Les prédateurs des toxiques papillons Monarque développent génétiquement la même résistance à leur poison
Les chenilles des papillons monarques vivent sur des plantes asclépiades toxiques, ce qui rend les adultes nocifs pour la plupart de leurs prédateurs. Au cours de la dernière décennie, les chercheurs ont pu repérer un certain nombre de mutations génétiques essentielles qui permettent aux monarques de tolérer les toxines de l’asclépiade.
Image d’entête : un groupe de papillons monarques hivernant en Californie. (Mark Chappell/ UC Riverside)
Une étude vient de montrer que quatre des prédateurs nord-américains des monarques possèdent également ces mutations, dans un fascinant exemple d’évolution convergente, lorsque des espèces développent les mêmes particularités physiques, dans un même type d’environnement, sans avoir d’ancêtre commun.
Une équipe de chercheurs américains a découvert qu’un oiseau, une souris, une guêpe et un nématode ont chacun développé des mutations dans leurs gènes codant pour une protéine importante, la pompe sodium-potassium.
Ces mutations sont presque identiques, malgré les grandes différences morphologiques entre les espèces. Elles correspondent également à celles des papillons eux-mêmes, que les chercheurs ont repérées il y a quelques années.
La pompe sodium-potassium est cruciale pour le fonctionnement des battements cardiaques et des décharges nerveuses. Les toxines de l’asclépiade qui interfèrent avec sa production sont donc dangereuses. L’asclépiade peut provoquer des crises cardiaques chez des créatures aussi grandes que l’humain et le cheval.
Il est donc logique que des mutations dans les gènes qui codent pour cette pompe rendent les espèces plus résistantes à l’asclépiade. Néanmoins, les chercheurs ont été surpris par la similitude de ces gènes.
Selon le coauteur Simon Groen, professeur adjoint de biologie des systèmes évolutifs à l’université de Californie, Riverside, aux États-Unis
Il est remarquable qu’une évolution convergente se soit produite au niveau moléculaire chez tous ces animaux. Les toxines végétales ont provoqué des changements évolutifs à travers au moins trois niveaux de la chaîne alimentaire.
Les chercheurs ont étudié les génomes du Cardinal à tête noire (Pheucticus melanocephalus), de la souris sylvestre (Peromyscus maniculatus), de la petite guêpe Trichogramma pretiosum et du nématode Steinernema carpocapsae. L’oiseau et la souris sont tous deux connus pour manger des monarques, tandis que la guêpe parasite les œufs de monarques et que le nématode parasite les chenilles.
Dans des endroits comme le Mexique, où les papillons monarques hivernent par milliers ou millions, le Cardinal à tête noire est l’un des rares oiseaux capables de les manger sans vomir. (Mark Chappell/ UC Riverside)
Selon Noah Whiteman, professeur de biologie intégrative et de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Californie, à Berkeley (États-Unis) :
Il semble que, étonnamment, le Cardinal développe une résistance en utilisant le même type de mécanisme aux mêmes endroits du code génétique que le monarque et les pucerons, les punaises et les coléoptères, qui se nourrissent également d’asclépiades.
Les chercheurs ne savent pas s’il existe d’autres mutations qui favorisent la tolérance à l’asclépiade, mais ils souhaitent les découvrir.
Ce graphique montre comment les toxines de l’asclépiade passent de la plante, à travers les chenilles et les papillons monarques, au Cardinal à tête noire qui s’en nourrit. Pour devenir résistant aux toxines, le Cardinal a développé des mutations dans sa pompe à sodium (en bas à gauche) qui sont identiques à deux des trois mutations que le monarque lui-même a développées pour devenir résistant. (Julie Johnson/ UC Berkeley)
Toujours selon Whiteman :
À mon avis, il existe d’autres parasitoïdes et prédateurs qui ont également développé des mutations de résistance et qui interagissent avec les monarques, et ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient découverts.
Nous savons que ce n’est pas la seule façon d’évoluer la résistance aux glycosides cardiaques, mais cela semble être la façon prédominante, en ciblant cette pompe particulière.
L’étude publiée dans Current Biology : Convergent evolution of cardiac-glycoside resistance in predators and parasites of milkweed herbivores et présentée sur le site de l’Université de Californie à Berkeley : What it takes to eat a poisonous butterfly.