La domestication du cheval remonterait à 4 200 ans dans les steppes du Caucase
La domestication des chevaux sauvages a eu un impact considérable sur l’histoire de l’humanité, offrant des avantages importants en termes de mobilité, de nutrition et de guerre, entre autres. Mais de nombreuses inconnues subsistent quant à la date et à l’endroit où l’affinité de l’humain pour les chevaux est apparue. Ces questions ont peut-être enfin trouvé une réponse grâce à une nouvelle étude génétique qui a permis de déterminer que la première domestication des chevaux a eu lieu dans les steppes pontiques caspiennes, dans le nord du Caucase, il y a environ 4 200 ans.
Image d’entête : des chevaux modernes dans les steppes de la Mongolie intérieure en Chine. (Ludovic ORLANDO/ CAGT/ CNRS)
Ludovic Orlando, archéologue moléculaire du Centre national français de la recherche scientifique (CNRS) de Toulouse, a été parmi les premiers chercheurs à étudier le génome du cheval. Son laboratoire abrite la plus grande collection au monde d’ADN de chevaux sauvages et apprivoisés, dont certains ont jusqu’à 50 000 ans. Cette énorme quantité de données génétiques lui a permis, ainsi qu’à ses collègues, de mieux comprendre comment l’humain a façonné l’évolution des équidés. Mais ce n’est que récemment qu’Orlando et une équipe de plus de 160 scientifiques internationaux ont pu déterminer l’origine des chevaux domestiques tels que nous les connaissons aujourd’hui.
Éleveur attrapant des chevaux, dans le centre-nord du Kazakhstan. (Ludovic ORLANDO / CAGT / CNRS)
Dans un premier temps, les chercheurs se sont tournés vers le Kazakhstan, où les fouilles d’anciens campements botaïs laissaient penser que ces éleveurs avaient été parmi les premiers à domestiquer les chevaux. Pourtant, bien que ces chevaux de Botai, vieux de 5 500 ans, présentaient des signes de domestication, leur ADN a prouvé sans aucun doute qu’ils n’étaient pas les ancêtres des chevaux domestiques modernes. Les chercheurs se sont donc tournés vers d’autres lieux d’origine possibles, comme l’Anatolie, la Sibérie et même la péninsule ibérique, qui se sont tous avérés être des impasses.
Selon Ludovic Orlando :
Nous savions que la période comprise entre 4 000 et 6 000 ans fut cruciale, mais nous n’avons jamais pu trouver de preuve irréfutable.
En conséquence, Orlando et ses collègues ont opté pour une nouvelle stratégie. Ils ont élargi leur champ d’investigation pour comparer les génomes de 273 chevaux ayant vécu entre 52 000 et 2 200 ans.
Mandibule de cheval sur le site archéologique de Ginnerup, Danemark, juin 2021. (Ce site a été inclus dans l’étude.) (Lutz Klassen/ East Jutland Museum)
Cette stratégie s’est avérée payante, car elle a montré que les chevaux d’Eurasie ont subi un changement radical entre 4 200 et 4 000 ans. Un seul profil génétique, qui était auparavant confiné aux steppes pontiques du Caucase du Nord, s’est répandu très rapidement au-delà de sa région d’origine, pour finalement remplacer toutes les populations de chevaux sauvages de l’Atlantique à la Mongolie en l’espace de quelques siècles seulement.
Selon le Dr Pablo Librado, premier auteur de l’étude :
Ce fut une chance : les chevaux vivant en Anatolie, en Europe, en Asie centrale et en Sibérie étaient auparavant génétiquement très distincts. Les données génétiques indiquent également une démographie explosive à l’époque, sans équivalent au cours des 100 000 dernières années. C’est à ce moment-là que nous avons pris le contrôle de la reproduction de l’animal et que nous les avons produits en nombre astronomique.
Cette population précoce particulière de chevaux domestiqués a introduit deux régions génomiques clés (GSDMC et ZFPM1.) avec des adaptations qui les ont rendus attrayants pour les humains. L’une est liée à un comportement plus docile, tandis que l’autre aide les chevaux à développer une colonne vertébrale plus solide. Avec le temps, ces caractéristiques avantageuses ont fait l’objet d’une sélection supplémentaire et ont permis aux chevaux domestiques de se répandre à partir de la steppe d’Eurasie occidentale.
Ces caractéristiques génétiques sont apparues au moment où des preuves archéologiques suggèrent que les chars à roues à rayons et les langues indo-iraniennes ont commencé à se répandre en Asie. L’association de la technologie et de la culture a permis à la nouvelle race de chevaux de remplacer toutes les autres populations précédentes à travers l’Eurasie, montrant ainsi comment l’histoire et la science peuvent converger pour révéler l’existence d’une nouvelle race de chevaux.
Ces premiers ancêtres du cheval domestique ont subi d’autres domestications importantes. Par exemple, après l’expansion des Arabes en Europe au 7e siècle, les étalons arabes ont supplanté les mâles des autres races, ce qui a permis de transférer leurs chromosomes Y à tous les chevaux modernes. Ceux-ci sont beaucoup plus rapides et forts que leurs homologues d’il y a 1 000 ans, sans parler de ceux qui vivaient il y a 4 000 ans. Dans le même temps, leur diversité génétique est beaucoup plus réduite qu’elle ne l’a jamais été, ce qui permet à un plus grand nombre de mutations potentiellement délétères de s’accumuler et d’entraîner un risque plus élevé de maladie génétique.
L’étude publiée dans Nature : The origins and spread of domestic horses from the Western Eurasian steppes et présentée sur le site du CNRS : L’origine des chevaux domestiques enfin établie.