Excitonium : une nouvelle forme supposée de matière, enfin découverte
Des physiciens de l’université d’Illinois (États-Unis) ont découvert une nouvelle forme de matière appelée excitonium. Ce condensat, composé d’excitons, a été théorisé pour la première fois il y a près de 50 ans et bien que l’on ait observé des preuves de cette forme de matière à cette époque, il était difficile de savoir exactement ce qui se passait. Maintenant, des chercheurs ont trouvé un « pistolet fumant » (smoking gun) qu’ils prétendent être la première preuve définitive que l’excitonium existe.
*L’expression anglaise “smoking gun” est une référence à un objet ou un fait qui sert de preuve concluante d’un crime ou d’un acte similaire… elle fait également référence au type de preuve circonstancielle le plus fort, par opposition à la preuve directe.
Image d’entête : Représentation de l’excitonium, avec les excitations (jaunes) se déplaçant à travers un fond d’exciton solide autrement ordonné (Peter Abbamonte, Univ. d’Illinois/ Frederick Seitz, Materials Research Laboratory)
Les lois de la physique au niveau quantique (dans l’infiniment petit) sont très différentes de celles de l’échelle macro, mais une forme de matière appelée condensat de Bose-Einstein comble un peu le fossé. Cet état est formé lorsque des particules ou quasiparticules s’agglomèrent et commencent à se comporter comme une seule entité, connue sous le nom de boson.
Avant de continuer plus loin, quelques informations bien utiles pour appréhender la suite, tirées de Wikipédia :
La théorie des bandes est une modélisation des valeurs d’énergie que peuvent prendre les électrons d’un solide à l’intérieur de celui-ci. De façon générale, ces électrons n’ont la possibilité de prendre que des valeurs d’énergie comprises dans certains intervalles, lesquels sont séparés par des «bandes» d’énergie interdites. Cette modélisation conduit à parler de bandes d’énergie ou de structure de bandes.
Lorsque la température du solide tend vers le zéro absolu, deux bandes d’énergie permises jouent un rôle particulier. La dernière bande complètement remplie est appelée « bande de valence ». La bande d’énergie permise qui la suit est appelée «bande de conduction». Elle peut être vide ou partiellement remplie. L’énergie qui sépare la bande de valence de la bande de conduction est appelée le « gap » (fossé, interstice en anglais, bande interdite en français).
Les excitons sont un type de boson formé dans un semi-conducteur. Quand un électron sur le bord de la bande de valence d’un semi-conducteur est excité, il peut traverser l’écart/ fossé pour passer dans la bande de conduction, qui est vide. Lorsque cela arrive, il laisse un « trou » dans la bande de valence, qui elle-même devient une quasiparticule avec une charge positive. Le trou chargé positivement et l’électron chargé négativement sont attirés l’un par l’autre et forment ensemble une sorte de boson connu sous le nom d’exciton.
Comme les autres bosons, les excitons ont longtemps été considérés comme ayant un «état fondamental», qui était appelé excitonium et, jusqu’à présent, il était largement théorique.
Selon Peter Abbamonte, responsable de la nouvelle étude :
Depuis que le terme « excitonium » a été inventé dans les années 1960 par le physicien théoricien de Harvard, Bert Halperin, les physiciens ont cherché à démontrer son existence. Les théoriciens ont débattu de savoir si ce serait un isolant, un conducteur parfait, ou un superfluide, avec des arguments convaincants de tous les côtés. Depuis les années 1970, de nombreux expérimentateurs ont publié des preuves de l’existence de l’excitonium, mais leurs conclusions ne sont pas définitives et pourraient également avoir été expliquées par une transition de phase structurelle conventionnelle.
L’équipe a fait ses observations en utilisant une nouvelle technique appelée “spectroscopie de perte d’énergie des électrons résolue en impulsion” (M-EELS pour momentum-resolved electron energy-loss spectroscopy). Constitué d’une combinaison d’autres instruments, ce système a permis aux chercheurs de mesurer avec précision les excitations collectives des excitons, indépendamment de leur dynamique.
En utilisant ce processus, l’équipe a examiné des cristaux d’un métal de transition appelé dichalcogenide titanium diselenide (1T-TiSe2), en le refroidissant à 190 Kelvin (-83°C).
À l’approche de cette température critique, le matériau est entré dans une phase de plasmon souple, qui n’a jamais été observée auparavant. Cette phase marque le précurseur de la condensation exciton et les chercheurs l’appellent un « pistolet fumant » de l’existence de l’excitonium.
Selon Mindy Rak, coauteur de l’étude :
Je me souviens d’Anshul (Kogar, coauteur) très excité par les résultats de nos premières mesures sur TiSe2. Nous étions devant un tableau blanc dans le laboratoire en m’expliquant que nous venions de mesurer quelque chose que personne n’avait vu auparavant: un plasmon souple.Le travail que nous avons fait sur TiSe2 m’a permis de voir la promesse unique que tient notre technique M-EELS pour avancer notre connaissance des propriétés physiques des matériaux et cela a motivé ma recherche continue sur TiSe2.
Bien qu’il soit difficile de projeter d’éventuelles applications technologiques de l’excitonium, les chercheurs affirment que la découverte permet de mieux comprendre le monde étrange de la mécanique quantique.
L’étude publiée dans Science :Signatures of exciton condensation in a transition metal dichalcogenide et présentée sur le site de l’université d’Illinois : Physicists excited by discovery of new form of matter, excitonium.