Des chercheurs veulent utiliser le Soleil comme un télescope géant pour détecter des signes de vie sur de lointaines planètes
Un projet financé par la NASA vise à utiliser le Soleil comme une gigantesque lentille pour scruter les confins du cosmos et y rechercher des traces de vie ou biosignatures extraterrestres.
Image d’entête : schéma illustrant une technique d’imagerie conceptuelle qui utilise le champ gravitationnel du soleil pour amplifier la lumière des exoplanètes. Cela permettrait de réaliser des reconstructions très avancées de l’aspect de ces dernières. (Alexander Madurowicz/ Université Stanford)
Le projet, dirigé par Slava Turyshev au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, a reçu un financement de 2 millions de dollars de l’Institute for Advanced Concepts de l’agence spatiale en 2020, une initiative qui a soutenu de nombreux autres projets au demeurant farfelus, mais…
Dans une étude récente, qui n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation par des pairs, Turyshev s’est associé à l’Aerospace Corporation, un organisme à but non lucratif basé en Californie qui mène des recherches financées par le gouvernement fédéral américain, pour étudier la faisabilité de cette idée.
Voici ce qu’ils proposent : la mission impliquerait plusieurs petits satellites (nano-satellites CubeSat) qui s’assembleraient eux-mêmes au point de la lentille gravitationnelle solaire (SGL pour solar gravitational lens ), un voyage épique qui pourrait prendre jusqu’à 25 ans.
Qu’est-ce qu’une lentille gravitationnelle ?
En se basant sur le schéma ci-dessous, de la droite vers la gauche, la lumière quitte une jeune galaxie en formation près de la bordure visible de l’univers. Une grande partie de la lumière passe à travers un objet massif tel que le Soleil dans le cas qui nous intéresse ou, comme il est représenté dans cette illustration, un grand regroupement de galaxies entouré de matière noire, directement dans la ligne de mire entre la Terre et la galaxie distante. La gravité de la matière noire (ou du Soleil) agit comme une lentille, courbant la lumière arrivant. La plupart de la lumière est dispersée, mais une petite partie est concentrée et directement dirigée vers la Terre. Les observateurs verront plusieurs images déformées de la profonde galaxie.
Les astronomes utilisent régulièrement cet effet de loupe pour pouvoir observer des objets extrêmement lointains dans l’espace.
Le point de la lentille gravitationnelle solaire (SGL) marque l’endroit où les satellites assemblés, le Soleil et une lointaine cible exoplanétaire (une exoplanète) formeraient une ligne droite. Le champ gravitationnel du Soleil amplifierait alors considérablement la lumière de l’exoplanète à son passage, permettant aux satellites d’observer bien au-delà de ce qui a été possible jusqu’à présent.
Sur cette image (non tirée de l’étude de Turyshev et col.), on voit des essaims de petits “voiliers” capables de s’assembler pour former un vaisseau spatial plus grand qui pourrait se placer à un endroit où la gravité de notre Soleil déforme et amplifie la lumière d’un système stellaire proche, ce qui permettrait de capturer une image nette d’une exoplanète semblable à la Terre. (NASA/ The Aerospace Corporation)
Ce point se trouve également être environ 1 000 fois la distance entre la Terre et le Soleil, soit plusieurs fois la distance totale parcourue par la sonde Voyager 1 de la NASA au cours de son voyage de 44 ans.
Pour couvrir cette distance, la mission utiliserait une voile solaire, qui commence seulement à être testée par les scientifiques.
Pour faire simple, une voile solaire tire parti des infimes quantités de pression de radiation exercées par la lumière du soleil sur de grandes « voiles » ou miroirs, pour accélérer lentement jusqu’à des vitesses élevées.
Représentation d’une voile solaire, la LightSail 2. (Planetary Society)
Les premières expériences furent prometteuses, mais cette technologie n’a jamais été testée sur de grandes distances.
Si une telle mission devenait un jour une réalité, une hypothèse astronomique à l’heure actuelle, nous pourrions potentiellement observer un système stellaire différent sans avoir à nous y rendre nous-mêmes, affirment Turyshev et ses collègues dans leur étude.
Une perspective alléchante qui, selon les chercheurs, vaut le temps et les efforts nécessaires.
L’étude du projet disponible en prépublication dans arXiv (PDF) : A mission architecture to reach and operate at the focal region of the solar gravitational lens et présentée sur le site de l’Université Stanford : Stanford scientists describe a gravity telescope that could image exoplanets.
Héhé, le titre m’a immédiatement évoqué Le Problème à trois corps (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Probl%C3%A8me_%C3%A0_trois_corps , pas étonnant je suis en train de le lire)