Des scientifiques découvrent le cerveau fossilisé d’arthropodes vieux de 500 millions d’années
Un ensemble de nouveaux fossiles contenant le cerveau et le système nerveux d’un prédateur marin datant d’un demi-milliard d’années a permis aux biologistes de l’évolution de mieux comprendre l’évolution des arthropodes : insectes, arachnides et crustacés.
Le Stanleycaris hirpex appartenait à une ancienne ramification éteinte de l’arbre de l’évolution des arthropodes, appelée Radiodonta. Les fossiles révèlent qu’il s’agissait d’un animal vraiment bizarre, doté d’une paire d’yeux à pédoncule et d’un énorme troisième œil à l’avant de la tête, une caractéristique qui n’avait jamais été observée auparavant chez un radiodonte.
GIF d’entête : reconstitution du Stanleycaris hirpex, incluant une transparence pour montrer les organes internes. (Sabrina Cappelli/ Musée royal de l’Ontario)
Selon l’auteur principal, Joseph Moysiuk, candidat au doctorat en écologie et biologie évolutive à l’université de Toronto, au Canada :
Si les cerveaux fossilisés de la période cambrienne ne sont pas nouveaux, cette découverte se distingue par l’étonnante qualité de la conservation et le grand nombre de spécimens.
Nous pouvons même distinguer de fins détails tels que les centres de traitement visuel desservant les grands yeux et les traces de nerfs pénétrant dans les appendices. Les détails sont si clairs que c’est comme si nous regardions un animal mort hier.
Moysiuk et son directeur de thèse, le Dr Jean-Bernard Caron, conservateur de la paléontologie des invertébrés au Musée royal de l’Ontario, ont étudié une collection inédite de 268 spécimens de Stanleycaris exceptionnellement conservés.
Paire de spécimens fossiles de Stanleycaris hirpex. (Jean-Bernard Caron/ Royal Ontario Museum)
Ces spécimens avaient été collectés pour la plupart dans les années 1980 et 1990 dans les schistes de Burgess du parc national de Yoho au Canada.
Le Stanleycaris était petit (pour le groupe des radiodontes), ne dépassant pas 20 cm de long, mais il aurait été un impressionnant prédateur à une époque où la plupart des animaux ne dépassaient pas la taille d’un doigt humain.
Il possédait de grands yeux composés, une bouche circulaire garnie de dents, des griffes frontales munies d’une série d’épines et un corps flexible et segmenté doté d’une série de volets de nage le long de ses flancs.
Reconstruction du S. hirpex nageant au-dessus du spécimen fossile. (Sabrina Cappelli/ Musée royal de l’Ontario)
Selon le Dr Jean-Bernard Caron :
La présence d’un énorme troisième œil chez le Stanleycaris était inattendue. Elle souligne le fait que ces animaux avaient une apparence encore plus bizarre que nous le pensions, mais elle nous montre également que les premiers arthropodes avaient déjà développé une variété de systèmes visuels complexes comme beaucoup de leurs semblables modernes.
Comme la plupart des radiodontes ne sont connus que par des bribes éparses, cette découverte constitue une avancée cruciale pour comprendre à quoi ils ressemblaient et comment ils vivaient.
Dans 84 des restes fossilisés, le cerveau et les nerfs étaient encore préservés après 506 millions d’années, révélant que le cerveau du Stanleycaris était composé de deux segments, le protocérébron et le deutocérébron, qui étaient reliés respectivement aux yeux et aux griffes frontales.
Mais aujourd’hui, les arthropodes ont un cerveau composé de trois segments, dont un tritocérébron supplémentaire.
Résumé de l’étude, présentant une interprétation du système nerveux à partir de fossiles de Stanleycaris et les implications pour comprendre l’évolution du cerveau des arthropodes. Le cerveau est représenté en rouge et les cordons nerveux en violet. (Jean-Bernard Caron/ Royal Ontario Museum)
Selon Moysiuk :
Nous en concluons que la tête et le cerveau à deux segments ont des racines profondes dans la lignée des arthropodes et que leur évolution a probablement précédé le cerveau à trois segments qui caractérise tous les membres vivants de ce phylum animal diversifié.
Si cette découverte ne semble pas changer la donne, elle a des implications scientifiques importantes pour comprendre comment ces structures se sont diversifiées au sein du groupe.
Ces fossiles sont comme une pierre de Rosette, aidant à relier les traits des radiodontes et d’autres arthropodes fossiles précoces avec leurs homologues des groupes survivants.
L’étude publiée dans Current Biology : A three-eyed radiodont with fossilized neuroanatomy informs the origin of the arthropod head and segmentation et présentée sur le site du Musée royal de l’Ontario : 500-Million-Year-Old Fossilized Brains of Stanleycaris Prompt a Rethink of the Evolution of Insects and Spiders.