Et si la Suède avait imposé un confinement
Cela fait un peu plus d’un an que le coronavirus SRAS-CoV-2 a commencé à déferler sur l’Europe, incitant la quasi-totalité des pays de la région à décréter des mesures de confinement strictes dans l’espoir de sauver des vies… Sauf la Suède.
Plutôt que de fermer les entreprises et de décréter un confinement, les autorités suédoises ont conseillé à leurs citoyens d’adapter leur comportement pour ralentir la propagation du virus, dans le but d’atteindre une immunité collective par une infection progressive.
Comme le précisent des chercheurs de l’université de Tübingen, en Allemagne :
On a dit aux gens d’éviter les voyages et les événements sociaux inutiles, de garder leurs distances avec les autres et de rester chez eux s’ils présentaient des symptômes. En outre, les personnes âgées de plus de 70 ans se voyaient conseiller d’éviter tout contact social et les visites dans les maisons de retraite étaient interdites.
Dans une analyse récemment publiée (lien plus bas), ces scientifiques ont cherché à savoir si l’approche unique de la Suède s’est avérée payante. Le fait de renoncer à un confinement a-t-il permis aux Suédois d’éviter des dommages économiques tout en assurant une sécurité relative ?
Leurs méthodes décrites dans l’étude :
Afin de quantifier l’effet de confinement, nous comparons les développements réels en Suède à un scénario de confinement contrefactuel approximé par les résultats d’une unité de contrôle artificielle. Nous élaborons ce scénario sur la base d’un groupe de pays européens donateurs qui ont effectivement imposé un confinement et en veillant à ce qu’il ressemble à la Suède dans la manière dont la pandémie s’est déroulée avant le confinement. Dans le scénario contrefactuel, la Suède aurait imposé un premier confinement, tout comme dans l’unité de contrôle, pendant 9 semaines, du 15 mars au 17 mai 2020.
L’unité de contrôle a été conçue de manière à refléter la Suède pour ce qui est de la taille de la population, de la proportion de celle âgée de plus de 65 ans et celle de la population urbaine. Au final, elle est composée de proportions variables de données provenant de la Finlande, du Danemark, des Pays-Bas, de la Norvège, de l’Espagne, de la Belgique et du Portugal.
Pour simplifier un peu les choses, les scientifiques ont créé une « Suède en confinement » en combinant les données sur les taux d’infection et les taux de mortalité de ces autres pays (qui ont tous imposé des confinements). Ils ont ensuite comparé les résultats de cette « Suède confinée » à ce que la Suède a réellement connu.
L’analyse des chercheurs a été achevée à la fin de l’automne dernier, de sorte que la période d’étude s’étendait de mars 2020 au 1er septembre 2020. Ils ont constaté que si la Suède avait imposé un confinement au printemps 2020, à l’instar d’autres pays européens, les infections auraient été réduites de 75 % et les décès de 38 %. Dans le même temps, la croissance du PIB aurait chuté de 1,64 % et 0,71 % supplémentaires au cours des premier et deuxième trimestres de 2020.
Les chercheurs constatent que l’éloignement volontaire dans le pays et les confinements économiques dans les pays environnants ont, en réalité, gravement entravé l’économie suédoise, malgré l’absence de confinement, ils ajoutent :
Notre analyse suggère que les coûts économiques d’un confinement en Suède auraient été modérés, ce qui est cohérent avec la constatation que le marché du travail suédois n’a eu que des résultats légèrement meilleurs que ceux de ses voisins.
L’étude suggère que le laisser-faire de la Suède face à la pandémie a entraîné un surcroît d’infections et de décès avec peu d’avantages économiques. Ils notent toutefois que de nombreux autres facteurs n’ont pas été pris en compte.
Notre analyse est totalement muette sur les coûts sociaux, politiques et psychologiques d’un confinement. Par conséquent, le verdict final sur le confinement en tant qu’outil politique n’est pas encore connu.
La stratégie de la Suède fait toujours l’objet d’un débat intense. La Norvège, voisine de la Suède, compte environ deux fois moins d’habitants, mais huit fois moins d’infections et vingt fois moins de décès.
L’étude publiée dans PLoS ONE : The lockdown effect: A counterfactual for Sweden.