Un crâne qui révèle l’évolution réussie d’un cousin éteint de l’humain
Un crâne d’hominidé vieux de deux millions d’années a été découvert dans une grotte sud-africaine et il permet de mieux comprendre l’évolution de nos anciens cousins.
Le crâne est le premier spécimen connu et le mieux préservé du Paranthropus robustus : un petit hominidé, robuste et droit, dont on pense qu’il s’est éteint il y a environ un million d’années. L’espèce possédait de grosses molaires caractéristiques et des mâchoires puissantes qui auraient été utiles pour manger la végétation, les graines et les racines résistantes.
Image d’entête : Le crâne de Paranthropus robustus désigné DNH 155 montre le début d’une lignée prospère. (Université de La Trobe)
Ce nouveau spécimen a été découvert par une équipe de paléoanthropologues, dirigée par l’université australienne de La Trobe, dans les grottes de Drimolen, près de Johannesburg. Les résultats de son analyse ont été publiés cette semaine (lien plus bas).
Selon Andy Herries de La Trobe et coauteur de l’étude :
Le crâne DNH 155 montre le début d’une lignée très réussie qui existait en Afrique du Sud depuis un million d’années.
Comme toutes les autres créatures sur terre, pour rester prospères, nos ancêtres se sont adaptés et ont évolué en fonction du paysage et de l’environnement qui les entouraient.
Pour la première fois en Afrique du Sud, nous avons la résolution de datation et les preuves morphologiques qui nous permettent de voir de tels changements dans une ancienne lignée d’hominidé à travers un court laps de temps.
Depuis leur découverte en 1992, les grottes de Drimolen ont agi comme une fenêtre sur les débuts de l’évolution des hominidés.
Le site de Drimolen et Swartkrans à proximité, en Afrique du Sud. (Andy Herries)
En 2018, ces grottes ont révélé certains des plus anciens outils en os du monde, et plus tôt en 2020, une équipe de recherche dirigée par Herries a découvert le premier crâne connu d’Homo erectus, un parent beaucoup plus proche de l’homme moderne.
L’espèce existait il y a environ 2 millions à 100 000 ans, et elle est apparue à peu près à la même époque que le Paranthropus robustus. Les grottes de Drimolen ont également livré plusieurs autres crânes de P. robustus, ce qui prouve de leur coexistence avec l’H. erectus.
Mais les deux espèces étaient très différentes. Alors que l’H. erectus avait un cerveau relativement gros et de petites dents, les P. robustus avaient un petit cerveau et de grandes dents. Selon la coauteure Angeline Leece, également de La Trobe, les deux espèces représentent des « expériences évolutives divergentes ».
Cette nouvelle étude présente un autre crâne de P. robustus, baptisé DNH 155, qui remonte à une époque plus lointaine, à environ 2,04-1,95 million d’années.
Selon Jesse Martin, coauteur principal de l’étude :
Les fossiles de Drimolen représentent la toute première étape connue de la longue histoire de l’évolution du Paranthropus robustus.
Le crâne appartient à un mâle adulte et sa taille est similaire à celle des spécimens femelles trouvés sur le même site, ce qui est en contradiction avec notre précédente perception de l’espèce.
Le coauteur de l’étude, David Strait de l’Université Washington de Saint-Louis, tenant la reproduction du crâne DNH 155. (WUSTL)
Jusqu’à présent, explique Jesse Martin, on pensait que le P. robustus existait « dans des structures sociales similaires à celles des gorilles, avec de grands mâles dominants vivant dans un groupe de femelles plus petites ».
Le fossile mâle DNH 155 de Drimolen est très similaire aux spécimens femelles du même site, alors que les spécimens de Paranthropus robustus d’autres sites sont sensiblement différents.
Le spécimen suggère également que l’espèce a développé ses adaptations de mastication distinctives par étapes progressives sur des centaines de milliers d’années, ce qui a conduit l’équipe à affirmer qu’il s’agit de la “première preuve haute résolution de la micro-évolution chez une espèce d’hominidés primitive”.
Leece explique qu’au fil du temps, « le Paranthropus robustus a probablement évolué pour générer et supporter des forces plus élevées produites lors de la morsure et de la mastication d’aliments qui étaient difficiles ou mécaniquement difficiles à traiter avec leurs mâchoires et leurs dents, comme les tubercules« .
On pense que ces adaptations ont eu lieu pendant une période de changement environnemental, lorsque les données climatiques indiquent que la région se desséchait. Les conditions de plus en plus arides ont conduit à l’extinction de plusieurs espèces de mammifères et elles ont peut-être soumis les hominidés à un stress alimentaire.
Selon l’équipe, des recherches plus approfondies nous permettront de mieux comprendre comment différentes espèces d’anciens humains se disputaient les ressources, et comment cela a influencé notre propre évolution.
L’étude publiée dans Nature Ecology and Evolution : Drimolen cranium DNH 155 documents microevolution in an early hominin species et présentée sur le site de l’Université de La Trobe : Skull shines light on human evolution et sur le site de l’Université Washington de Saint-Louis : Newly discovered fossil documents small-scale evolutionary changes in an extinct human species.