Les anémones étoilées n’ont pas de cerveau et pourtant, elles sont capables d’apprendre par association
L‘apprentissage est l’une des caractéristiques essentielles de la vie, et tous les êtres vivants, des oiseaux aux moisissures, possèdent cette capacité à des degrés divers.
Image d’entête : une anémone étoilée (Nematostella vectensis). (Université de Fribourg)
Dans les organismes les plus simples, l’exposition répétée aux mêmes stimuli peut entraîner un apprentissage non associatif sous la forme d’une habituation ou d’une sensibilisation.
Selon de récentes recherches, les anémones étoilées (Nematostella vectensis) sont capables d’un apprentissage étonnamment sophistiqué, comme en témoigne leur capacité à se souvenir du lien entre la lumière et les impulsions électriques.
Selon Simon Sprecher, neurobiologiste à l’université de Fribourg et auteur principal de l’étude :
C’est exactement ce qu’on appelle l’apprentissage associatif. C’est la preuve que même les animaux dépourvus de cerveau sont capables d’adopter un comportement complexe grâce à leur système nerveux.
Les animaux dotés d’une grande puissance cérébrale peuvent facilement associer un stimulus à une réponse et modifier leur comportement en fonction de ce qu’ils ont appris et mémorisé. Par exemple, si vous avez la malchance de découvrir que toucher une cuisinière chaude provoque de la douleur, vous pouvez espérer modifier votre comportement pour éviter que cela ne se reproduise.
On pense que la capacité à se souvenir de ces choses est apparue avec l’évolution des systèmes nerveux, en régulant la force synaptique et la plasticité dans le cerveau. Mais tous les animaux n’ont pas de cerveau. Les cnidaires, comme les anémones de mer et les méduses, n’ont qu’un réseau nerveux décentralisé, et il est donc logique de supposer qu’ils ne peuvent apprendre que par des moyens non associatifs.
Pour étudier la capacité d’apprentissage associatif chez la N. vectensis, Sprecher et ses collègues de l’université de Fribourg en Suisse et de l’université de Barcelone en Espagne ont mené des expériences de conditionnement classique avec de la lumière et un choc électrique.
Dans le conditionnement classique, un événement initialement neutre est associé à un résultat biologiquement significatif sous la forme d’une récompense ou d’une conséquence négative. Les auteurs notent que de précédentes recherches menées il y a plus de 40 ans ont fourni des preuves non concluantes de conditionnement classique chez les anémones de mer, mais que ces études n’ont jamais été reproduites.
Sprecher et son équipe ont assigné au hasard des groupes de 10 ou 18 anémones étoilées à des essais appariés dans lesquels des impulsions lumineuses et électriques coïncidaient ou à des essais non appariés dans lesquels les impulsions lumineuses et électriques étaient désynchronisées. Ils ont utilisé une petite décharge électrique pour faire rétracter les tentacules des animaux et les ont entraînés en leur donnant la décharge en même temps qu’une lumière ou à des moments différents. Ils ont ensuite testé leurs réactions à la lumière seule. Les animaux qui ont reçu la lumière et le choc électrique en même temps pendant l’entraînement ont adapté leur comportement et ont réagi à la lumière seule après le conditionnement.
Les tentacules d’une anémone étoilée (Nematostella vectensis). (Université de Fribourg)
Dans le groupe qui avait reçu le choc en même temps que la lumière, 72 % des animaux ont rétracté leurs tentacules à la lumière seule. C’est plus du double du taux de réaction (30 %) des animaux entraînés à recevoir le choc et la lumière à des moments différents.
En utilisant un logiciel pour suivre la longueur du corps des animaux à chaque étape du test, l’équipe a également mesuré l’ampleur des rétractions. Ils ont constaté que la longueur maximale de la rétraction était significativement plus longue chez les animaux entraînés avec le choc et la lumière ensemble par rapport au groupe non apparié.
Selon les chercheurs :
Dans l’ensemble, ces animaux ont manifesté une réponse comportementale quantitativement et qualitativement différente de celle des animaux témoins qui ont reçu des stimuli non appariés.
Toutefois, on ne sait toujours pas si les cnidaires partagent les mêmes types de neurotransmetteurs ou de neuromodulateurs que nous, tels que la sérotonine ou la dopamine, et il est possible que l’apprentissage associatif ait évolué indépendamment chez ces animaux. Les chercheurs notent que :
Dans la plupart des organismes modèles, des circuits neuronaux définis et des mécanismes moléculaires responsables de formes spécifiques de mémoire ont été identifiés.
Ils suggèrent que cette capacité d’apprentissage des cnidaires est un exemple de « cognition incarnée » et incite à la recherche sur la structure de la mémoire dans les organismes qui n’ont pas de cerveau typique.
Selon Sprecher :
Nous savons très peu de choses sur le fonctionnement du processus d’apprentissage chez les animaux dotés d’un système nerveux apparemment simple. Nous disposons donc du cadre nécessaire pour approfondir nos recherches.
Leurs travaux ont été publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences : Associative learning in the cnidarian Nematostella vectensis et présentée sur le site de l’Université de Fribourg : Is It Possible to Learn without a Brain?