Finalement omnivore : certains requins ont également un appétit pour la verdure
Les requins sont de tristement célèbres mangeurs de viande. Les poissons, crabes, moules, crevettes et le krill de l’océan remplissent les estomacs de ces légendaires prédateurs. Dernièrement, des chercheurs ont découvert qu’une espèce particulière, le Requin-marteau tiburo, mange aussi de l’herbier marin pour satisfaire ses besoins nutritionnels. Cette découverte signifie que les Requin-marteau ne sont pas des carnivores mais des omnivores, une distinction qui change la façon dont les nageurs côtiers influencent les écosystèmes fragiles dans lesquels ils vivent.
Image d’entête : requin Sphyrna tiburo. (D Ross Robertson/ Wikimedia)
Ces requins vivent dans les prairies d’herbiers marins, des écosystèmes qui bordent les rivages de la planète. Ils aident à contrôler l’érosion et servent de puits de dioxyde de carbone, mais ils soutiennent également les pêcheries du monde entier en fournissant un habitat et en servant de nurseries à des milliers de poissons et d’invertébrés marins. Les requins-marteau tiburo abondent dans ces prairies d’herbes marines où ils peuvent dévorer crustacés et mollusques.
Un herbier marin à La Réunion. (Philippe Bourjon/ Wikimedia)
En 2007, les scientifiques ont découvert que ces requins se nourrissent aussi d’herbes marines. Malgré le fait que la nourriture végétarienne constituait plus de la moitié du contenu de l’estomac des requins, les chercheurs ont supposé qu’elle était arrivée là par hasard. Ils pensaient que les requins avaient dû ramasser de l’herbe en attrapant un crabe.
Samantha Leigh, étudiante diplômée et écologiste à l’université de Californie, Irvine, qui a dirigé la nouvelle recherche, n’était pas convaincue. Elle voulait savoir si les requins pouvaient digérer l’herbe. Ainsi, elle a placé des requins-marteau tiburo captifs sous un régime alimentaire principalement végétarien d’herbes marines et de calamars pendant 3 semaines. Elle a étiqueté l’herbier marin avec un marqueur qu’elle pouvait suivre au fur et à mesure que le poisson consommait la matière végétale, la digérait et l’excrétait.
Bien qu’elle ait commencé le projet en se doutant qu’elle allait prouver qu’elle avait raison, Leigh a alors découvert que les requins digéraient environ la moitié des herbes marines qu’ils consommaient.
Selon Leigh :
C’est comme les poissons herbivores. C’est aussi mieux que les pandas qui sont capables de digérer le bambou.
Les requins ont également absorbé les nutriments de l’herbier marin et ont même pris du poids, selon Leigh et son équipe. De plus, les enzymes capables de décomposer la cellulose, un composant fondamental des plantes qui les rendent difficiles à digérer, étaient à l’œuvre chez les requins.
Cela signifie que ces requins côtiers, que l’on croyait être uniquement carnivores, sont en fait omnivores et les seules espèces de requins connues pour manger des plantes. Cette distinction change la donne pour les responsables de la gestion des écosystèmes puisque les poissons omnivores sont des stabilisateurs du réseau trophique (chaine alimentaire).
Selon Leigh :
Ces requins ne sont pas les principaux prédateurs qui contrôlent l’ensemble du système ou des brouteurs qui ne mangent que de l’herbe . Si on les considérait comme des carnivores, leur rôle dans ce système serait complètement différent.
Étant donné que les industries de la pêche dépendent des écosystèmes des prairies sous-marines pour leur valeur économique…
…s’assurer que nous comprenons l’ensemble du système des prairies sous-marines tel qu’il fonctionne ensemble nous aidera à conserver ces systèmes.
Les herbiers marins sont extrêmement importants. Ils produisent de l’oxygène, ils servent de nurserie pour de nombreuses espèces de poissons d’importance commerciale, ils filtrent les toxines de l’eau, et plus encore. Cependant, la santé et l’abondance de nombreuses prairies d’herbiers marins sont en déclin. Cette étude est la première étape pour déterminer comment le Requin-marteau tiburo s’intègre vraiment dans ce type d’habitat.
En termes de limitations, cette étude fournit un instantané d’une population de requins de la région des Keys en Floride. Les chercheurs ne savent toujours pas ce que font leurs homologues du Pacifique en termes de consommation et de digestion de la végétation.
L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B : Seagrass digestion by a notorious ‘carnivore’.