Première observation de panaches de dioxyde de soufre provenant des volcans de la lune de Jupiter, Io
Pour la première fois, des astronomes ont vu des preuves évidentes de panaches de gaz volcanique toxique sortant des volcans d’Io, une des lunes de Jupiter.
De nouvelles images radio de la lune jovienne ont enfin apporté des réponses aux questions que l’on se posait depuis longtemps sur son atmosphère.
Image d’entête : image composite montrant la lune de Jupiter Io dans les ondes radio (ALMA), et en lumière optique (Voyager 1 et Galilée). Les images ALMA de Io montrent pour la première fois des panaches de dioxyde de soufre (en jaune) s’élevant de ses volcans. Jupiter est visible en arrière-plan (image Cassini). (ALMA/ I. de Pater et col/ NRAO/ AUI NSF/ NASA/ JPL/ Space Science Institute)
Io est l’endroit le plus volcanique du système solaire. Plus de 400 volcans actifs parsèment sa surface, des manifestations de la pression interne de la lune qui est entraînée par la gravité dans différentes directions, non seulement par Jupiter mais aussi par les trois autres lunes galiléennes de la planète.
La fine atmosphère et la surface de Io sont dominées par le dioxyde de soufre (odeur d’œuf pourri) diffusé de l’intérieur. Il s’échappe sous forme de gaz à travers les fissures et les cratères volcaniques et se dépose sur le sol la nuit lorsqu’il se refroidit, donnant à la lune ses teintes jaunes et oranges.
Io dans l’infrarouge prise par l’instrument JIRAM à bord de la sonde Juno de la NASA. (NASA/ JPL-Caltech)
Mais quelle quantité de ce gaz provient directement des volcans, par rapport à celle qui provient du dioxyde de soufre gelé en surface et réchauffé par la lumière du soleil ? Cela a été difficile à quantifier.
Selon l’astronome Imke de Pater de l’Université de Californie, Berkeley :
On ne sait pas quel processus détermine la dynamique de l’atmosphère de Io.
Est-ce l’activité volcanique, ou le gaz qui se sublime de la surface glacée lorsque Io est en plein soleil ? Ce que nous montrons, c’est qu’en fait, les volcans ont un impact important sur l’atmosphère.
Les chercheurs ont enfin trouvé des réponses et ils ont pu détecter des panaches de dioxyde de soufre volcanique sur la lune.
Pour un monde qui perd constamment du gaz volcanique, l’atmosphère de Io est étonnamment mince. La plupart des gaz qui s’y trouvent s’échappent par une interaction complexe avec Jupiter et son champ magnétique à un taux d’environ 1 tonne par seconde, contribuant à un colossal beignet ou tore de plasma appelé Io plasma torus qui orbite autour de Jupiter.
L’interaction de Io avec la magnétosphère de Jupiter. Le tore de plasma de Io est en jaune. (NASA/ JPL)
L’atmosphère restante peut révéler beaucoup de choses sur les processus géologiques à l’intérieur de la lune, ce qui pourrait nous aider à comprendre certaines des dynamiques des planètes au-delà de notre système solaire.
Si nous connaissons précisément les effets des influences gravitationnelles concurrentes sur Io, et pourquoi ces influences n’ont pas le même effet sur d’autres corps, nous pouvons faire des déductions plus éclairées sur la façon dont les influences gravitationnelles affectent les exoplanètes trop éloignées pour être bien vues.
Ainsi, les astronomes ont utilisé le réseau ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) au Chili pour examiner de plus près Io sous les longueurs d’onde radio alors qu’elle entre et sort de l’ombre de Jupiter, une éclipse jovienne.
La première chose qu’ils ont trouvée est que le dioxyde de soufre ne reste pas dans l’atmosphère de Io. La nuit, la température descend en dessous du point de congélation du dioxyde de soufre.
Lorsque cette surface réapparaît à la lumière du jour, le dioxyde de soufre congelé se sublime dans l’atmosphère et se reconstitue en une dizaine de minutes, bien plus vite que prévu.
Cette étrange bizarrerie s’est avérée être l’outil parfait pour étudier la contribution de l’atmosphère volcanique.
Selon l’astronome Statia Luszcz-Cook de l’université Columbia (États-Unis) :
Lorsque Io passe dans l’ombre de Jupiter et se trouve hors de la lumière directe du soleil, il fait trop froid pour le dioxyde de soufre gazeux et il se condense à la surface de Io.
Pendant ce temps, nous ne pouvons voir que du dioxyde de soufre d’origine volcanique. Nous pouvons donc voir exactement quelle proportion de l’atmosphère est touchée par l’activité volcanique.
Sur les images ALMA, l’équipe a pu identifier clairement, pour la première fois, des preuves de panaches de dioxyde de soufre et de monoxyde de soufre émis par des sources volcaniques.
Dans les régions volcaniques dépourvues de dioxyde ou de monoxyde de soufre, ils ont vu autre chose : du chlorure de potassium, un autre gaz volcanique.
Cela suggère que les différents volcans exploitent différents réservoirs de magma, plutôt que de les partager. Cela suggère également d’une complexité intéressante sous la surface de l’Io.
À partir de leurs images, l’équipe a pu calculer la contribution des volcans à l’atmosphère de l’Io. Environ 30 à 50 % du dioxyde de soufre provient directement des volcans.
De toute évidence, les futurs travaux permettront de réduire ce pourcentage. L’équipe indique que la prochaine étape de leurs recherches consiste à essayer de prendre la température de l’atmosphère d’Io, en particulier à basse altitude. Ce sera un peu plus difficile, mais pas impossible.
Selon les chercheurs :
Pour mesurer la température de l’atmosphère d’Io, nous devons obtenir une plus grande résolution dans nos observations, ce qui nécessite que nous observions la lune pendant une période plus longue. Nous ne pouvons le faire que lorsque Io est en plein soleil, car elle ne passe pas beaucoup de temps en éclipse.
Pendant une telle observation, Io va tourner de plusieurs dizaines de degrés. Nous devrons appliquer un logiciel qui nous aidera à faire des images non-balayées. Nous l’avons fait précédemment avec des images radio de Jupiter réalisées avec ALMA et le Very Large Array.
Deux études des mêmes auteurs concernant cette découverte publiées dans The Planetary Science Journal : High Spatial and Spectral Resolution Observations of the Forbidden 1.707 μm Rovibronic SO Emissions on Io: Evidence for Widespread Stealth Volcanism et l’autre disponible dans arXiv : ALMA Observations of Io Going into and Coming out of Eclipse et présentées sur le site du National Radio Astronomy Observatory : ALMA Shows Volcanic Impact on Io’s Atmosphere.