Un trou noir déséquilibre toute une galaxie avec une violente indigestion
L‘Agence spatiale européenne (ESA) a fait une remarquable découverte au centre d’une galaxie au demeurant banale : des « vents » d’un trou noir incroyablement énergiques.
En zoomant sur chaque grande galaxie, on trouve un trou noir supermassif qui, grâce à son immense gravité, aspire le gaz qui l’entoure. En spirale vers l’intérieur, le gaz est écrasé pour former ce que l’on appelle un disque d’accrétion, c’est-à-dire un disque plat de gaz en orbite autour d’un corps central massif.
Au fil du temps, le gaz le plus proche du trou noir franchit le point de non-retour, se retrouvant essentiellement broyé par de gigantesques forces gravitationnelles. Mais il y a un hic. Les trous noirs ne consomment qu’une fraction de ce gaz et recrachent le reste dans l’espace.
Parfois, à l’instar du trou noir récemment repéré par le télescope spatial XMM-Newton, un trou noir ne se contente pas de recracher un peu de gaz, il recrache tout son repas en l’espace de plusieurs centaines de jours. Le gaz contenu dans le disque d’accrétion est projeté dans toutes les directions à une vitesse telle qu’il élimine complètement le gaz interstellaire environnant. Les effets de ce phénomène sont considérables, le gaz faisant exploser une zone de l’espace où de nouvelles étoiles ne peuvent plus se former. Le paysage de la galaxie dans laquelle se trouve le trou noir s’en trouve complètement modifié.
Cette illustration représente un trou noir supermassif crachant du vent à haute énergie. (ESA/ ATG)
Normalement, seuls les trous noirs dotés de disques d’accrétion extrêmement brillants rejettent du gaz. Ces disques plus brillants sont généralement caractérisés par des « vents de trou noir » plus rapides qui rejettent le gaz à l’extérieur.
Selon Elias Kammoun, astronome à l’université Rome Tre (Italie) et coauteur de l’étude (lien plus bas) :
Il est très rare d’observer des vents ultra-rapides, et encore moins de détecter des vents suffisamment énergétiques pour modifier le caractère de leur galaxie hôte. Le fait que Markarian 817 (la galaxie en question) ait produit ces vents pendant environ un an, alors qu’elle n’était pas particulièrement active, suggère que les trous noirs peuvent remodeler les galaxies hôtes bien plus qu’on ne le pensait auparavant.
La galaxie Mrk 817 vue par le télescope Hubble. (ESA)
Pour les scientifiques, cette recherche permet de mieux comprendre comment les trous noirs et les galaxies qui les entourent s’influencent mutuellement. De nombreuses galaxies semblent avoir de vastes régions autour de leur centre où peu de nouvelles étoiles se forment. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les vents des trous noirs éliminent les gaz à l’origine de la formation des étoiles.
L’étude publiée dans Astrophysical Journal Letters : Fierce Feedback in an Obscured, Sub-Eddington State of the Seyfert 1.2 Markarian 817 et présentée sur le site de l’ESA : XMM-Newton spots a black hole throwing a tantrum.