L’immense étendue de la civilisation Maya révélée par une nouvelle étude aérienne à base de laser
Plus de 61 000 anciennes structures mayas ont été découvertes au Guatemala par une équipe composée de 18 chercheurs aidés d’une technologie laser connue sous le nom de LiDAR qui peut regarder à travers la jungle dense et créer une carte topographique de milliers de kilomètres carrés.
Image d’entête : une carte en 3D par LIDAR de Tikal. (Luke Auld-Thomas/ Marcello A. Canuto)
L’enquête, qui a débuté en 2016 et dont les premiers résultats ont été publiés cette semaine, comprend une douzaine de parcelles couvrant 2 144 kilomètres carrés, une superficie plus grande que l’île de Maui. Il s’agit de la plus grande étude de ce type jamais réalisée dans la région maya.
Les auteurs de l’étude décrivent les résultats comme une révélation. Pour Mary Jane Acuña, directrice du projet archéologique El Tintal au Guatemala :
C’est comme mettre des lunettes quand la vue est floue.
Dans le passé, les archéologues avaient soutenu que de petites villes-États déconnectées parsemaient les basses terres mayas, bien que cette représentation n’ait plus vraiment la cote.
Cette étude montre que les Mayas pouvaient largement « exploiter et manipuler » leur environnement et leur géographie. Leur agriculture a soutenu d’importantes populations qui, à leur tour, ont forgé des relations dans toute la région.
En scannant le terrain, Acuña et ses collègues, une équipe scientifique internationale composée de 18 personnes, ont recensé 61 480 structures. Celles-ci inclues : 95 km de chaussées, de routes et de canaux qui reliaient les villes, de grandes fermes de maïs, de petites et grandes maisons et, étonnamment, des fortifications défensives qui suggèrent que les Mayas ont été attaqués par l’ouest de l’Amérique centrale.
Selon Marcello Canuto, anthropologue de l’université Tulane (Nouvelle-Orléans/États-Unis) et auteur principal de l’étude :
Nous avons tous vu des choses que nous avions remarquées et nous nous sommes rendu compte que ça nous avait totalement échappé.
Les images préliminaires de l’étude ont été rendues publiques en février, pour le plus grand plaisir des archéologues.
Avec le soutien d’une fondation patrimoniale basée au Guatemala, appelée Pacunam, les chercheurs ont mené cette étude massive et coûteuse à l’aide d’un LIDAR, ou détection et télémétrie par laser. Ils ont cartographié plusieurs sites archéologiques actifs, ainsi que des villes mayas bien étudiées comme Tikal et Uaxactun.
Le principe du LIDAR est similaire à celui du radar, sauf qu’à la place d’ondes radio, le lidar repose sur la lumière laser. A partir d’un avion volant à quelques centaines de mètres au-dessus de la canopée, les chercheurs ont scanné chaque mètre carré avec 15 impulsions laser. Ces impulsions pénètrent la végétation, mais rebondissent sur les surfaces dures comme la pierre.
La vidéo ci-dessous offre un aperçu de la puissance du LiDAR et de l’importance des structures mayas complexes cachées sous les canopées.
Sous l’épaisse jungle, de nombreuses ruines sont apparues.
Ce que le LIDAR peut révéler. Tikal vu au-dessus des arbres. L’image du bas : même vue, cette fois-ci dépouillée de végétation par le LiDAR (Luke Auld-Thomas et Marcello A. Canuto/ PACUNAM)
En extrapolant sur les 95000 kilomètres carrés qui englobent l’ensemble de la région des basses terres mayas, les auteurs estiment qu’ils ont construit jusqu’à 2,7 millions de structures. Celles-ci auraient accueilli de 7 à 11 millions de personnes pendant la période classique de la civilisation maya, soit entre 650 et 800 ans, ce qui correspond aux autres estimations de la population maya.
Grâce au lidar, les archéologues ont pu documenter un nouveau site au nord de Tikal. Le bâtiment allongé en haut à droite fait partie d’un complexe qui peut être daté à 500 ans avant Jésus Christ. De l’autre côté de la vallée se trouve une grande acropole, qui est probablement de mille ans plus jeune. (Luke Auld/ Thomas Garrison/ PACUNAM)
Selon M. Canuto :
Nous travaillons dans ce domaine depuis plus d’un siècle. Ce n’est pas de la terra incognita, mais nous n’avions pas une bonne appréciation de ce qui était vraiment là.
Les nouvelles découvertes suggèrent que les Mayas utilisaient des pratiques agricoles plus avancées qu’on ne le pensait auparavant. Les routes reliant de nombreux centres urbains de l’époque suggèrent également que les villes mayas étaient plus étroitement liées qu’on ne le pensait auparavant.
Toujours selon Canuto :
Il semble clair maintenant que les anciens Mayas ont transformé à grande échelle leur paysage afin de le rendre plus productif sur le plan agricole. Par conséquent, il semble probable que cette région était beaucoup plus densément peuplée que nous le pensions auparavant.
Dans leur ensemble, les terrasses et les canaux d’irrigation, les réservoirs, les fortifications et les chaussées révèlent une quantité étonnante de modifications apportées par les Mayas à l’ensemble de leur paysage à une échelle inimaginable auparavant.
L’étude publiée dans Science : Above and below the Maya forest et présentée sur le site de l’université Tulane : Unprecedented study confirms massive scale of lowland Maya civilization.
Merci encore pour vos articles Guru. Sans vouloir être trop tatillon la phrase « Ces impulsions pénètrent la végétation, mais rebondissent sur les surfaces dures comme la pierre » peut porter à confusion. Le Lidar ne voit pas littéralement à travers la végétation, comme sur la pierre la plus grande partie des rayons lumineux émis vont se réfléchir sur les feuilles ou les branches de la canopée. Cependant certains rayons arrivent à passer entre les trous de la végétation et à atteindre le sol. C’est à partir de la mesure du trajet de ces rayons particuliers et moyennant quelques étapes de filtrage plus ou moins élaborées qu’on peut estimer la position du sol par rapport à la source (ici l’avion) et donc « voir à travers » la canopée.