Des scientifiques se rapprochent de la théorie de la gravité quantique après avoir mesuré la gravité au niveau microscopique
En agissant sur une minuscule particule en lévitation dans un piège magnétique, des physiciens viennent de mesurer la plus petite force gravitationnelle.
La particule ne pesait que 0,43 gramme. Et l’intensité de la force gravitationnelle en jeu était de l’ordre de l’attonewton (10−18 newton). C’est suffisamment petit pour être à la limite du domaine quantique, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’enfin comprendre comment la physique classique et la mécanique quantique interagissent.
Selon le physicien Tim Fuchs de l’université de Leyde (Pays-Bas) et de l’université de Southampton (Royaume-Uni), qui a dirigé les recherches :
Pendant un siècle, les scientifiques ont essayé en vain de comprendre comment la gravité et la mécanique quantique fonctionnaient ensemble. Maintenant que nous avons réussi à mesurer des signaux gravitationnels à la plus petite masse jamais enregistrée, cela signifie que nous sommes à deux doigts de comprendre enfin comment cela fonctionne en tandem.
Le meilleur moyen de décrire le problème de la gravité quantique est peut-être de dire qu’il est insoluble, du moins jusqu’à présent. Il est lié aux cadres dans lesquels nous expliquons l’Univers. La physique classique, c’est-à-dire la gravité, explique le fonctionnement des choses à la plupart des échelles. Mais lorsque l’on passe à l’échelle atomique et subatomique, la gravité ne permet pas d’expliquer ce que l’on voit. Pour cela, les physiciens utilisent la mécanique quantique. Mais, tout comme la physique classique ne peut s’appliquer aux échelles quantiques, la mécanique quantique ne fonctionne pas pour les échelles classiques. Et pourtant, d’une manière ou d’une autre, l’univers fonctionne. Cela amène les scientifiques à penser qu’il reste à trouver une solution entre les deux systèmes.
Diagramme montrant la place de la gravité quantique dans la hiérarchie des théories de la physique. (Raidr vectorisation par B. Jankuloski, traduction Gurumed.org)
L’un des moyens potentiels de résoudre le problème consiste à sonder la gravité à des échelles vraiment, vraiment minuscules. Mais c’est plus difficile qu’il n’y paraît : la gravité est omniprésente dans l’Univers, et extraire un signal à l’échelle quantique dans l’environnement de la gravité terrestre n’est pas une mince affaire.
Pour contourner ce problème, Fuchs et son équipe ont utilisé ce que l’on appelle un piège magnétique supraconducteur. Un petit piège en tantale est refroidi à une température de 4,48 kelvins (-268,67 °C). Dans la chambre, la particule est mise en lévitation. Elle est constituée de trois sphères aimantées en néodyme de 0,25 millimètre et d’une sphère en verre de 0,25 millimètre collées ensemble pour créer une particule d’une masse d’environ 0,43 gramme.
L’appareil est suspendu à des ressorts dans un système de masse-ressort pour protéger l’expérience des vibrations extérieures, et le cryostat est placé sur des amortisseurs pneumatiques pour limiter les vibrations du bâtiment. Enfin, une roue entraînée électriquement avec un ensemble de trois masses en laiton de 2,45 kg est positionnée pour créer un gradient de gravité. Cela a produit un effet mesurable sur la particule, une force gravitationnelle de seulement 30 attonewtons.
Il s’agit de la plus petite échelle à laquelle les physiciens ont mesuré la gravité, battant le record établi il y a seulement 3 ans avec deux sphères d’or de 90 milligrammes.
Selon les chercheurs, il ne s’agit là que d’une première étape. Maintenant qu’ils ont démontré l’efficacité de leur expérience, ils ont l’intention de la pousser encore plus loin; comme l’explique Tim Fuchs :
À partir de là, nous allons commencer à réduire la source en utilisant cette technique jusqu’à ce que nous atteignions le monde quantique des deux côtés. En comprenant la gravité quantique, nous pourrions résoudre certains des mystères de notre univers, comme son origine, ce qui se passe à l’intérieur des trous noirs ou l’unification de toutes les forces en une seule grande théorie.
L’étude publiée dans Science Advances : Measuring gravity with milligram levitated masses et présentée par l’Université de Southampton via Eurekalert : Scientists closer to solving mysteries of universe after measuring gravity in quantum world.