Les “échos” des trous noirs alors qu’ils se nourrissent de matière stellaire
Les trous noirs sont les plus extrêmes laboratoires pour étudier la physique de l’accrétion et de l’éjection, et pour tester éventuellement les théories de la gravité.
Image d’entête : illustration d’un trou noir aspirant la matière d’une étoile voisine pour la faire entrer dans un disque d’accrétion. (Aurore Simonnet/ Goddard Space Flight Center/ NASA)
Outre les trous noirs supermassifs situés au centre des galaxies, il existe également des trous noirs de masse stellaire, que l’on découvre principalement lorsqu’ils brillent dans les rayons X, dans des systèmes appelés binaires à rayons X ou binaire X. Il s’agit de systèmes binaires composés d’un objet compact qui accrète de la matière provenant d’une étoile compagne.
Si la masse de l’étoile compagne est inférieure à environ une masse solaire, on parle de binaires X de faible masse. Selon la nature de l’objet compact central, la source est classée dans la catégorie des binaires à rayons X à trou noir ou à étoile à neutrons.
Selon Erin Kara, astrophysicienne au Massachusetts Institute of Technology (MIT), et ses collègues :
Nous utilisons les échos des rayons X pour cartographier le voisinage d’un trou noir, de la même manière que les chauves-souris utilisent les échos sonores pour naviguer dans leur environnement. Lorsqu’une chauve-souris émet un appel, le son peut rebondir sur un obstacle et revenir à la chauve-souris sous forme d’écho. Le temps que met l’écho à revenir est relatif à la distance entre la chauve-souris et l’obstacle, ce qui donne à l’animal une carte mentale de son environnement.
De façon similaire, nous cherchons à cartographier le voisinage immédiat d’un trou noir en utilisant les échos des rayons X. Les échos représentent les délais entre deux types de lumière X : la lumière émise directement par la couronne, et la lumière de la couronne qui rebondit sur le disque d’accrétion de gaz et de poussière inspirés.
Le moment où un télescope reçoit la lumière de la couronne, comparé au moment où il reçoit les échos des rayons X, donne une estimation de la distance entre la couronne et le disque d’accrétion.
Représentation artistique d’un Trou noir avec couronne, source de rayons X . (NASA/ JPL-Caltech)
Observer comment ces délais changent peut révéler comment la couronne et le disque d’un trou noir évoluent au fur et à mesure que le trou noir consomme de la matière stellaire.
Dans l’étude, les chercheurs ont développé un nouvel algorithme de recherche pour passer au peigne fin les données NICER. L’algorithme a sélectionné 26 systèmes binaires de trous noirs à rayons X dont on savait auparavant qu’ils émettaient des sursauts/ éclats de rayons X.
Sur ces 26 systèmes, les scientifiques ont découvert que 10 étaient suffisamment proches et brillants pour qu’ils puissent discerner des échos de rayons X au milieu des sursauts.
Huit de ces 10 systèmes n’étaient pas connus auparavant pour émettre des échos.
Selon Jingyi Wang du MIT :
Nous voyons de nouvelles signatures de réverbération dans huit sources. La masse des trous noirs varie de 5 à 15 fois celle du Soleil, et ils sont tous dans des systèmes binaires avec des étoiles normales, de faible masse, semblables au Soleil.
Les astrophysiciens ont ensuite fait tourner l’algorithme sur les 10 trous noirs binaires et ont divisé les données en groupes présentant des caractéristiques spectrales temporelles similaires, c’est-à-dire des délais similaires entre les rayons X de haute énergie et les échos retraités. Cela a permis de suivre rapidement l’évolution des échos de rayons X à chaque étape de l’explosion d’un trou noir. Ils ont identifié une évolution commune à tous les systèmes.
Dans l’état initial « dur » (Hard), dans lequel une couronne et un jet de particules de haute énergie dominent l’énergie du trou noir, ils ont détecté des décalages temporels courts et rapides, de l’ordre de quelques millisecondes. Cet état ‘dur’ persiste pendant plusieurs semaines.
Ensuite, une transition se produit sur plusieurs jours, au cours de laquelle la couronne et le jet se pulvérisent et s’éteignent, et un état “mou” (Soft) prend le relais, dominé par des rayons X de plus faible énergie provenant du disque d’accrétion du trou noir.
Au cours de cette transition entre l’état dur et l’état mou, les chercheurs ont découvert que les décalages temporels s’allongeaient momentanément dans les dix systèmes, ce qui implique que la distance entre la couronne et le disque augmentait également.
L’une des explications est que la couronne peut s’étendre brièvement vers l’extérieur et vers le haut, dans un dernier sursaut de haute énergie avant que le trou noir ne termine la majeure partie de son repas stellaire et ne se taise.
Selon Kara :
Nous commençons à être en mesure d’utiliser ces échos lumineux pour reconstruire les environnements les plus proches du trou noir. Nous avons maintenant montré que ces échos sont couramment observés et nous sommes en mesure de sonder les connexions entre le disque, le jet et la couronne d’un trou noir d’une nouvelle manière.
Dans un projet connexe, Kara a collaboré avec des spécialistes de l’éducation et de la musique pour convertir les émissions de rayons X des trous noirs en ondes sonores. La lumière de fréquence plus basse correspond à des hauteurs plus basses dans l’audio. Vous pouvez entendre, dans la vidéo ci-dessous, comment les émissions de rayons X vont crescendo avant de s’estomper au fur et à mesure que l’explosion des trous noirs se calme.
L’étude publiée dans Astrophysical Journal : The NICER « Reverberation Machine »: A Systematic Study of Time Lags in Black Hole X-Ray Binaries et présentée sur le site du Massachusetts Institute of Technology : Search reveals eight new sources of black hole echoes.