Rêve interactif : lorsque des chercheurs deviennent la voix off de rêves lucides
Quatre expériences indépendantes menées à travers le monde ont montré qu’il est possible d’établir des communications bidirectionnelles (dans les deux sens), avec des personnes dans l’état étrange et hallucinatoire du rêve lucide, ouvrant ainsi un nouveau champ de recherche sur le « rêve interactif » en temps réel.
Image d’entête : l’un des rêveurs lucides participant à l’étude, endormit dans le laboratoire de l’université Northwestern alors que les signaux électriques de son cerveau et de ses yeux sont affichés sur un écran d’ordinateur. (K. Konkoly)
Il s’agit là d’un sujet important pour les scientifiques qui tentent de comprendre ce qui se passe pendant notre sommeil, car ils ont généralement dû se fier à la mémoire fragmentée et de plus en plus floue des gens une fois qu’ils se sont réveillés. «
Selon l’introduction de cette nouvelle étude (lien plus bas) issue d’une collaboration entre quatre groupes distincts en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis :
Notre objectif expérimental est comparable à celui de trouver un moyen de parler avec un astronaute qui se trouve sur un autre monde.
Chaque groupe s’est attaché à tester ses propres techniques pour « interviewer » les participants sans les réveiller, en utilisant le phénomène étrange du rêve lucide comme porte d’entrée dans le monde du rêve. Pendant les rêves ordinaires, nous n’avons généralement aucune idée que nous rêvons, nous acceptons simplement les situations étranges dans lesquelles nous sommes placés sans jugement critique. Le rêve lucide, un « phénomène notoirement rare », est un état dans lequel le dormeur est conscient qu’il rêve et parfois capable d’orienter son expérience.
Les chercheurs ont pris un groupe de rêveurs lucides expérimentés, un autre de personnes ordinaires qu’ils avaient formées à l’art du rêve lucide et un patient narcoleptique qui dérivait fréquemment dans des états de rêve lucide, et ils ont constaté qu’ils étaient capables d’avoir des échanges dans les deux sens avec les membres des trois groupes.
Dans tous les tests, les scientifiques ont vérifié que chaque sujet était dans un état de sommeil paradoxal, en utilisant des « méthodes polysomnographiques standard ». Les mouvements du visage et des yeux ont été choisis comme moyens par lesquels les rêveurs pouvaient « répondre » aux chercheurs à partir du monde des rêves, et les sujets ont été formés à des moyens de communication spécifiques. Certains, par exemple, ont été formés à bouger leurs yeux de gauche à droite trois fois en réponse à un signal audio s’ils voulaient communiquer qu’ils étaient dans un état de rêve lucide. Aucun d’entre eux n’a été préparé à répondre aux questions spécifiques qui lui seraient posées pendant son sommeil.
Karen Konkoly, de l’université Northwestern, observe les signaux cérébraux d’un participant endormi dans le laboratoire. (K. Konkoly)
À partir de là, l’équipe américaine de l’université Northwestern (États-Unis) a commencé à demander aux rêveurs de répondre aux questions de mathématiques posées verbalement par les chercheurs, en balayant d’un mouvement oculaire gauche-droite approprié sur toute la longueur de gauche à droite, ce qui a permis de distinguer clairement les bonnes réponses des mouvements oculaires habituels pendant le sommeil paradoxal.
L’équipe néerlandaise du centre médical de l’université Radboud a opté pour une méthode similaire, en ajoutant également quelques repères visuels. L’équipe allemande de l’université d’Osnabrück a également posé des questions de mathématiques à ses rêveurs, cette fois-ci sous forme de code morse et de couleurs alternées, avec des mouvements oculaires gauche-droite comme réponse.
L’enregistrement de l’électroencéphalographie de l’esprit et des yeux endormis d’un participant alors qu’il communiquait avec la chercheuse Karen Konkoly de l’Université Northwestern depuis son rêve. Les formes en zigzag en rouge montrent le mouvement répétitif de gauche à droite de ses yeux alors qu’il signale sa lucidité à deux reprises, suivi de sa réponse à un problème mathématique. (K. Konkoly/ J. Stoughton)
L’équipe française, de l’université de la Sorbonne, travaillant sur le sujet de la narcolepsie, a pu poser des questions verbales oui/ non. Le sujet a répondu oui en contractant ses muscles zygomatiques, qui tirent les côtés de la bouche vers le haut et vers l’extérieur comme un large sourire, et non en contractant ses muscles onduleurs, ceux que nous utilisons pour froncer les sourcils. Un autre sujet a été invité à compter combien de fois le chercheur tapait sur sa main droite.
