En étant le plus bruyant des poissons, il était forcément beaucoup trop pêché
Une espèce de poisson mexicain se rassemble dans des orgies reproductrices si bruyantes qu’ils peuvent assourdir d’autres animaux marins, selon des scientifiques qui précisent que l’espèce est ainsi menacée par la surpêche.
Chaque année, entre février et juin, des Cynoscion othonopterus ou corvina du Golfe se rassemblent pour frayer dans une douzaine de kilomètres du delta du Colorado, au Mexique. Quand le moment est venu, quelques jours avant les nouvelles ou pleines lunes, les poissons mâles commencent à chanter.
Pour les humains, le son ressemble à une mitraillette qui se déclenche juste au-dessous de la ligne de flottaison. Pour les poissons femelles, c’est un appel à l’amour. Les biologistes marins qui ont enregistré le son décrivent ces animaux comme les «poissons les plus bruyants jamais documentés».
Timothy J. Rowell et Brad E. Erisman de l’université du Texas à Austin, ont passé quatre jours en 2014 à écouter ce poisson avec des sonars et des microphones sous-marins.
L’eau dans laquelle ils barbotent est très sombre, “comme du chocolat au lait” selon les chercheurs. Les terres entourant le delta sont désolées. L’eau douce qui autrefois alimentait la verdure sauvage a été détournée vers les robinets.
Le son est mesuré différemment dans l’eau et dans l’air, pourtant les poissons sont aussi bruyants que des tondeuses à gazon, selon Rowell. Ils sont montés jusqu’à 202 décibels et les appels individuels ont atteint 177 décibels, 4 fois plus fort que le poisson le plus bruyant enregistré d’après les scientifiques dans une étude publiée cette semaine. Les baleines sont les seuls animaux marins à être plus bruyant. En théorie, leurs appels sont assez puissants pour nuire à l’audition des otaries, notent également les chercheurs.
Le Cynoscion othonopterus possède des sacs aériens appelés vessies natatoires nichés dans leur ventre. Lorsque les poissons contractent leur abdomen, les muscles frappent les vessies tel un tambour. Le poisson atteint son maximum de décibel à marée haute. Le refrain commence comme un grondement sourd et se termine comme une « ruche en colère ». Rowell a émis l’hypothèse que les poissons essayaient de chanter plus fort que leur voisin, comme des personnes qui se crient dessus dans un bar bondé.
Pendant ce crescendo, Rowell et Erisman ont pu récupérer des œufs, suggérant que les poissons frayaient au milieu de cette cacophonie. Sans confirmation visuelle (l’eau est très sombre), Lobel n’était pas si sûr que ces appels amenaient à une reproduction :
Ils ne sont pas capables de voir ce que font les poissons. Et c’est un gros problème. Des centaines d’espèces de poissons font des sons. Les poissons sont « un peu comme des oiseaux.
Ils font des bruits pendant la ponte, mais aussi pendant qu’ils courtisent d’autres poissons ou pendant qu’ils se battent. Et ils peuvent être dérangeants : une communauté balnéaire en Floride a presque gaspillé des milliers de dollars en conseils municipaux pour essayer d’atténuer ce qu’ils pensaient être le bruit des services publics municipaux. Jusqu’à ce que, comme l’a rapporté le New York Times en 2008, un étudiant diplômé en « sciences de la mer » indique que les sons étaient des appels de poissons.
Les chants de la corvina du Golfe sont sans aucun doute une partie importante de la vie de ces animaux et, selon les chercheurs : « Ils pourraient aussi être (conduire à) leur perte ». Les pêcheurs suivent les sons de la corvina du golfe à travers le delta du fleuve Colorado et travaillent ensemble pour trouver où les animaux se rassemblent. Là, ils jettent leurs filets.
La taille des poissons a diminué au cours des cinq à dix dernières années, peut-être en raison de la surpêche et l’espèce est classée comme vulnérable par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
L’écoute du poisson est un excellent moyen de les surveiller. Les scientifiques peuvent, en théorie, enregistrer les sons produits et estimer la taille de la population sans les perturber. Ainsi, en juillet, Rowell et ses collègues ont calculé, sur la base des sons produits par les Cynoscion othonopterus, que les bancs de reproducteurs comptaient jusqu’à 1,55 million d’animaux.
L’étude publiée dans Biology Letters : A sound worth saving: acoustic characteristics of a massive fish spawning aggregation.