La méthode d’édition génétique CRISPR utilisée pour produire des lézards albinos, étendant enfin la portée de ce puissant outil aux reptiles
Le puissant outil d’édition génétique CRISPR-Cas9 fait fureur en ce moment. Dans le futur, les scientifiques espèrent utiliser cette technologie pour éliminer le paludisme des moustiques, traiter le VIH et la maladie d’Alzheimer, développer de nouveaux médicaments et même créer des plastiques en modifiant des levures pour qu’elles transforment le sucre en hydrocarbures. Cependant, CRISPR (pour “Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats”) ne semblait pas fonctionner sur les lézards et les serpents. Mais des chercheurs de l’université de Géorgie à Athènes ont mis au point une solution de contournement qui apporte enfin le puissant outil d’édition génétique dans le monde des reptiles.
Image d’entête : anole Tyr-crispant albinos, issu de la modification génétique (à gauche) et le reproducteur sauvage (à droite). (Université de Géorgie à Athènes)
CRISPR-Cas9 permet aux scientifiques de modifier l’ADN de différents organismes avec rapidité et précision. Elle consiste essentiellement à injecter à un organisme vivant une construction d’ADN composée de l’enzyme Cas9 qui coupe ou supprime un segment d’ADN, d’une séquence d’ARN qui guide le Cas9 vers l’emplacement à couper et d’un nouveau modèle d’ADN qui répare la coupure et modifie le gène. Avant l’arrivée de CRISPR, l’édition des gènes fut une procédure longue et laborieuse qui s’est souvent soldée par un échec.
Pour les chercheurs :
L’édition de gènes à médiation CRISPR-Cas9 a permis la manipulation directe de la fonction des gènes chez de nombreuses espèces. Cependant, la biologie reproductive des reptiles présente des obstacles uniques à l’utilisation de cette technologie, et il n’existe actuellement aucun reptile doté de méthodes efficaces de mutagenèse ciblée.
Généralement, les chercheurs modifient les gènes d’un organisme en injectant un assemblage d’ADN dans un ovule fécondé unicellulaire, ce qui entraîne une altération génomique qui est présente dans toutes les cellules ultérieures. Cependant, cette approche ne fonctionne pas sur les anoles femelles, qui stockent les spermatozoïdes dans leurs oviductes pendant de longues périodes. Il est donc pratiquement impossible de synchroniser correctement l’injection de CRISPR à la fertilisation. De plus, les femelles forment également des coquilles d’œufs lors de la fécondation et l’insertion d’une aiguille à cet endroit peut endommager l’embryon.
A partir de l’étude : anole Tyr-crispant albinos (à gauche) et reproducteurs de type sauvage (à droite). (Ashley M. Rasys et coll./ bioRxiv)
Les chercheurs de l’université de Géorgie ont résolu ce problème en insérant le complexe CRISPR dans des ovules non fécondés encore dans les ovaires. Pour leur expérience, les chercheurs ont ciblé un gène qui produit une enzyme qui contrôle la pigmentation. L’équipe a modifié un total de 146 œufs immatures de 21 lézards, ce qui a donné lieu à la reproduction de quatre descendants albinos.
Les scientifiques affirment que la nouvelle méthode devrait fonctionner pour d’autres espèces de lézards aussi bien que pour les serpents, ce qui en fait une véritable révolution sur le terrain.
L’étude en prépublication (pas encore revue par les pairs) sur bioRxiv : CRISPR-Cas9 Gene Editing in Lizards Through Microinjection of Unfertilized Oocytes et présentée sur le site de l’université de Georgie : UGA scientists create world’s first gene-edited lizards.