Pourquoi des scientifiques tentent-ils de créer une tomate pimentée ?
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Cela peut sembler étrange, mais les brulants piments et les juteuses tomates sont en fait apparentés. Les deux espèces végétales se sont séparées d’un ancêtre commun il y a près de 19 millions d’années, s’engageant dans des trajectoires très différentes. Maintenant, des scientifiques songent à mettre au point des tomates génétiquement modifiées qui seraient piquantes pour des applications industrielles.
L’âcreté (ou chaleur) du piment est due aux capsaïcinoïdes, qui proviennent de la moelle (un tissu vasculaire dans la tige des plantes). Lorsque vous mangez du piment, la chaleur caractéristique n’est pas vraiment un goût, c’est de la douleur… Les molécules activent les cellules nerveuses de la langue, que le cerveau interprète comme une sensation de brûlure. D’une certaine façon, manger du piment est comme placer un objet chaud dans votre bouche, sans avoir à faire face aux dommages thermiques.
Les scientifiques pensent que les Capsicum ont développé cette capacité afin de repousser les prédateurs, comme les grands mammifères. Pendant ce temps, les oiseaux, qui dispersent les graines et sont donc d’une grande utilité pour les piments, ne présentent aucune réaction douloureuse à la capsaïcine.
Il existe 23 types différents de capsaïcinoïdes, certains plus piquants que d’autres, selon l’environnement pour lequel le piment est adapté. De précédents travaux de recherche ont montré que la production de capsaïcinoïdes est régulée par certains gènes, et les tomates, la cousine éloignée des piments, possèdent également ces gènes. Cependant, elles n’ont pas la machinerie biologique nécessaire pour les activer.
A partir de l’étude : l’expression du gène codant pour la capsaïcinoïde synthase (CS) est directement affectée par son éclairement, sa température et ses blessures. Des températures plus élevées et des blessures augmentent cette activité enzymatique. (Emmanuel Rezende Naves et Coll./ Trends in Plant Science)
Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’université fédérale de Viçosa au Brésil étudient les voies génétiques potentielles qui pourraient permettre la récolte de tomates épicées.
Selon Agustin Zsögön, biologiste des plantes à l’université fédérale de Viçosa au Brésil et principal auteur de l’étude :
Nous avons des outils suffisamment puissants pour modifier le génome de n’importe quelle espèce ; le défi est de savoir quel gène et où le modifier.
Il y a des raisons très pratiques pour la conception d’une tomate épicée. Ces baies juteuses sont beaucoup plus faciles à cultiver que le piment et produiraient plus de capsaïcine par surface en raison du grand volume du corps fructifère. Le piment est une denrée très prisée depuis sa découverte lors des voyages de Christophe Colomb, qui, à l’époque, se vendait à des prix similaires à ceux de l’or. Aujourd’hui, il a été démontré que la capsaïcine possède des propriétés thérapeutiques et nutritionnelles. Par exemple, les molécules peuvent agir comme antibiotiques et analgésiques, et la recherche suggère que le jus de piment réduit l’inflammation de l’intestin et possède des propriétés antidépressives. Ils sont aussi utilisés dans les sprays au poivre.
A partir de l’étude : profil transcriptionnel des gènes liés au métabolisme de l’âcreté du piment, du poivron et de la tomate. (Emmanuel Rezende Naves et Coll./ Trends in Plant Science)
Afin de mettre au point des tomates épicées, les chercheurs ont identifié différents gènes dont l’expression peut être relancée. Un outil pour y parvenir est l’utilisation d’activateurs transcriptionnels (TALEs), une suite de protéines sécrétées par les bactéries pathogènes Xanthomonas spp. lorsqu’elles infectent les plantes hôtes. La deuxième stratégie est l’utilisation de l’ingénierie génomique pour le remplacement ciblé des promoteurs.
Selon Zsögön :
En théorie, on pourrait utiliser ces gènes pour produire des capsaïcinoïdes dans la tomate. Comme nous n’avons pas de données solides sur les modes d’expression de la voie capsaïcinoïde dans le fruit de la tomate, nous devons essayer d’autres approches. L’une consiste à activer les gènes candidats un à la fois et à voir ce qui se passe, quels composés sont produits. Nous essayons ceci et quelques autres choses.
Bien que l’objectif principal de ces recherches préliminaires soit de produire plus de capsaïcine, de tels efforts pourraient aussi donner lieu à une nouvelle variété de produits dans l’allée des épiceries.
L’étude publiée dans Trends in Plant Science : Capsaicinoids: Pungency beyond Capsicum.