L’essai raté de la nature pour faire voler des dinosaures
C‘est l’une des merveilles durables de l’évolution que la sélection naturelle puisse produire des traits aussi complexes tels que ceux qui permettent de voler. Mais cela ne signifie pas que chaque évolution se termine par un faucon ou une hirondelle.
Image d’entête : reconstitution de l’Ambopteryx planant. (Gabriel Ugueto)
Alexander Dececchi, de l’université Mount Marty aux Etats-Unis, et ses collègues ont analysé les restes fossilisés de deux espèces de dinosaures à plumes, le Yi qi et l’Ambopteryx longibrachium. Tous deux vivaient dans ce qui est aujourd’hui la Chine il y a environ 160 millions d’années, et pesaient tous deux moins d’un kilogramme.
Les chercheurs ont examiné les tissus mous préservés dans un spécimen fossile de Yi et ils ont utilisé des modèles mathématiques pour simuler la façon dont ces deux créatures auraient plané. Ils ont découvert que ces dinosaures ressemblant à des chauves-souris auraient été de maladroits planeurs et se seraient probablement éteints parce qu’ils ne pouvaient pas rivaliser avec les capacités de vol des oiseaux et des premiers mammifères planeurs.
Selon T. Alexander Dececchi, paléontologue à l’université Mount Marty et coauteur des nouvelles découvertes :
Ils venaient juste de commencer, puis un meilleur modèle est arrivé et ils ont été écartés. Ils n’ont pas eu la chance de s’améliorer pour pouvoir se faire une place.
Le Yi et l’Ambopteryx avaient probablement la taille d’un gros pigeon ou d’un petit corbeau. Leur corps était couvert de plumes duveteuses et leurs ailes étaient constituées de membranes de peau ressemblant à celles d’une chauve-souris. Pour comprendre les capacités de vol plané de ces petites créatures, l’équipe de Dececchi a scanné un spécimen de Yi fossilisé en utilisant une technique appelée fluorescence induite par laser. Cela a permis aux chercheurs de recueillir des informations détaillées sur leurs griffes et leurs ailes.
Représentation artistique du Yi Qi. (Emily Willoughby/ Wikimédia)
Dececchi et son équipe ont ensuite reconstitué la forme que pouvaient avoir les ailes des dinosaures et ils ont comparé cette structure à celle d’autres animaux volants comme les oiseaux et les chauves-souris. À l’aide de modèles mathématiques, les chercheurs ont estimé comment le Yi et l’Ambopteryx auraient pu voler ou planer à des poids et des tailles d’ailes différents.
Il s’est avéré qu’ils n’auraient pas pu décoller du sol ou battre des ailes très facilement comme le font la plupart des oiseaux et des chauves-souris. Les dinosaures pouvaient planer entre les ouvertures du couvert forestier, mais leurs ailes n’auraient pas été très maniables. Ils avaient également un poids plus important par rapport à la surface de leurs ailes que les animaux planeurs actuels comme les écureuils volants, ce qui signifie que les dinosaures devaient planer plus vite pour générer suffisamment de portance afin de se maintenir en altitude.
Ce graphique présente un résumé des principales conclusions de l’étude. Le Yi qi et l’Ambopteryx longibrachium étaient de mauvais planeurs dans des conditions restreintes. Des difficultés pour se lancer à partir du sol, ainsi que pour la course assistée par les ailes, mais ils pouvaient faire du vol plané arboricole non propulsé sur de courtes distances. (Thomas Alexander Dececchi)
Ce besoin de vitesse aurait posé quelques problèmes explique Dececchi :
Il est plus difficile de tourner, de faire des ajustements fins… il est plus difficile de déterminer avec précision l’endroit où l’on va atterrir. Si vous volez rapidement dans un arbre, vous risquez de vous blesser en vous écrasant.
Dans l’ensemble, ces dinosaures avaient des ailes très inefficaces, dit-il. Ils ne pouvaient probablement pas surpasser les prédateurs aériens tels que les ptérosaures, qui étaient un groupe de reptiles volants beaucoup plus efficaces. De plus, leurs pattes n’étaient pas vraiment conçues pour courir. Au sol, les dinosaures auraient été lents et maladroits, et facilement attaqués par les prédateurs.
Lorsque le Yi et l’Ambopteryx sont apparus à la fin du Jurassique, ils pouvaient se régaler de graines, d’insectes et de petites noix sans être confrontés à une grande compétition. En quelques millions d’années, cependant, l’Archéoptéryx et les autres premiers oiseaux ont évolué. Ils ne pouvaient pas rivaliser avec les acrobaties aériennes des oiseaux modernes, mais ils pouvaient probablement se lancer du sol et voler par petits bonds.
Ils se sont probablement éteints avant d’avoir eu la possibilité d’améliorer leurs capacités de vol ou de développer des adaptations comme celles que l’on voit dans les animaux planeurs d’aujourd’hui. Les écureuils volants et les phalangers volant sont nocturnes, ce qui leur permet de se nourrir distinctement de la plupart des oiseaux, qui les battraient dans une épreuve de vol.
Il n’existe que quelques fossiles connus de Yi et d’Ambopteryx récemment découvert. Il est possible que les scientifiques finissent par découvrir des restes plus récents.
Dececchi et ses collègues de conclure :
De futurs travaux pourraient trouver un de ces types qui s’est échappé dans ce royaume nocturne pendant un petit moment. Même s’il s’agit d’une « expérience ratée », ces planeurs peuvent aider les scientifiques à comprendre les origines du vol.
Quels sont les changements les plus importants pour voler ? Ils aident à comprendre l’évolution de la lignée qui a mené aux oiseaux, car nous pouvons voir ce qui a mal tourné quand les dinosaures ont essayé cette voie pour voler.
L’étude publiée dans iScience : Aerodynamics Show Membrane-Winged Theropods Were a Poor Gliding Dead-end et présentée sur le site de l’université Mount Marty : MMU Faculty Member Releases New Research on Theropod Dinosaurs.