Sur l’idée de projeter des milliers de tonnes de neige artificielle sur la calotte polaire de l’Antarctique occidental pour empêcher son effondrement
Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), une équipe de chercheurs allemands suggère que le déversement de 8 mille millions de tonnes de neige artificielle sur la calotte polaire de l’Antarctique occidental (inlandsis Ouest-Antarctique) pourrait empêcher son effondrement. Ceci, à son tour, empêcherait l’élévation dévastatrice du niveau de la mer due à la fonte continue des glaciers.
Image d’entête : une carte de l’inlandsis Ouest-Antarctique. (Jeroen/ Wikimédia)
La procédure prendrait la forme de blizzards d’origine humaine, distribués par des canons à neige remplis d’eau de mer gelée et dessalée, un exploit technique qui n’a jamais été réalisé auparavant. Cela pourrait également mettre en péril bon nombre des écosystèmes fragiles que la région abrite.
Soyons clairs : l’idée est pour le moins risquée et personne, y compris les chercheurs eux-mêmes, n’a l’intention d’y donner suite dès maintenant. Mais les circonstances extrêmes exigent des solutions extrêmes (hypothétiques), selon les chercheurs. La mise en œuvre d’une telle stratégie pourrait permettre de sauver les villes côtières du monde entier d’une inondation inévitable à mesure que le niveau de la mer monte… mais à quel prix ?
Selon Anders Levermann, physicien à l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique (Allemagne) et à l’université Columbia (États-Unis) :
A long terme, les métropoles mondiales de New York à Shanghai…. seront sous le niveau de la mer si rien n’est fait.
C’est une perspective qui donne à réfléchir, mais peut-être aussi une perspective très réelle. Si ces majestueuses nappes de glace s’effondrent complètement, cette seule perte pourrait faire monter le niveau de la mer de plus de 3 mètres.
Une partie de cette catastrophe pourrait être atténuée si le monde faisait un sérieux effort pour limiter ses émissions de carbone, conformément aux lignes directrices énoncées dans l’Accord de Paris. Mais cela prendrait des années, et même dans le meilleur des cas, les scénarios ne préviendraient pas complètement l’élévation du niveau de la mer ou ne ramèneraient pas la glace polaire à la base.
Cette nouvelle idée, d’un autre côté, est peut-être ce qui se rapproche le plus d’une solution rapide, du moins pour cette région. Les glaciers de l’Antarctique occidental deviennent de plus en plus précaires à mesure que l’eau chaude s’écoule en dessous. Selon les chercheurs, le fait de projeter une énorme quantité de neige à la surface renforcerait l’inlandsis (calotte polaire) et rétablirait une partie de cette stabilité perdue.
La simulation informatique des chercheurs a montré que l’ajout d’environ 10 m de cette glace artificielle chaque année, au cours de la prochaine décennie, serait suffisant pour préserver les glaciers. Pour les matheux, c’est beaucoup de glace, 6 fois plus que le volume d’eau du canal de Panama.
A partir de l’étude : Le cadre rouge indique l’endroit où la neige devait être déposée. (Levermann et coll./ Sciences Advances)
La technique, qui nécessiterait la collecte, le dessalement, le transport et la distribution de l’eau de mer, ne serait pas non plus bon marché, énergétiquement parlant. Selon les notes de l’étude, l’extraction de l’eau jusqu’à la hauteur appropriée nécessiterait à elle seule l’électricité de 12 000 des plus puissantes éoliennes.
Les besoins en ingénierie à eux seuls pourraient suffire à étouffer cette idée, a déclaré John Moore, de l’université normale de Pékin, qui n’a pas participé à l’étude et qui rajoute :
Beaucoup de gens peuvent penser à des solutions qui peuvent sembler plausibles, mais qui exigent des prouesses d’ingénierie ou une consommation de ressources insoutenables. Je pense que c’est l’une d’elles.
Même si les obstacles technologiques pouvaient être surmontés, le déploiement de ces canons à neige pourrait également constituer une menace sérieuse pour la vie marine qui subirait inévitablement les effets des perturbations causées par les machines, ainsi que l’épuisement littéral de leur habitat aquatique.
Les chercheurs reconnaissent pleinement les effets dévastateurs que la stratégie aurait sur l’écosystème, car elle transformerait une grande partie de l’Antarctique en un « complexe industriel ».
Personne ne veut ça. Mais l’écosystème serait de toute façon altéré par l’effondrement de la calotte glaciaire.
De plus, leur modèle suppose que le climat actuel et, par conséquent, les températures mondiales, se maintiendraient au cours de la prochaine décennie, un scénario peu probable.
Cela fait beaucoup de supposition pour que le processus fonctionne, et un tel remaniement à grande échelle de la glace pourrait aussi avoir des effets contraires à ceux escomptés. Les chercheurs ne comprennent pas complètement la dynamique des calottes glaciaires, et la glace artificiellement épaissie pourrait en fait être plus susceptible de se disloquer et de fondre dans la mer.
Cela dit, l’étude actuelle ne porte pas sur ce qui devrait ou ne devrait pas se produire à mesure que le climat continue de changer, soulignent les chercheurs. Ce n’est là qu’une possibilité parmi d’autres, et selon Mme Levermann :
L’absurdité apparente de cette initiative… reflète la dimension stupéfiante du problème du niveau de la mer. Pour prévenir un risque sans précédent, l’humanité devra peut-être faire un effort sans précédent.
L’étude publiée dans Sciences Advances : Stabilizing the West Antarctic Ice Sheet by surface mass deposition et présentée sur le site de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique : Sea level rise: West Antarctic ice collapse may be prevented by snowing ocean water onto it.
Ce serait probablement plus simple d’occulter une partie de l’ensoleillement sur ce point précis du globe (ou du monde entier à la limite) en larguant des particules de souffre, faisant voyager des surfaces réfléchissantes telles que de grands dirigeables blancs qui se déplaceraient de manière dynamique en fonction des besoins ou en plaçant un réflecteur/lentille dans l’espace.
Ça abaisserait du coup la température et ça serait nettement plus économique et pratique à mettre en oeuvre que cette usine à gaz tant qu’à avoir recours à la géo-ingénierie avec tous les risques que ça comporte.
Ton idée d’envoyer des surfaces réfléchissante dans le ciel est cool mais j’ai pas très bien saisi quand tu parle de larguer des particules de souffre.
On sais que le souffre a la capacité de refroidir l’atmosphere (le prix nobel de Chimie de 1995 Paul Crutzen avait d’ailleurs proposé de propager des nuages de souffre dans le ciel), mais le problème est que le souffre à une durée de vie trop courte contrairement au gaz à effet de serre, du coup, ca n’aurait qu’un effet local, et en plus ca nécessiterait d’envoyer de grande quantités ce qui engendrerait des sales problèmes sanitaires (nocif pour le système respiratoire et acidifie l’air donc l’eau et les terres).