Votre cerveau possède une boussole interne et des scientifiques affirment maintenant savoir comment elle fonctionne
Êtes-vous capable de vous orienter rapidement dans une ville étrangère ou vous sentez-vous perdu comme dans un labyrinthe sans fin ? Certaines personnes sont certainement plus douées que d’autres pour s’orienter dans leur environnement, et cela est probablement dû à la façon dont leur « boussole interne » est “configurée” dans leur cerveau.
Il y a quelques années seulement, des chercheurs ont confirmé l’existence d’un tel signal dans une partie du cerveau appelée cortex entorhinale. Aujourd’hui, grâce aux dernières avancées des techniques d’imagerie cérébrale, les chercheurs ont suivi l’activité neuronale dans la partie du cerveau responsable de notre sens de l’orientation. Ils ont ainsi mis en lumière la façon dont le cerveau s’oriente dans des environnements changeants, et même comment il peut être affecté par des maladies dégénératives telles que la démence.
Selon Mark Brandon, professeur agrégé de psychiatrie à l’Université McGill et chercheur au Centre de recherche Douglas (Canada), la recherche en neurosciences a connu une révolution technologique au cours de la dernière décennie. Cette révolution a permis aux scientifiques de poser et de répondre à des questions qui n’étaient auparavant qu’un rêve.
Pour comprendre comment les informations visuelles influencent la boussole interne du cerveau, les chercheurs ont exposé des souris à un monde virtuel désorientant tout en enregistrant l’activité neuronale du cerveau dans les moindres détails.
Grâce aux dernières avancées en matière de technologie d’enregistrement neuronal, l’équipe a pu mesurer simultanément l’activité de centaines de “cellules de direction de la tête” (HD), un groupe spécialisé de neurones impliqués dans l’orientation, qui leur ont indiqué avec précision la direction de la tête du rongeur, avec une erreur de quelques degrés seulement.
Au cours de l’expérience, les souris ont été placées dans une chambre circulaire spéciale dont toutes les parois étaient recouvertes d’un écran LED à 360 degrés. Au début, une ligne blanche verticale était affichée. Ensuite, dans certaines versions de l’expérience, la ligne disparaissait pendant des intervalles de deux minutes et réapparaissait décalée de 90 degrés autour de la chambre, comme si le monde avait soudainement tourné de 90 degrés autour de la souris. Dans d’autres versions, la ligne tournait continuellement autour de la chambre.
Image tirée de l’étude : le dispositif expérimental. L’environnement d’enregistrement avec un écran LED de 360°. (b), l’expression de l’ADN face aux stimulus. (Zaki Ajabi et col./ Nature)
Alors que les rongeurs étaient soumis à un environnement changeant et étourdissant, les chercheurs ont étudié la réaction des cellules de la direction de la tête à l’aide d’une méthode appelée imagerie calcique.
La capacité de l’équipe à décoder avec précision ces cellules de direction de la tête, les éléments constitutifs de la boussole interne du cerveau, montre que ce dernier est capable de se réorienter dans un environnement changeant. Les chercheurs ont également identifié un phénomène qu’ils appellent « gain de réseau » (network gain), qui a permis à la boussole interne du cerveau de se réorienter après que les souris aient été désorientées.
Selon Zaki Ajabi, ancien étudiant de l’université McGill et aujourd’hui chercheur à l’université Harvard :
C’est comme si le cerveau disposait d’un mécanisme pour mettre en œuvre un « bouton de réinitialisation » permettant une réorientation rapide de sa boussole interne dans des situations confuses.
Les chercheurs ont également appris que lorsqu’une souris voit un indice visuel et qu’il disparaît ensuite, ses cellules de direction de la tête gardent la trace de la direction d’où provenait l’indice. Ainsi, ces traces visuelles peuvent contribuer à stabiliser la représentation interne de la direction de la tête, même lorsque des indices visuels fiables sont temporairement absents.
Bien que les animaux de cette étude aient été exposés à des expériences visuelles non naturelles, les auteurs affirment que ce genre de situation s’applique déjà à l’expérience humaine moderne, en particulier avec la diffusion rapide de la technologie de la réalité virtuelle.
Pour Ajabi :
Ces résultats pourraient éventuellement expliquer comment les systèmes de réalité virtuelle peuvent facilement prendre le contrôle de notre sens de l’orientation.
Mais les implications de cette recherche sont encore plus vastes et pourraient s’avérer essentielles pour le traitement des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Selon Mark Brandon :
L’un des premiers symptômes cognitifs déclarés de la maladie d’Alzheimer est la désorientation et la perte de repères, même dans des environnements familiers.
Les chercheurs espèrent qu’une meilleure compréhension du fonctionnement de la boussole interne du cerveau et du système de navigation permettra une détection plus précoce et une meilleure évaluation des traitements de la maladie d’Alzheimer.
Selon Xue-Xin Wei, coauteur de l’étude, neuroscientifique informatique et professeur adjoint à l’université du Texas à Austin (Etats-Unis) :
Les résultats de cette étude ont incité l’équipe de recherche à développer de nouveaux modèles pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents. Ce travail est un bel exemple de la façon dont les approches expérimentales et informatiques peuvent, ensemble, faire progresser notre compréhension de l’activité cérébrale qui régit le comportement.
Les résultats ont été publiés dans la revue Nature : Population dynamics of head-direction neurons during drift and reorientation et présentée sur le site de l’Université McGill : How the brain’s ‘internal compass’ works.