe grec Pythagore a tenté d’utiliser les mathématiques pour comprendre la beauté de la musique.
Image d’entête : des pythagoriciens célébrant la levée du soleil sur un air de lyre. (Fyodor Bronnikov/ Wikimedia)
Ainsi, les combinaisons harmonieuses de notes connues sous le nom de consonance musicale reposaient sur de simples « rapports de nombres entiers » dans les fréquences des sons, ou tonalités, pour être attrayantes. De plus, le philosophe soutenait que cela était vrai quel que soit l’instrument.
Ce n’est pas le cas, affirme une équipe internationale de chercheurs qui a interrogé 4 272 volontaires sur leurs réactions à certains accords. Ces réactions révèlent une préférence pour la musique comportant de légères imperfections, mathématiquement parlant.
Selon le psychologue musical Peter Harrison, de l’université de Cambridge :
Nous préférons de légères déviations. Nous aimons les petites imperfections parce qu’elles donnent de la vie aux sons, et c’est ce qui nous attire.
L’équipe a également constaté que les rapports de nombres entiers chers à Pythagore pouvaient être complètement ignorés lorsqu’il s’agissait d’instruments moins connus des auditeurs occidentaux : cloches, gongs, xylophones et une série de gongs appelée bonang. Les réponses de l’étude à cet instrument indonésien ont montré des modèles de consonance et de dissonance complètement nouveaux. Ces modèles correspondent à l’échelle/ gamme musicale utilisée dans la culture indonésienne et ne peuvent pas être exactement calqués sur les gammes préférées dans des pays comme les États-Unis et l’Europe.
En d’autres termes, le timbre (la partie d’un son qui donne l’impression d’appartenir à un instrument spécifique) affecte également la consonance, ce qui a peut-être surpris Pythagore. Ces résultats montrent que les auditeurs peuvent reconnaître un son agréable même s’ils ne sont pas musiciens ou habitués à l’instrument.
Selon Harrison :
La forme de certains instruments à percussion fait que lorsqu’on les frappe et qu’ils résonnent, leurs composantes de fréquence (tonalité) ne respectent pas les relations mathématiques traditionnelles. C’est à ce moment-là que l’on observe des phénomènes intéressants.
Cette relation entre timbre et consonance pourrait expliquer pourquoi certaines cultures ont fini par adopter des systèmes de notation différents de ceux que nous connaissons le mieux en Occident.
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
Ces résultats fournissent une base empirique à l’idée que la variation culturelle des systèmes de gamme pourrait en partie être due aux propriétés spectrales des instruments de musique utilisés par ces différentes cultures.
L’équipe espère que ses résultats, qui portent sur 235 440 jugements humains au total, ouvriront les esprits sur ce qui peut être agréable à écouter ou non, en particulier lorsqu’il s’agit d’instruments moins connus.
Selon les chercheurs, les musiciens comme les auditeurs peuvent tirer profit d’un peu d’expérimentation et sortir de leur zone de confort en matière de musique. De futures études sont prévues pour analyser un éventail encore plus large d’instruments et de cultures, notamment en ce qui concerne la musique que l’on aurait pu considérer auparavant comme « inharmonique ».
Harrison de conclure :
Les musiciens et les producteurs pourraient être en mesure de rendre ce mariage plus efficace s’ils tenaient compte de nos résultats et envisageaient de modifier le timbre, la qualité sonore, en utilisant des instruments réels ou synthétiques spécialement choisis. Ils obtiendraient alors le meilleur des deux mondes : l’harmonie et les systèmes d’échelle/ gamme locale.
L’étude publiée dans Nature Communications : Timbral effects on consonance disentangle psychoacoustic mechanisms and suggest perceptual origins for musical scales et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Pythagoras was wrong: there are no universal musical harmonies, study finds.