Certains chimpanzés ont un os dans le cœur et peut-être que les humains aussi
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Quelques espèces d’animaux ont naturellement un os dans le cœur. Cet “os cordis” n’avait pas été découvert chez les primates, jusqu’à récemment chez des chimpanzés dans le cadre d’une étude de l’école de médecine et de sciences vétérinaires de l’université de Nottingham (Royaume-Uni). Pas tous les chimpanzés, mais certains qui ont des problèmes cardiaques. C’est la première fois qu’on trouve un os cardiaque chez les grands singes.
Image d’entête : Image par microtomographie aux rayons X haute résolution de l’os cordis du chimpanzé. (Sophie Moittié et Coll./ Scientific Reports)
La taille de ce tissu minéralisé, qui ne mesure pas plus de quelques millimètres, semble varier d’un individu à l’autre, mais dans l’ensemble, les chercheurs estiment qu’il semble s’agir donc d’un os cordis , un type d’os cardiaque que l’on trouve habituellement chez les grands ruminants, comme les bovins et les buffles, mais qui est également présent chez les chameaux et même les loutres.
Ce type d’os n’a jamais été identifié chez les chimpanzés, ni chez aucun autre grand singe d’ailleurs, ce qui amène l’équipe de recherche à spéculer sur l’anatomie humaine également.
Selon l’anatomiste Catrin Rutland de l’université de Nottingham :
La découverte d’un nouvel os dans une nouvelle espèce est un événement rare, surtout chez les chimpanzés qui ont une anatomie si semblable à celle de l’homme. Cela soulève la question de savoir si certaines personnes pourraient également avoir un os cordis.
En utilisant pour la première fois des scanners à haute résolution pour analyser la structure du squelette cardiaque (tissu conjonctif dense soutenant le cœur) de grands singes, les chercheurs ont remarqué que des calcifications se développaient dans le cœur de certains chimpanzés.
Étroitement liée à l’âge, la femelle la plus âgée du groupe, âgée de 59 ans, présentait plusieurs sites de calcification dans les grands vaisseaux de son cœur.
Une analyse plus poussée des tissus à l’échelle microscopique a révélé que ces structures étaient parfois entièrement constituées d’os, parfois de cartilage, et d’autres fois se situaient quelque part entre les deux types de tissus.
Image par microtomographie aux rayons X haute résolution de l’os cordis du chimpanzé. (Sophie Moittié et Coll./ Scientific Reports)
Étant donné la portée relativement limitée d’une telle étude, il est possible qu’il s’agisse simplement d’une particularité anatomique chez certains chimpanzés, mais les chercheurs ont des raisons de penser le contraire.
Chez l’humain, la minéralisation du squelette cardiaque est généralement due à l’âge et elle est associée à des maladies cardiovasculaires. Bien que les chimpanzés ne soient pas aussi sujets aux problèmes coronariens que notre propre espèce, les maladies cardiaques touchent encore près de 70 % des chimpanzés adultes en captivité.
Le type de maladie cardiaque le plus courant chez les chimpanzés est la fibrose myocardique idiopathique, qui se caractérise par une accumulation de tissu conjonctif fibreux associée à une arythmie (« rythmes cardiaques atypiques ») et à un arrêt cardiaque soudain.
Sur les 16 cœurs évalués par l’équipe dans cette étude, seuls 3 chimpanzés ne présentaient aucune trace de fibrose dans leur cœur, et n’avaient pas non plus de zones hyperdenses. Par contre, tous les cœurs de chimpanzés affectés présentaient une formation d’os ou de cartilage, et une augmentation des tissus conjonctifs à proximité.
Selon les chercheurs :
Dans les sept autres cœurs, des zones très denses ont été détectées et elles étaient compatibles avec des zones de minéralisation ou de formation osseuse (représentées par des régions très claires sur les images.
Dans quatre de ces cas, l’emplacement et la taille de cette structure correspondaient précisément à un os cordis.
A partir de l’étude : images par microtomographie aux rayons X présentant des structures hyperdenses dans le squelette cardiaque d’un chimpanzé. (Sophie Moittié et Coll./ Scientific Reports)
L’étude conclut :
L’association significative entre la présence d’un os cordis et des niveaux élevés d’IMF suggère que sa présence chez cette espèce pourrait être une découverte ou un marqueur pathologique plutôt qu’une caractéristique anatomique.
La fibrose myocardique idiopathique chez les grands singes est mal comprise, mais si les chercheurs ont raison et que cet os est impliqué d’une manière ou d’une autre, il est crucial que nous en sachions plus. Les chimpanzés sont une espèce menacée et les maladies cardiovasculaires constituent l’une des plus grandes menaces pour leur vie en captivité, et peut-être aussi dans la nature.
En comparant les scanners, les chercheurs ont trouvé un cœur qui contenait un cartilage appelé cordis, qui semblait être un précurseur de la formation d’os.
On ne sait pas encore si c’est une mauvaise chose pour les animaux. La fonction exacte de l’os cordis n’a pas encore été déterminée chez les autres espèces, et même dans les cas où il se développe avec l’âge, comme c’est le cas chez la loutre, il n’est pas toujours mauvais et pourrait même protéger les valves cardiaques.
Selon les chercheurs :
Les implications cliniques et fonctionnelles de la présence de cartilage et de tissu osseux dans le squelette cardiaque du chimpanzé restent à élucider.
On ne sait pas encore si la présence de cartilage ou d’ossification [croissance osseuse] dans le squelette cardiaque des chimpanzés augmente encore les risques d’arythmie.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Discovery of os cordis in the cardiac skeleton of chimpanzees (Pan troglodytes) et présentée sur le site de l’université de Nottingham : A rare heart bone is discovered in Chimpanzees.