Des monticules de déchets révèlent des indices sur la chute de l’Empire Byzantin
L‘Empire byzantin, la frange orientale de Rome qui s’étendait sur les deux continents et les siècles, est peut-être tombé à cause du changement climatique, du moins en partie.
Une équipe de recherche israélienne, du Zinman Institute of Archaeology de l’université d’Haïfa, rapporte avoir trouvé des preuves corroborant l’idée que des changements climatiques rapides ont contribué à la chute de l’Empire byzantin. Les découvertes proviennent de monticules de déchets à l’extérieur d’un ancien établissement byzantin, Elusa (ville du Néguev, en Israël encore appelée Haluza).
Image d’entête : vue du monticule de déchets d’Elusa. (Guy Bar-Oz/ Zinman Institute of Archaeology)
L’Empire byzantin (ou Empire romain d’Orient) a été, pendant plus d’un millénaire, un moteur de la culture, de la science, de la politique et de l’économie européennes. Ce fut le produit d’un schisme à Rome, la moitié d’un empire si prospère qu’il s’était développé au-delà de sa capacité à se gouverner lui-même.
En 293 après J.-C., l’empereur Dioclétien choisit un Auguste (un coempereur) pour gouverner les centres occidentaux de l’empire et divisa son gouvernement en tétrarchie (du grec ancien pour « quatre gouvernements »). Ça ne s’est pas très bien passé. D’importantes guerres civiles (et mutuellement destructrices) ont fait rage derrière les frontières tentaculaires de l’empire, le mettant à genoux. En 313, Constantin Ier (qui avait le rang d’Auguste) réunit l’empire et transféra la capitale de Rome à Constantinople. Le schisme a été gravé dans la pierre avec l’empereur Théodose Ier qui, en 395, a donné à ses fils Arcadius et Honorius le pouvoir de l’Orient et de l’Occident, respectivement.
Les deux moitiés se considéraient comme « romaines », mais elles étaient différentes. L’Occident latin, submergé par les envahisseurs, s’est lentement effondré sous sa propre immensité. L’Orient, une entité plus riche, plus urbaine, hellénistique (grecque), s’est opposé aux barbares et a soudoyé ceux qu’elle ne pouvait vaincre. Dans sa plus grande partie, elle comprenait des terres en Grèce, en Italie, dans les Balkans, en Asie mineure, en Afrique du Nord et dans le Levant. Elle survivra à son frère occidental de près de 1000 ans.
A partir de l’étude : (à gauche) Carte de l’Empire byzantin au début du règne de Justinien en l’an 527 de notre ère (zone en rouge). Les flèches noires représentent la contraction territoriale dévastatrice de l’Empire byzantin au lendemain des guerres de Sasmanie et des premières conquêtes islamiques du VIIe siècle. (A droite) Carte de localisation de la ville d’Elusa et du réseau de villages d’époque byzantine du Néguev. (Esri/ PNAS)
Pourtant, elle finira par tomber elle aussi. Officiellement, cela s’est produit le 29 mai 1453, lorsque les Turcs ottomans ont conquis Constantinople. Cependant, l’ensemble du processus fut laborieux, les Byzantins perdant, regagnant et perdant des parties de leurs énormes possessions au profit d’empires émergents.
L’un de ces événements fut la perte du Levant, Israël d’aujourd’hui. Ce que nous savons aujourd’hui, c’est que cette région a été conquise par les conquêtes islamiques au VIIe siècle, avec une surprenante efficacité. L’équipe soupçonnait qu’il y avait plus à l’histoire, et leurs résultats suggèrent que des événements naturels ont joué un rôle important dans la perte byzantine du Levant.
À l’origine, l’étude n’avait pas l’intention de se concentrer sur les tas d’ordures à Elusa (ville du Néguev, en Israël encore appelée Haluza), mais l’équipe s’est intéressée à ce qu’étaient les monticules situés juste à l’extérieur des murs du camp. Ils ont creusé jusqu’au fond d’un de ces monticules et ont découvert qu’il avait une structure en couches, suggérant qu’il a été créé par un groupe organisé et concerté de collecteurs de déchets pendant Ia domination Byzantine. Cependant, aucun déversement de déchets ne semble s’être produit pendant près d’un siècle avant que le village ne soit envahi.
Excavation à la décharge d’Haluza. (Guy Bar-Oz/ Zinman Institute of Archaeology)
Les chercheurs y voient un signe que tout n’allait pas si bien dans la colonie, et la collecte des ordures a cessé comme un symptôme de ses difficultés. En parcourant la littérature, l’équipe a identifié un coupable possible, le Petit Âge glaciaire. Cet événement, qui a débuté vers 536 de notre ère, était essentiellement un mini-âge glaciaire généré par l’éruption de 3 volcans en un court laps de temps. Ils ont rempli l’air avec suffisamment de débris et de composés chimiques pour refroidir le climat d’une grande partie de l’Europe et de l’Asie.
Pour les chercheurs, cette mini-période glaciaire a probablement entraîné de mauvaises récoltes. Le principal produit d’exportation d’Elusa à l’époque était le vin de Gaza, qui n’a probablement pas souffert du climat plus froid. Cependant, il a certainement affecté les clients d’Elusa, sans personnes à qui vendre son produit principal, la ville a probablement traversé une grave récession économique et un déclin de sa population. Ainsi, au moment où la guerre est arrivée sur les murs d’Elusa, la ville était déjà ébranlée et incapable d’opposer une grande résistance.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Ancient trash mounds unravel urban collapse a century before the end of Byzantine hegemony in the southern Levant.