Aucun astronaute ou cosmonaute n’est (pour l’instant) mort des radiations spatiales
Une nouvelle étude portant sur 418 anciens astronautes et cosmonautes a révélé que le temps qu’ils ont passé dans l’espace ne semble pas engendrer de risque accru de décès attribuable à des causes associées à l’exposition aux radiations.
L’étude n’a toutefois pas permis de conclure que les futures missions, comme un retour sur la Lune ou une mission vers Mars, sont également inoffensives.
Selon Robert Reynolds, épidémiologiste et biostatisticien chez Mortality Research & Consulting, en Californie, des études menées auprès de survivants de bombes atomiques et de travailleurs du nucléaire ont montré que l’exposition aux radiations est associée à un risque accru de décès par cancer et maladie cardiovasculaire. Les doses de rayonnement auxquelles la plupart des astronautes sont exposés sont toutefois suffisamment faibles pour que les méthodologies standard n’aient pas été en mesure de détecter un risque accru, indique M. Reynolds qui rajoute :
La NASA a fait du bon travail pour limiter les doses reçues, tant du point de vue de la planification de la mission que du point de vue de l’ingénierie.
C’est évidemment une bonne nouvelle, tant pour les amateurs d’espace que pour les astronautes qui espèrent passer leur retraite en bonne santé.
Des chercheurs ont voulu approfondir ce fait. Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), une équipe dirigée par Reynolds a fait exactement cela, en tirant parti du fait que les radiations sont connues pour causer à la fois cancers et maladies cardiovasculaires.
L’étude a commencé par compiler les données accessibles au public de tous les astronautes et cosmonautes qui se sont rendus dans l’espace pour voir s’ils étaient encore en vie et, dans la négative, les causes de leur mort et le moment où ils l’avaient été.
Les méthodes statistiques furent complexes, mais les scientifiques cherchaient à voir s’il y avait un lien entre les taux de décès par cancer chez les astronautes et les décès par maladies cardiovasculaires.
Un tel lien suggérerait une cause commune, comme l’exposition aux rayonnements, mais selon M. Reynolds :
On ne voit pas ça. Par conséquent, les radiations ne peuvent pas être une cause commune, car il n’y a pas de cause commune.
Pourtant, depuis un bon moment, les dangers des radiations sont souvent mis en avant lorsqu’on parle de voyage dans l’espace et les réactions des autres scientifiques sont mitigées, comme celle de Kira Bacal, spécialiste de la médecine spatiale qui travaillait auparavant pour l’équipe de médecine spatiale de la NASA :
Je pense que c’est un article intéressant, et j’aime cette approche.
Sa principale préoccupation est qu’à part les 27 astronautes qui ont visité la Lune (ou qui l’ont contournée) pendant le programme Apollo, aucun des 391 autres astronautes ou cosmonautes n’avait échappé à la protection du champ magnétique terrestre et de ses ceintures de Van Allen, qui s’étendent à plusieurs milliers de kilomètres de la surface.
Toujours selon Kira Bacal :
En ce qui concerne les effets des rayonnements sur le corps humain, il y a une différence importante entre les types d’expositions sous les ceintures de Van Allen et au-dessus. Ce sont des pommes et des battes de baseball. Deux choses complètement séparées.
L’un des risques à l’extérieur de la protection de la Terre, dit-elle, provient des éruptions solaires, qui peuvent envoyer d’énormes quantités de radiations vers des engins spatiaux peu blindés.
Les astronautes d’Apollo ont été extrêmement chanceux de ne pas avoir été touchés par une éruption solaire lors de leur mission de quelques jours ou semaines.
Il est probable, ajoute-t-elle, que si l’éruption avait touché les astronautes sur la Lune ou en transit entre la Terre et la Lune, le rayonnement aurait été assez intense pour les tuer, si ce n’est immédiatement, ou peu après, du cancer.
Les rayons cosmiques, qui contiennent des particules extrêmement énergétiques, aussi grosses que le noyau d’un atome de fer, sont également dangereux au-dessus de l’orbite terrestre basse (LEO), dit-elle.
Quand quelque chose comme ça frappe une cellule, ça passe comme un semi-remorque chargé à pleine capacité.
Une étude sur des souris, ajoute-t-elle, suggère même que ce type de rayonnement pourrait déclencher des changements cérébraux semblables à la démence précoce, assez rapidement pour intervenir au cours d’une mission sur Mars.
Jeff Chancellor, physicien à l’université d’État de Louisianeà Baton Rouge, dont les recherches portent sur l’atténuation des risques de rayonnement spatial pour les astronautes, a d’autres préoccupations, notamment le fait que l’étude regroupe cosmonautes et astronautes.
Il existe d’énormes différences de mode de vie – par exemple, le tabagisme, l’alimentation, l’exercice entre les cultures russe et américaine, qui ont la capacité d’influer sur la durée de vie.
De plus, ajoute-t-il, tous les astronautes ne passent pas le même temps dans l’espace.
La plupart sont des pilotes de courte durées. Les missions de courtes ou de longues durée sont complètement différentes et ne peuvent pas être mises dans le même sac.
Reynolds reconnaît que son étude n’est pas conçue pour aborder toutes ces questions. Tout d’abord, dit-il, les astronautes qui se rendent sur la Lune ou sur Mars vont recevoir beaucoup plus de radiations, et potentiellement de types différents, que ceux qui sont en orbite terrestre basse.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Contrapositive logic suggests space radiation not having a strong impact on mortality of US astronauts and Soviet and Russian cosmonauts et présentée sur le site de Mortality Research & Consulting : Space radiation impact on mortality of astronauts/cosmonauts not dramatic: Report by Reynolds et al.