Les plus anciennes données génétiques d’un étrange ancêtre de l’humain proviennent de fossiles vieux de plus de 2 millions d’années
Des données génétiques ont été extraites de dents fossilisées d’un ancien hominini ayant vécu il y a plus de deux millions d’années.
Les Homininis sont apparus pour la première fois en Afrique il y a environ 7 millions d’années. Les dents de Paranthropus robustus à partir desquelles les informations génétiques ont été extraites ont été trouvées dans une grotte d’Afrique du Sud et remontent à une période comprise entre 1,8 million et 2,2 millions d’années.
Image d’entête : le crâne d’un Paranthropus robustus désigné DNH 155 montre le début d’une lignée prospère. (Université de La Trobe)
Les fragments d’ADN ne peuvent que très difficilement rester intacts après autant de temps. Le plus vieil ADN séquencé d’un hominini provient d’un spécimen néandertalien vieux de 430 000 ans, trouvé en Espagne. Le plus ancien ADN trouvé en Afrique n’avait que 18 000 ans.
À la fin de l’année dernière, des fragments d’ADN prélevés sur un os de mammouth sibérien sont devenus les plus anciens répertoriés, vieux de 2,4 millions d’années. Les brins d’ADN ont été mieux préservés dans l’environnement froid.
Les protéines, quant à elles, ont tendance à mieux résister. En 2016, des chercheurs ont obtenu des séquences de protéines à partir de coquilles d’œufs d’autruche trouvées en Tanzanie et datant de 3,8 millions d’années. Les protéines conservent les informations génétiques qui ont servi à les former.
Jusqu’à présent, les plus anciennes données génétiques d’un ancêtre humain se trouvaient dans la dent, vieille de 800 000 ans, d’un spécimen cannibale d’Homo antecessor provenant d’Espagne et dans des fragments plus limités de fossiles d’Homo erectus datant de 1,8 million d’années et provenant de Géorgie.
L’équipe qui a séquencé ces fossiles à partir des protéines des dents était dirigée par Enrico Cappellini, chimiste spécialiste des protéines et professeur associé à l’université de Copenhague. Grâce à la spectrométrie de masse, l’équipe de Cappellini a pu analyser des centaines d’acides aminés dans chaque échantillon des spécimens de Paranthropus, vieux de deux millions d’années. Elle a même pu déterminer le sexe biologique des quatre Paranthropus de la grotte sud-africaine.
A partir de l’étude : localisation et structure de la grotte du site de Swartkrans, Afrique du Sud. A- Carte topographique du continent africain (encart) montrant les principales régions abritant des fossiles d’homininés précoces. B- Photographie de la paléocave du Paranthropus de Swartkrans. C- Dents de Paranthropus analysées. D- Vue agrandie du site du patrimoine mondial du berceau de l’humanité en Afrique du Sud (illustré en rouge). Site du patrimoine mondial du berceau de l’humanité en Afrique du Sud (illustré en A), avec les noms des localités fossiles de Paranthropus en gras. Swartkrans est marqué d’une étoile. (P. Madupe et col./ bioRxiv)
Une protéine, l’amélogénine-Y, est produite par un gène du chromosome Y et elle était présente chez deux des spécimens, ce qui signifie qu’il s’agissait d’individus de sexe masculin. Les deux autres n’avaient pas d’amélogénine-Y, mais portaient la version de la protéine sur le chromosome X, ce qui suggère qu’il s’agissait d’individus de sexe féminin.
Bien que limitées, les données génétiques des 400 acides aminés séquencés ont permis aux chercheurs de construire un arbre évolutif très simple impliquant le Paranthropus, l’homme moderne (Homo sapiens) et d’autres homininis.
Fossile de crâne de Paranthropus robustus. (musée du Transvaal)
Ils ont constaté que les Homo sapiens, les Néandertaliens et les Dénisoviens sont tous plus proches les uns des autres que des Paranthropus, ce qui n’est pas surprenant. Les données génétiques ne permettent toutefois pas de déterminer si le Paranthropus se situe directement sur la lignée évolutive qui a conduit aux humains modernes.
Pour les chercheurs :
L’obtention de matériel génétique à partir de restes aussi anciens peut être considérée comme une avancée potentiellement transformatrice pour la paléoanthropologie. Cette étude démontre qu’il est possible de récupérer des protéines d’émail d’homininis du Pléistocène inférieur en Afrique. Nous pensons que cette approche peut être largement appliquée à des sites géologiquement comparables en Afrique du Sud, et peut-être plus largement sur l’ensemble du continent.
L’étude n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation par les pairs et elle est disponible en tant que prépublication dans bioRxiv : Enamel proteins reveal biological sex and genetic variability within southern African Paranthropus.