L’étrange démarche de ce marsupial géant éteint était idéale pour vagabonder
Des scientifiques ont identifié pour la première fois un ancien marsupial dont les adaptations particulières lui ont permis de parcourir de grandes distances à travers le continent connu aujourd’hui sous le nom d’Australie, il y a environ 3,5 millions d’années. Pour un animal qui aurait pesé plus d’un quart de tonne, ce talent de marcheur n’était pas un mince exploit.
Image d’entête : squelette partiel réassemblé de l’Ambulator keanei avec sa silhouette démontrant des adaptations avancées pour la marche. (Université Flinders)
En utilisant la numérisation 3D pour assembler un squelette érodé trouvé en 2017 en Australie-Méridionale, des paléontologues de l’université australienne Flinders ont pour la première fois recréé ce marsupial ancestral jusqu’alors inconnu, classé sous le nom d’Ambulator keanei, le premier de son espèce dans le nouveau genre Ambulator.
A partir de l’étude : carte des gisements fossilifères où l’espèce a été trouvée (A & B). Gros plan du corps principal de la Formation de Tirari tel qu’il est exposé à Keekalanna East avec quelques éléments in situ (C). (J. D. van Zoelen et col./ Journal of Royal Society Open Science)
La classification taxonomique a généralement bien réussi à nommer les organismes. Il est donc normal que ce grand quadrupède ait été baptisé Ambulator, ce qui signifie « marcheur » ou « vagabond ». Les scientifiques pensent qu’il s’est adapté à un paysage changeant lorsque le continent australien est passé d’une forêt luxuriante à une forêt ouverte et à des zones arbustives au cours de l’ère du Pliocène. Comment ? Avec des pieds plats (plantigrades), aidés par le développement d’un talon secondaire.
La structure du pied plantigrade permet un bon soutien et une bonne stabilité, ce que l’on peut observer chez les animaux qui ont évolué pour marcher confortablement sur deux jambes (comme les humains). Cependant, la vitesse est sacrifiée. Cela suggère que l’herbivore A. keanei avait davantage besoin de parcourir de grandes distances que de fuir les menaces de prédation. Chez certaines espèces, comme les ours, les pieds plats aident à la stabilité lors des combats, mais on sait peu de choses sur ce dont ces marsupiaux massifs et vagabonds auraient pu avoir besoin, bien que les crocodiles et les lions fassent partie des prédateurs de la mégafaune de l’époque.
Il semble toutefois que cette caractéristique ait été suffisamment importante au cours de l’évolution, puisque le Diprotodon optatum, descendant plus célèbre et plus grand de la famille des Diprotodontidae, a lui aussi conservé cette fonction. De nos jours, les marsupiaux (ainsi que les rongeurs, les lapins et les oiseaux) sont encore dotés de cette caractéristique, y compris les wombats, qui sont peut-être l’espèce la plus proche de ces animaux disparus.
A partir de l’étude : comparaisons de la main gauche de trois diprotodontides. De gauche à droite, une main composite de : Alcoota diprotodontid de 8 millions d’années, un attrapeur ; A. keanei de 3,5 millions d’années, un marcheur ; et Diprotodon optatum de 50 000 ans, également un marcheur. (J. D. van Zoelen et col./ Journal of Royal Society Open Science)
Selon Jacob van Zoelen, premier auteur de l’étude et étudiant à l’université Flinders :
La plupart des grands herbivores actuels, tels que les éléphants et les rhinocéros, sont digitigrades, c’est-à-dire qu’ils marchent sur la pointe de leurs orteils sans que leur talon ne touche le sol. Les diprotodontidés sont ce que nous appelons plantigrades, c’est-à-dire que leur talon (calcanéum) touche le sol lorsqu’ils marchent, comme le font les humains. Cette position permet de répartir le poids lors de la marche, mais consomme plus d’énergie pour d’autres activités telles que la course.
Alors qu’une grande partie des études sur les fossiles se concentre sur la dentition et d’autres parties du crâne, cette découverte montre tout ce que l’on peut apprendre sur un ancien animal et sur la manière dont il se déplaçait grâce à ses pieds.
L’empreinte de l’animal. (Université Flinders)
Toujours selon Van Zoelen :
Nous ne considérons pas souvent la marche comme une compétence particulière, mais lorsque l’on est grand, tout mouvement peut être coûteux sur le plan énergétique et l’efficacité est donc essentielle. Le développement du poignet et de la cheville pour supporter le poids signifie que les doigts sont devenus essentiellement sans fonction et qu’ils ne sont probablement pas entrés en contact avec le sol pendant la marche. C’est peut-être la raison pour laquelle aucune empreinte de doigt ou d’orteil n’est observée sur les pistes des diprotodontides.
Ainsi, les diprotodontides tels qu’Ambulator ont peut-être évolué vers cette morphologie pour parcourir de grandes distances plus efficacement. Cette morphologie a également permis de supporter un poids plus important, ce qui a permis aux diprotodontides de devenir très grands. Finalement, cela a conduit à l’évolution du géant et relativement bien connu Diprotodon.
L’étude publiée dans le Journal of Royal Society Open Science : Description of the Pliocene marsupial Ambulator keanei gen. nov. (Marsupialia: Diprotodontidae) from inland Australia and its locomotory adaptations et présentée sur le site de l’Université Flinders : Big marsupial roamed long distances.