La détection d’ondes gravitationnelle signale qu’un trou noir a avalé un mystérieux objet
La collaboration LIGO–Virgo, deux détecteurs d’ondes gravitationnelles, a rapporté un signal très étrange. La plupart de ces ondes proviennent de la fusion de deux trous noirs ou de deux étoiles à neutrons, mais ce signal semble provenir d’un trou noir avalant un objet inconnu, dont la masse se trouve dans une zone/ gamme que l’on croit vide.
Image d’entête : une représentation des deux objets impliqués dans l’étrange collision. (N. Fischer/ S. Ossokine/ H. Pfeiffer/ A. Buonanno (Max Planck Institute for Gravitational Physics)/ Simulating eXtreme Spacetimes (SXS) Collaboration)
Il est assez étonnant que quelque chose soit passé d’une découverte digne d’un prix Nobel à un événement apparemment banal en seulement 5 ans, mais c’est presque la sensation que l’on ressent avec les ondes gravitationnelles. Après tout, des dizaines de ces signaux ont été détectés depuis le tout premier en 2015, mais les scientifiques ont encore beaucoup à en apprendre.
Les ondes gravitationnelles sont des distorsions dans le tissu même de l’espace et du temps, causées par de puissants cataclysmes cosmiques. Des détecteurs comme LIGO et Virgo peuvent capter ces signaux lorsqu’ils passent au-dessus de la Terre, et les scientifiques peuvent analyser leur empreinte pour en déterminer la cause.
Plus précisément, ils peuvent calculer la masse de chaque objet dans la collision et dire ce qu’ils étaient. Si un objet a plus de 5 fois la masse du Soleil, il s’agit d’un trou noir. Moins de 2,1 fois la masse du Soleil, et il s’agissait très probablement d’une étoile à neutrons.
(LIGO/Caltech/MIT/R. Hurt (IPAC))
Maintenant, vous remarquerez probablement qu’il y a un » fossé de masse » au milieu. C’est une sorte de zone/ tranche de taille trop petite pour être un trou noir mais trop grande pour être une étoile à neutrons. Aucun objet astronomique n’a été trouvé dans cette zone, jusqu’à présent.
En août 2019, LIGO et Virgo ont détecté un signal d’onde gravitationnelle appelé GW190814. L’événement a eu lieu à quelque 800 millions d’années-lumière de la Terre, et les deux objets qui sont entrés en collision se sont avérés avoir respectivement 23 et 2,6 masses solaires.
L’objet de 23 masses solaires est sans aucun doute un trou noir, mais on ne sait pas ce qu’il a avalé, installé dans cet intervalle de masse. Et comme le plus gros objet est 9 fois plus massif que le plus petit, il s’agit du rapport le plus extrême pour tout événement d’onde gravitationnelle observé.
Un graphique indiquant les masses des différents objets détectés par différents moyens. Les trous noirs détectés par les ondes gravitationnelles sont en bleu, les trous noirs détectés par les observations électromagnétiques sont en violet, les étoiles à neutrons détectées par les observations électromagnétiques sont en jaune et les trous noirs détectés par les ondes gravitationnelles sont en orange. La nouvelle détection est représentée au milieu, montrant l’étendue entre les deux masses. (LIGO-Virgo/ Frank Elavsky & Aaron Geller (Northwestern))
Selon Pedro Marronetti, de la National Science Foundation (États-Unis) :
L’écart de masse fut une énigme intéressante pendant des décennies, et maintenant nous avons détecté un objet qui convient parfaitement. Cela ne peut pas être expliqué sans défier notre conception de la matière extrêmement dense ou ce que nous savons sur l’évolution des étoiles.
S’agit-il donc de l’étoile à neutrons la plus massive jamais observée ? Après tout, la découverte récente d’une étoile à neutrons de 2,17 masses solaires a déjà été décrite comme « en train de vaciller à la limite du réel ».
Ou était-ce le trou noir le plus léger jamais observé ? Bien que certainement inhabituel, cela semble plus probable. On suppose que de petits trous noirs existent, et il se peut même qu’on en ait trouvé un récemment, mesurant seulement 3,3 masses solaires.
Quoi qu’il en soit, cette détection pourrait n’être qu’un début. Déjà, il y a d’autres candidats à “écart de masse” dans la troisième série d’observations de LIGO-Virgo qui doivent être étudiés plus avant pour être confirmés. Et, avec le temps, leur sensibilité ne fera que s’accroître.
Selon Patrick Brady, l’un des coauteurs de l’étude :
Cela va changer la façon dont les scientifiques parlent des étoiles à neutrons et des trous noirs. L’écart de masse peut en fait ne pas du tout exister mais peut être dû aux limites des capacités d’observation. Le temps et d’autres observations nous le diront.
L’étude publiée dans Astrophysical Journal Letters : GW190814: Gravitational Waves from the Coalescence of a 23 Solar Mass Black Hole with a 2.6 Solar Mass Compact Object et présentée sur le site de Caltech : LIGO-Virgo Finds Mystery Object in « Mass Gap » et de la Max Planck Institute : A black hole with a puzzling companion.