Pourquoi cet ancien marsupial disposait-il des canines du Tigre à dents de sabre ?
C‘est un animal à l’allure bizarre. Il s’appelle Thylacosmilus, et c’était un marsupial sud-américain qui vivait il y a environ trois millions d’années. Notez les énormes dents de sabre, aussi grandes que celles du tigre à dents de sabre, ou Smilodon, qui a vécu pas mal de temps après le Thylacosmilus. Mais plus étrange encore est la mâchoire inférieure qui accueillait ces dents. Une comparaison entre le Thylacosmilus et le Smilodon révèle que malgré les dents, il s’agissait d’animaux très différents.
Image d’entête : Crânes et reconstitutions du Thylacosmilus atrox (à gauche) et du Smilodon fatalis (à droite). (Stephan Lautenschlager)
La plus célèbre des tigres à dents de sabre est peut-être le Smilodon fatalis, un superprédateur durant le Pléistocène, qui a très peu de relations avec le marsupial Thylacosmilus (ou avec les tigres modernes, d’ailleurs), malgré leurs similitudes apparentes.
Lorsque le Thylacosmilus a été découvert pour la première fois dans le nord de l’Argentine en 1933, ses crocs en forme de faux ont fait croire à beaucoup qu’il avait un mode d’alimentation similaire à celui d’autres prédateurs de l’ère glaciaire à dents de sabre. Mais en regardant de plus près les fossiles de Thylacosmilus conservés au Field Museum de Chicago, et en les comparant avec les crânes et les mâchoires d’autres mammifères carnivores d’hier et d’aujourd’hui, une autre histoire se dessine. Une équipe dirigée par Christine Janis, paléontologue à l’université de Bristol, a comparé le matériel dentaire et la structure squelettique du Thylacosmilus avec ceux du Smilodon. Une différence essentielle était visible dès le départ.
Un modèle 3D du marsupial éteint Thylacosmilus atrox. (Wikimédia)
Selon Janis, faisant référence aux dents de devant que beaucoup de prédateurs utilisent pour couper la nourriture :
Pour moi, le plus étrange est l’absence d’incisives, surtout quand les dents de sabre [comme celle du Smilodon] ont d’énormes dents saillantes dont ils auraient besoin pour enlever la viande de l’os quand ils sont gênés par ces grosses canines.
Le Thylacosmilus et le Smilodon sont un exemple d’évolution convergente, lorsque deux ou plusieurs branches de l’arbre de la vie ont la même idée, séparément. Pensez aux chauves-souris et aux oiseaux, ou aux dauphins et aux requins. Dans ce cas, bien que les créatures aient vécu à des époques différentes, elles ont toutes deux développé d’énormes canines. Le Smilodon les utilisait apparemment pour trancher et poignarder ses proies, mais la manière dont il s’y prenait est encore sujette à un débat scientifique. Le Thylacosmilus, en revanche, semble les avoir utilisées comme de fins couteaux à découper, comme celui que vous pourriez utiliser pour contourner les parties les plus osseuses d’un poulet.
Ce crâne de Thylacosmilus, trouvé en Argentine dans les années 1930, se trouve aujourd’hui au Field Museum de Chicago, avec d’autres. (Wikimedia/ Jonathan Chen)
Pour la comparaison, crâne du Smilodon fatalis. (Wikimédia)
Pour Larisa DeSantis, paléontologue de l’équipe de l’université Vanderbilt, spécialisée dans la micro usure dentaire, ou l’étude de la topographie microscopique des dents :
Nous voyons cela chez les animaux qui font du slurping. L’idée est qu’il s’agissait de découper la carcasse et d’en faire sortir l’intérieur.
A l’époque où l’Amérique du Sud était encore une île, le Thylacosmilus n’occupait pas la niche du Smilodon. Il semble avoir rempli une niche écologique unique, à laquelle même les charognards modernes, comme la hyène, ne correspondent pas tout à fait : un charognard qui faisait attention à sa nourriture, ciblant les tissus les plus mous, comme les organes internes plutôt que les muscles ou les os.
Ce régime alimentaire spécialisé dans les « tripes » n’est pas observé chez les prédateurs de mammifères vivants, et il reste donc difficile de le démontrer de manière définitive pour le Thylacosmilus.
La comparaison des deux types de créatures à dents de sabre est une grande leçon pour l’évolution, et nous rappelle qu’elle peut prendre de nombreuses voies.
Selon DeSantis :
Le thylacosmilus ressemble plus aux opossums ou aux kangourous ( que les chats à dents de sabre), et nous ressemblons plus aux chats à dents de sabre que ces animaux ne se ressemblaient .
L’étude publiée dans PeerJ : An eye for a tooth: Thylacosmilus was not a marsupial “saber-tooth predator” et présentée sur le site de l’université de Bristol : Bizarre saber-tooth predator from South America was no saber-tooth cat.