Un nouveau coléoptère possède un pénis en forme de décapsuleur et porte donc le nom d’une bière
S‘il est une chose utile pour distinguer les insectes, c’est bien leurs organes génitaux. Ces derniers évoluent pour être différents d’une espèce à l’autre, c’est pourquoi c’est l’une des premières choses que les entomologistes recherchent. Or, une équipe de l’université de Copenhague, au Danemark, a découvert six nouvelles espèces de coléoptères en Amérique du Sud, dont l’une possède un organe sexuel à la forme particulièrement singulière.
Image d’entête : la nouvelle espèce, Loncovilius carlsbergi, dont les organes génitaux mâles ne laissent pas indifférents. ( Université de Copenhague)
Aslak Kappel Hansen et ses collègues ont étudié des spécimens de coléoptères du Musée d’histoire naturelle du Danemark et d’autres collections du monde. Curieusement, ils ont récemment découvert de nouvelles espèces du genre Loncovilius et ils ont nommé l’une d’entre elles Loncovilius carlsbergi en l’honneur de la société de bière Carlsberg.
Selon Aslak Kappel Hansen :
Cette espèce se caractérise, entre autres, par le fait que l’organe sexuel du mâle a une forme remarquable de décapsuleur.
Les chercheurs ne savent pas pourquoi le pénis de ce coléoptère a évolué de la sorte, mais ils espèrent que cette découverte suscitera un intérêt plus large pour la protection des insectes dans un contexte de crise de la biodiversité.
A partir de l’étude : dessin des organes génitaux mâles du Loncovilius carlsbergi qui, en vue latérale, ressemblent à un décapsuleur. (Zoological Journal of the Linnean Society)
Mesurant environ un centimètre de long, les coléoptères Loncovilius vivent dans des régions du Chili et de l’Argentine, depuis les basses terres jusqu’à des altitudes de 2 600 mètres. Contrairement à d’autres coléoptères prédateurs dont les soies collantes ne se trouvent que sur les pattes avant, les six pattes de ces coléoptères sont dotées de telles soies, ce qui leur permet d’adhérer plus facilement aux surfaces.
En général, on ne sait pas grand-chose sur ces insectes, nommés pour la première fois par l’entomologiste Philibert Germain en 1903. Comme ils vivent dans les fleurs, ils occupent une position particulière au sein de leur famille, ce qui les distingue de la majorité des coléoptères prédateurs, qui vivent généralement au sol, parmi les feuilles mortes, sous l’écorce ou sur les champignons.
Selon Josh Jenkins Shaw, l’un des auteurs de l’étude :
Nous pensons qu’ils jouent un rôle important dans l’écosystème. Il est donc inquiétant de constater que l’on ne sait presque rien de ce type de coléoptère, surtout lorsqu’il est si facile à repérer. Malheureusement, nous pouvons facilement perdre des espèces comme celles-ci avant qu’elles ne soient découvertes.
Dans leur étude, les chercheurs ont effectué des simulations qui montrent qu’au moins trois des espèces de Loncovilius sont en danger parce que l’évolution rapide du climat modifiera considérablement plus de la moitié de leur zone d’habitat d’ici à 2060. Selon eux, d’autres espèces encore seront affectées par ce changement, mais ils n’en connaissent pas le nombre exact en raison du manque de données.
Un Loncovilius edwardsianus rampant dans la couverture végétale de la forêt tempérée valdivienne de Chiloé, Los Lagos, Chili. (Matías Gargiulo/ iNaturalist)
Le rythme d’extinction des espèces s’accélère, avec pas moins de 150 espèces qui disparaissent de la planète chaque jour. C’est ce que l’on a appelé la sixième extinction de masse. Parallèlement, la plupart des espèces, y compris celles qui disparaissent, continuent d’échapper au processus d’identification. Pas moins de 85 % de toutes les espèces ne sont pas officiellement nommées ou décrites.
Les chercheurs espèrent que les organes génitaux du Loncovilius carlsbergi pourraient susciter un intérêt renouvelé pour les insectes et sensibiliser à la crise de la biodiversité. Après avoir découvert l’espèce, ils ont mis au point un modèle en acier inoxydable de son organe sexuel, qui fait également office de décapsuleur. Ils souhaitent le produire et le vendre dans un avenir proche.
Représentation d’un décapsuleur basé sur les organes génitaux mâles du Loncovilius carlsbergi. (Mads Krabbe Sørensen)
Selon Aslak Kappel Hansen :
Il est important que nous reconnaissions l’immense richesse des espèces qui n’ont pas encore fait l’objet de recherches autour de nous avant qu’il ne soit trop tard. Nous aimerions que les gens du monde entier parlent de la crise à laquelle sont confrontées les espèces de notre planète. Une discussion légère autour d’une bière peut déclencher une prise de conscience et un apprentissage sérieux.
L’étude publiée dans le Zoological Journal of the Linnean Society : Phylogeny-based taxonomic revision and niche modelling of the rove beetle genus Loncovilius Germain, 1903 (Coleoptera: Staphylinidae: Staphylininae) et présentée sur le site de l’Université de Copenhague : New beetle species has bottle-opener shaped genitalia: Now that calls for a Carlsberg!