Un moucheron a trouvé une solution créative pour échapper à cette plante carnivore
Des scientifiques ont découvert une relation entre une plante et un insecte à la limite du mutualisme et du parasitisme, en découvrant un moucheron qui a réussi à transformer un piège mortel en une pouponnière pour ses petits.
Cette heureuse échappée commence avec une sarracénie pourpre nommée Arisaema thunbergia. Cette sarracénie produit une « odeur subtile de moisi détectable par l’humain », qui attire les moucherons à la recherche de champignons pour se nourrir et pondre leurs œufs. Un système de cavités à l’intérieur de la plante permet aux insectes d’entrer dans le piège, mais de ne pas en ressortir facilement.
Les plantes mâles disposent d’un petit trou pour s’en échapper après que les moucherons aient été entièrement recouverts de pollen, mais les plantes femelles n’ont aucune possibilité de s’en extraire, et l’on pensait que les moucherons mouraient lentement. Ainsi les chercheurs ont commencé à enquêter, en collectant 62 plantes (39 mâles et 23 femelles) et en examinant ce qu’il y avait à l’intérieur.
Ils ont découvert que le principal pollinisateur, une espèce de moucheron appelé Leia ishitanii, pondait ses œufs à l’intérieur des pièges à fleurs, et que les larves se nourrissaient de la fleur pendant qu’elle se décomposait. Elles émergent de la plante après quelques semaines, apparemment indemnes. Dans certains cas, l’équipe a même trouvé des larves de moucherons qui ont émergé sans le cadavre de la mère, ce qui suggère que les femelles peuvent aussi parfois s’échapper.
A partir de l’étude : interactions entre l’Arisaema thunbergii et son pollinisateur, le moucheron Leia ishitanii. (a) Plante mâle d’A. thunbergii. (b) Inflorescence mâle d’A. thunbergii avec la spathe et le trou de sortie (indiqué par la flèche). (c) Fleurs femelles avec des oeufs de Leia ishitanii (indiqués par des flèches). (d) Gros plan d’un œuf de L. is hitanii. (e) Larve de L. ishitanii consommant un spadice d’A. thunbergii en décomposition. (f) L. ishitanii adulte émergeant de sa chrysalide dans un cocon sur une spathe d’A. thunbergii en décomposition. (g) L. ishitanii adulte émergeant d’A. thunbergii. Barres d’échelle : 10 cm (a), 5 cm (b), 2 mm (c,e-g), et 200 μm (d). (Photographié par Hiroaki Yamashita (a-b) et Hiroki Nishigaki (c-g)/ Plants, People and Planet)
Interaction proposée entre l’inflorescence femelle d’Arisaema thunbergii et son champignon pollinisateur, le moucheron. Leia ishitanii utilise les inflorescences mâles et femelles d’Arisaema thunbergii comme nurserie, certains individus pouvant même s’échapper des inflorescences femelles après avoir pondu. En revanche, d’autres espèces de moucherons ne pondent probablement pas d’œufs dans les inflorescences, et meurent finalement sans s’échapper des femelles et sans que leur progéniture ne réussisse à émerger. Les flèches rouges représentent les entrées et sorties des insectes, tandis que les flèches noires indiquent la séquence chronologique des événements. Conçu par Hiroki Nishigaki et Kenji Suetsugu/ Plants, People and Planet)
Selon les chercheurs dans leur nouvelle étude (lien plus bas) :
Ces résultats remettent en question l’idée conventionnelle selon laquelle la pollinisation trompeuse est la norme au sein du genre Arisaema. L’interaction … suggère un stade intermédiaire entre la tromperie sur le site de couvaison et le mutualisme de pollinisation des pépinières.
Selon Kenji Suetsugu, professeur de biologie à l’université de Kobe (Japon) :
Elle est célèbre pour être la seule plante dont la pollinisation se fait au détriment de la vie du pollinisateur.
Les chercheurs tentent encore de catégoriser le type de relation. Il ne s’agit pas de mutualisme, car certains pollinisateurs restent piégés dans la fleur, ni de parasitisme, car la relation présente certains avantages.
Pour Suetsugu :
Nous pensons que cette interaction représente probablement un stade intermédiaire dans l’évolution du mutualisme de pollinisation des pépinières. Cette découverte ajoute une nouvelle dimension à notre connaissance des interactions entre plantes et insectes, mais l’aspect le plus passionnant est que même dans les domaines bien étudiés, il reste encore beaucoup à apprendre. La nature est pleine de surprises !
L’étude publiée dans la revue Plants, People and Planet : Back from the dead: A fungus gnat pollinator turns Arisaema lethal trap into nursery.