Découverte de l’énorme fantôme d’une galaxie orbitant la Voie lactée
On dirait que tout dans l’univers tourne autour de quelque chose. La Lune gravite autour de la Terre, qui gravite autour du Soleil, qui gravite autour du centre de la Voie lactée. Mais cela ne s’arrête pas là. Les galaxies peuvent même orbiter autour d’autres galaxies, et récemment, une équipe internationale d’astronomes a découvert une nouvelle galaxie satellite autour de notre propre Voie lactée et elle étrange.
Image d’entête : la galaxie récemment découverte est la faible lueur (améliorée) en haut à gauche de l’image, adjacente à la Voie lactée (en bas à gauche), avec le Grand Nuage de Magellan en bas à droite (Torrealba et coll./ ESA)
La Voie lactée possède plusieurs galaxies qui lui tournent autour, notamment le grand et le petit nuage de Magellan, les deux seuls satellites de notre galaxie visibles à l’œil nu.
La distribution des satellites galactiques dans le ciel. L’image de fond est la carte Infrarouge produite par le grand relevé du 2MASS. (S. Koposov, V. Belokurov / 2MASS)
Un autre point de vue sur le Groupe local de galaxies et les galaxies pour la plupart naine qui tourne autour de la Voie lactée. (wikimedia)
Maintenant, grâce aux données du satellite Gaia, qui a permis de constituer la carte la plus complète de notre ciel, les astronomes viennent d’en trouver une autre. Et elle est absolument énorme, aussi grande que le Grand Nuage de Magellan, soit environ un tiers de la taille de la Voie lactée.
Dans l’image en entête, c’est la faible lueur en haut à gauche de l’image, adjacente à la Voie lactée (en bas à gauche), avec le Grand Nuage de Magellan en bas à droite. Comme elle se trouve dans la constellation de l’hémisphère sud, Antlia encore appelée Machine pneumatique, on lui a donné le nom d’Antlia 2.
Comment Antlia 2 a-t-elle réussi à échapper à toute détection depuis si longtemps, surtout depuis que nous connaissons le Grand Nuage de Magellan (964 de notre ère) ? De plusieurs façons. La première est qu’elle se dissimulait derrière le disque de la Voie lactée. La deuxième est qu’elle a une densité extrêmement faible, ce qui signifie qu’elle n’émet pas beaucoup de lumière. En fait, elle est 10 000 fois plus pâle (diffuse) que le Grand Nuage de Magellan, sa représentation dans l’image ci-dessus est éclaircie pour que nous puissions le voir.
C’est, de loin, la galaxie la plus diffuse jamais trouvée. Elle est même beaucoup plus pâle, environ 100 fois, que les galaxies ultra-diffuses incroyablement faibles en luminosité, qui n’ont pas de gaz formant des étoiles, et donc la capacité d’en créer de nouvelles.
Cela pourrait signifier qu’Antlia 2 n’est que les restes d’une galaxie morte depuis longtemps où, comme le précise l’astronome Gabriel Torrealba de l’Academia Sinica de Taipei (Chine) :
C’est le fantôme d’une galaxie.
L’équipe l’a trouvé lors d’une traque aux satellites de la Voie lactée, basée sur un type d’étoile appelée variable RR Lyrae. Ces étoiles sont très vieilles et pauvres en métaux, et on les trouve couramment dans les galaxies naines et les amas globulaires.
Comme leur nom l’indique, ce sont aussi des étoiles variables, ce qui signifie que leur lumière varie selon une échelle de temps très régulière, environ une demi-journée terrestre. Ainsi, elles peuvent être utilisées comme une chandelle standard, en déterminant la distance d’un objet par rapport à la luminosité qu’il diffuse, en connaissant sa puissance lumineuse de base, appelée magnitude absolue, afin de calculer les distances précises entre la Terre et l’étoile, comme l’a découvert l’astronome américaine Henrietta Leavitt au début du XXe siècle.
L’équipe a trouvé un groupe de ces étoiles dans les données de Gaia, mais quand ils ont vérifié l’emplacement par rapport aux bases de données d’objets connus, il n’y avait supposément rien. Ils ont donc effectué d’autres observations et ils ont réussi à obtenir les spectres de 100 étoiles géantes rouges juste avant que la position d’Antlia 2 ne soit obscurcie par le Soleil, où elle devrait rester pendant plusieurs mois. C’est ainsi qu’ils ont confirmé l’existence de l’immense Antlia 2, jusqu’alors inconnue, qui se cache au-delà de la Voie lactée.
D’après les observations de l’équipe, Antlia 2 se trouve à quelque 424 000 années-lumière de la Terre et a environ 11,2 milliards d’années. Des simulations suggèrent qu’une grande partie de sa matière a été dévorée par la Voie lactée, le même sort qui attend les nuages de Magellan.
Selon l’astronome Sergey Koposov de l’université Carnegie-Mellon (Pittsburgh/ États-Unis) :
L’explication la plus simple de la raison pour laquelle Ant 2 semble avoir si peu de masse aujourd’hui est qu’elle est en train d’être démonté par les marées galactiques de la Voie lactée.
Ce qui reste inexpliqué, cependant, c’est la taille géante de l’objet. Normalement, quand les galaxies perdent de la masse à cause des marées de la Voie lactée, elles rétrécissent, elles ne grandissent pas.
Cela signifie qu’elle a probablement dû commencer beaucoup plus grosse qu’elle ne l’est maintenant, bien que cela reste encore à déterminer.
Et il y a aussi la question de la taille d’Antlia 2. Selon l’astronome et experte en étoile variable RR Lyrae, Gisella Clementini, de l’Institut National d’Astrophysique en Italie, le calcul utilisé par l’équipe pour déterminer la distance au groupe RR Lyrae incluait une erreur. Avec le bon calcul, ils ne sont qu’à 260 000 années-lumière d’ici. Mais, selon Torrealba, cette erreur de calcul ne change que la distance aux étoiles RR Lyrae, pas les géantes rouges étudiées par l’équipe, ce qu’ils ont confirmé en utilisant deux méthodes distinctes. Donc, soit les étoiles RR Lyrae sont devant Antlia 2, ce qui signifie que la découverte de la galaxie est le résultat d’une erreur de calcul et donc extrêmement chanceuse, soit elles font partie de la galaxie, mais sur le bord le plus proche de cette dernière.
Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que l’équipe a découvert quelque chose d’étrange dans notre voisinage galactique.
Selon l’astronome Matthew Walker, également de l’université Carnegie-Mellon :
Comparé au reste des quelque 60 satellites de la Voie lactée, Ant 2 est un peu bizarre.
Nous nous demandons si cette galaxie n’est que la pointe d’un iceberg, et la Voie Lactée est entourée d’une grande population de (galaxies) naines presque invisibles comme celle-ci.
Si le Guru n’oublie rien, la dernière galaxie découverte tournant autour de la nôtre, date de 2016 et elle est également très diffuse. Elle fut baptisée Crater 2 (dans la constellation de la Coupe).
L’étude publiée dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society et arXiiv : The hidden giant: discovery of an enormous Galactic dwarf satellite in Gaia DR2 et présentée sur le site de l’université de Cambridge : Gaia spots a ‘ghost’ galaxy next door.