Sur 158 tentatives de communication avec des rêveurs lucides, toutes équipes confondues, les chercheurs ont obtenu des réponses correctes 18,4 % du temps, des réponses incorrectes 3,2 % du temps, des réponses non concluantes 17,7 % du temps et aucune réponse 60,1 % du temps.
Après le réveil des participants, ils ont été interrogés sur ce qui venait de se passer, et la plupart du temps, ils se sont souvenus des communications. Certains ont déclaré que les questions leur étaient venues comme si elles venaient de l’extérieur du rêve, ou qu’elles s’y étaient superposées. « J’étais à une fête avec des amis », a dit un sujet, « votre voix venait de l’extérieur, comme le narrateur d’un film ».
« Pendant le tapotement des doigts », a dit un autre sujet à la vie intérieure particulièrement intense, « je me battais contre des gobelins ». Je me souviens d’avoir été surpris de pouvoir faire beaucoup de choses en même temps que la tâche ».
D’autres fois, les questions étaient incorporées dans les rêves, la voix du chercheur passant par une radio, par exemple, ou le rêve se transformant autrement pour trouver des moyens logiques d’inclure le stimulus extérieur.
Si les sujets se souvenaient surtout des interactions, ils se trompaient souvent dans les détails lorsqu’ils rapportaient ce qui leur avait été demandé. Ils peuvent se souvenir qu’on leur a posé une question de mathématiques, par exemple, et se tromper dans les chiffres, et cela, précisent les chercheurs, souligne à quel point les souvenirs de rêves éveillés restent vagues.
Les recherches montrent que dans certaines circonstances, il est possible d’envoyer des messages dans le rêve d’une personne, et que cette dernière puisse écouter, calculer une réponse et y répondre. Les sujets ont pu se souvenir d’instructions avant-sommeil sur la façon de répondre aux questions, et de répondre correctement à des questions sur leur vie éveillée comme « parlez-vous espagnol ?
Selon l’étude (lien plus bas) :
Nous savons depuis longtemps que la cognition et la conscience ne sont pas coupées pendant le sommeil, mais nos résultats élargissent maintenant les possibilités d’observation empirique de l’esprit endormi. L’avènement du rêve interactif, avec de nouvelles possibilités d’obtenir des informations en temps réel sur le rêve et de modifier son déroulement, pourrait inaugurer une nouvelle ère d’investigations sur le sommeil et sur ses dimensions cognitives énigmatiques.
Les chercheurs affirment que cette recherche sur le « rêve interactif » devrait ouvrir tout un tas de nouvelles pistes de recherche, notamment en testant la capacité à orienter le contenu d’un rêve de l’extérieur. Il pourrait s’agir de rêves « conçus en fonction des objectifs de l’individu, comme la pratique d’une activité musicale ou sportive », ou de rêves thérapeutiques visant à « réduire l’impact d’un traumatisme émotionnel », avec un retour d’information en temps réel de la part du sujet.
Il pourrait également y avoir des sessions conçu pour la résolution de problèmes, utilisant l’état de rêve comme une perspective différente sur les problèmes, ou pour des sessions interactives essayant de « combiner les avantages créatifs du rêve avec les avantages logiques de l’éveil ». Les artistes et les écrivains, selon les chercheurs, « pourraient également s’inspirer de la communication du sommeil ».
L’étude publiée dans Current Biology : Real-time dialogue between experimenters and dreamers during REM sleep et pésentée sur le site de l’université Northwestern : Real-time dialogue with a dreaming person is possible.
Le rêve lucide. Utile si on préfère éviter la salvia divine, et/ou 30 ans de logique mathématique, et progresser sur la nature de la conscience et de la réalité. La découverte qu’on peut communiquer avec le « monde extérieur » fut faite par Hearne, mais ne fut pas prise au sérieux car elle fut publiée dans une revue de parapsychologie. Elle fut redécouverte par LaBerge, mathématicien and onyrophysiologue, qui la publia dans une revue « sérieuse » et la recherche a progressé depuis.