Notre cerveau ne choisit pas le chemin le plus court entre deux points, il choisit le chemin le plus pratique
Des recherches menées par le Massachusetts Institute of Technology (MIT/ Etats-Unis) semblent indiquer que notre cerveau n’est pas l’outil de navigation le plus efficace qui soit. D’après les résultats, les personnes qui se déplacent dans les villes ont tendance à ne pas suivre la trajectoire la plus droite possible, qui serait le chemin le plus court, mais à prendre celle qui les rapproche le plus de leur destination, même si la distance à parcourir est plus longue.
Image d’entête : à partir d’un outil web mis à disposition par les chercheurs sur le site du Senseable City Lab afin de présenter la différence dans le choix de la trajectoire adopté par les humains comparé à celles directes. (Senseable City Lab)
L’équipe appelle cette approche le « chemin le plus proche » (pointiest path). En termes techniques, on parle de navigation vectorielle. Les animaux, des plus simples aux plus complexes, ont également montré dans diverses expériences qu’ils employaient la même stratégie. Les auteurs pensent que le cerveau des animaux a évolué pour utiliser la navigation vectorielle car, même s’il ne s’agit pas de l’approche la plus efficace, elle est beaucoup plus facile à mettre en œuvre sur le plan informatique, ce qui permet de gagner du temps et de l’énergie.
Dans cette image, les trajets des piétons sont représentés en rouge tandis que le chemin le plus court est en bleu. (MIT)
Pour Carlo Ratti, professeur de technologies urbaines au département d’études et de planification urbaines du MIT et directeur du Senseable City Laboratory :
Il semble y avoir un compromis qui permet à la puissance de calcul de notre cerveau d’être utilisée pour d’autres choses. Il y a 30 000 ans, pour éviter un lion, ou aujourd’hui, pour éviter un dangereux SUV.
La navigation vectorielle ne produit pas le chemin le plus court, mais elle en est suffisamment proche, et il est très simple de la calculer.
Les résultats sont basés sur un ensemble de données comprenant les itinéraires de plus de 14 000 personnes vaquant à leurs occupations quotidiennes dans un environnement urbain. Ces données proviennent de signaux GPS anonymes émis par des piétons à Boston et Cambridge, dans le Massachusetts, et à San Francisco, en Californie, sur une période d’un an. Au total, ils comprennent plus de 550 000 trajets.
L’écrasante majorité des personnes n’ont pas emprunté les itinéraires les plus courts, à en juger par leur point de départ et leur destination. Cependant, ils ont choisi des trajets qui minimisaient leur dérivation angulaire par rapport à la destination : ils ont choisi les trajets qui pointaient le plus vers l’endroit où ils allaient.
Selon Paolo Santi, chercheur principal au Senseable City Lab et au Conseil national italien de la recherche, et auteur correspondant de l’étude :
Au lieu de calculer les distances minimales, nous avons constaté que le modèle le plus prédictif n’était pas celui qui trouvait le chemin le plus court, mais plutôt celui qui essayait de minimiser le déplacement angulaire en pointant directement vers la destination autant que possible, même si le déplacement à des angles plus grands serait en fait plus efficace. Nous avons proposé d’appeler cela le chemin le plus pointu.
Les piétons ont employé cette stratégie de navigation à la fois à Boston et à Cambridge, qui ont un réseau de rues alambiqué, et à San Francisco, qui a un réseau très organisé, de type grille. Dans les deux cas, l’équipe note que les piétons ont également tendance à suivre des itinéraires différents lorsqu’ils font un aller-retour entre deux points. Ratti explique que l’on pourrait s’attendre à un tel résultat si les piétons prenaient des « décisions basées sur l’angle par rapport à la destination » au lieu de juger uniquement les distances.
Selon Tenenbaum :
Il est impossible de télécharger dans le cerveau une carte détaillée basée sur la distance, alors comment faire autrement ? La chose la plus naturelle pourrait être l’information utile qui est plus disponible pour nous à partir de notre expérience. Penser en termes de points de référence, de repères et d’angles est une façon très naturelle de construire des algorithmes pour cartographier et naviguer dans l’espace en se basant sur ce que l’on apprend de sa propre expérience de déplacement dans le monde.
Bien qu’assurément amusants, de tels résultats peuvent sembler un peu inconséquents. Les auteurs estiment cependant qu’à l’heure où nous nous appuyons de plus en plus sur des ordinateurs tels que nos smartphones pour nos tâches quotidiennes, il est plus que jamais important de comprendre la façon dont notre propre cerveau calcule le monde qui nous entoure. Cela nous permettrait de concevoir de meilleurs logiciels et d’améliorer notre qualité de vie en adaptant nos appareils à la façon dont notre esprit et notre cerveau fonctionnent.
L’étude publiée dans Nature Computational Science : Vector-based pedestrian navigation in cities et présentée sur le site du Massachusetts Institute of Technology : How the brain navigates cities et un outils web mis à disposition par les chercheurs sur le site du Senseable City Lab afin de présenter la différence dans le choix de la trajectoire adopté par les humains comparé à celles plus courtes.