Pour l’Organisation météorologique mondiale, nous nous dirigeons à grands pas vers un enfer climatique
Selon un nouveau rapport sur les tendances climatiques, le monde pourrait dépasser le seuil “fatidique” du réchauffement climatique de 1,5 degré Celsius au cours des cinq prochaines années. Il s’agit du dernier signe en date indiquant que nous nous dirigeons à toute vitesse vers un sombre futur contre lequel les climatologues nous mettent en garde depuis des années si nous ne changeons pas de cap.
En entête : cette image très optimiste est tirée du prochain atelier sur « l’attribution des changements pluriannuels à décennaux dans le système climatique » organisé par le World Climate Research Program en septembre de cette année. (WCRP)
Le rapport publié jeudi par l’Organisation météorologique mondiale et le service national de météorologie britannique, le Met Office, indique que la probabilité d’atteindre un réchauffement de 1,5 °C d’ici à 2025 a « à peu près doublé » par rapport aux prévisions de l’année dernière et s’élève désormais à 40 %. Il existe également une probabilité de 90 % qu’au moins une année entre aujourd’hui et 2025 soit la plus chaude de l’histoire humaine.
Le seuil de 1,5 °C est l’objectif le plus ambitieux fixé par l’accord de Paris. D’éminents climatologues ont montré que le dépassement de cet objectif entraînerait une catastrophe climatique, en provoquant la disparition en masse d’espèces, en rendant la plupart des îles de faible altitude pratiquement inhabitables et en aggravant les phénomènes météorologiques extrêmes. Franchir ce seuil pour une seule année ne signifie pas que ces conséquences seront immédiates.
Les températures mondiales diffèrent d’une année à l’autre en raison des perturbations du système climatique. Par exemple, des phénomènes climatiques naturels comme El Niño peuvent faire grimper la température moyenne annuelle. Mais le franchissement d’un seuil critique, même pour une seule année, reste un avertissement dont il faut tenir compte.
Nous pourrions encore atteindre l’objectif consistant à limiter la hausse de la température moyenne. Mais le rapport, connu sous le nom rébarbatif de « Global Annual to Decadal Climate Update » (“mise à jour annuelle à décennale du climat mondial”, lien plus bas), est une indication effrayante que, dans l’ensemble, le réchauffement s’accélère, de sorte que les chances d’y parvenir s’amenuisent, et un signal d’alarme indiquant que nous devons agir rapidement.
Pour Joeri Rogelj, directeur de recherche au Grantham Institute de l’Imperial College de Londres (Royaume-Uni) :
Dans un monde qui s’est réchauffé de 1,5 °C, nous nous attendons à ce que la moitié des années soient plus chaudes de 1, 5 °C, et l’autre moitié plus froides. Même une seule année au-dessus du seuil reste une très mauvaise nouvelle.
Ce rapport alarmant intervient alors que les militants du climat célèbrent quelques rares victoires. Dans une décision sans précédent, un tribunal néerlandais a ordonné au géant de l’énergie Shell de réduire sa pollution par le carbone de 45 % d’ici à 2030. Et lors de leurs assemblées annuelles d’actionnaires, des investisseurs mécontents d’Exxon et de Chevron ont réprimandé les deux entreprises pour leur incapacité à mettre en œuvre des plans climatiques sérieux. Ces deux évolutions sont positives, mais le nouveau rapport nous rappelle qu’elles ne sont pas non plus suffisantes.
Comme l’ont conclu les climatologues de l’ONU dans un rapport de 2018 sur l’objectif des 1,5 °C, des « changements sans précédent dans tous les aspects de la société » seront nécessaires pour garantir une planète vivable. Cela signifie qu’il faudra réduire la pollution par les gaz à effet de serre à un rythme sans précédent, mettre un terme à l’expansion des combustibles fossiles (comme l’a demandé l’Agence internationale de l’énergie au début du mois) et mettre fin aux projets émetteurs tout en supprimant progressivement les industries polluantes.
Ce rapport rappelle, une fois de plus, que les mesures prises jusqu’à présent pour lutter contre le changement climatique sont totalement insuffisantes et qu’il est urgent de réduire drastiquement/ stopper les émissions pour stopper le réchauffement de la planète.
Le rapport (PDF) : the Global Annual to Decadal Climate Update présentée sur le site du Met Office : Temporary exceedance of 1.5°C increasingly likely et sur le site des Nations Unies : World now likely to hit watershed 1.5 °C rise in next five years, warns UN weather agency.