Un violent impact avec une planète naine aurait pu donner naissance aux lunes martiennes
Les lunes martiennes Phobos et Deimos ont peut-être été créées à la suite d’une collision cataclysmique entre une Mars primitive et un objet dont la masse se situe entre celle de la planète naine Cérès et l’astéroïde Vesta. La théorie sera, nous l’espérons, mise à l’épreuve dans un avenir pas trop lointain par une mission japonaise qui cherchera à visiter les deux petites lunes dans le but de prélever un échantillon de surface renvoyé ensuite sur Terre.
Image d’entête : comparaison de notre Lune (à droite), avec les lunes Phobos et Deimos vus à partir de la surface martienne par l’astromobile Curiosity de la NASA en 2013. (NASA/ JPL-Caltech/ Malin Space Science Systems/ Univ. Texas A&M)
La formation de notre système solaire est une histoire d’une incroyable violence. Ce passé brutal pourrait bien se refléter dans la formation de la lune terrestre et dans celle de la légion de satellites/ lunes naturels connus pour accompagner la famille éclectique des planètes en orbite autour de notre Soleil.
Par exemple, il est possible qu’il y a environ 4,5 milliards d’années, la Terre naissante ait été frappée par un corps planétaire d’à peu près de la taille de Mars aujourd’hui. Le disque de débris qui en résulte aurait alors pu s’agglutiner, se coalescer lentement pour former le satellite que nous connaissons et aimons aujourd’hui.
Une nouvelle étude rédigée par des scientifiques du Southwest Research Institute (Texas) affirme que les lunes martiennes Phobos et Deimos ont été créées de la même manière, bien qu’avec la participation d’un agresseur beaucoup plus petit.
La lune de Mars, Phobos photographiée par la sonde MRO de la NASA.
Il avait été précédemment proposé que les deux petites lunes étaient soit des astéroïdes errants qui avaient été capturés par l’influence gravitationnelle de Mars, soit des satellites qui s’étaient coalescés à la suite d’une collision violente entre la planète rouge et un gros impacteur.
Ces deux arguments comportent de graves défauts. Par exemple, un impact important créerait un énorme disque de débris, et bien que cela alimenterait la création de lunes plus massives, des corps plus petits seraient probablement incapables de s’unir. De plus, les orbites proches et à peu près circulaires de Phobos et Deimos sont incompatibles avec l’idée qu’il s’agissait autrefois d’astéroïdes qui ont été forcés de rejoindre la famille martienne par l’influence gravitationnelle de la planète rouge.
Les scientifiques à l’origine de ces nouvelles recherches se sont tournés vers la modélisation informatique hydrodynamique avancée pour tenter d’identifier un scénario dans lequel les petites lunes auraient pu se former dans l’orbite de la planète rouge. Tout d’abord, l’équipe a effectué des simulations détaillées conçues pour révéler la nature d’un disque de débris circum-martien (autour de Mars) à partir duquel Phobos et Deimos auraient pu s’unir.
Une fois cet objectif atteint, les chercheurs ont simulé des scénarios de collision entre une jeune Mars et une série d’impacts, avec des variables telles que la masse et l’angle d’impact, afin de découvrir le type de collision nécessaire pour former le disque de débris identifié dans la première phase.
Selon le Dr Julien Salmon, chercheur scientifique au SwRI et coauteur de l’étude :
Nous avons utilisé des modèles de pointe pour montrer qu’un impacteur de la taille de Vesta à Cérès peut produire un disque compatible avec la formation des petites lunes de Mars. Les parties extérieures du disque s’accumulent dans Phobos et Deimos, tandis que les parties intérieures du disque s’accumulent en de plus grandes lunes qui s’enroulent en spirale vers l’intérieur et sont assimilées à Mars.
La taille de l’impacteur proposé par les scientifiques est nettement plus petite que ce qui avait été envisagé précédemment. Vesta a un diamètre de seulement 525 km, tandis que Cérès a une largeur de 945 km. Par rapport à Mars, qui a un diamètre de 6 792 km, l’impacteur potentiel pourrait être considéré comme plutôt petit.
Quatre images d’une simulation informatique tridimensionnelle, au cours de laquelle un impacteur de la taille de Cérès s’écrase sur Mars sous un angle oblique. (Southwest Research Institute)
Selon les simulations, si les lunes s’étaient formées à partir d’un disque de débris projeté à la suite d’une telle collision, elles seraient principalement composées de matériaux provenant de Mars. De plus, les lunes seraient extrêmement arides, même dans le contexte de la planète rouge, car toute vapeur d’eau contenue dans les matériaux éjectés, à partir desquels les lunes auraient pu se former, aurait été perdue dans l’espace.
La théorie pourrait être testée par la mission Mars Moons eXploration (MMX) de l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise (JAXA), qui devrait être lancée au début des années 2020. A son arrivée dans le système martien, NNX visitera Phobos et Deimos, et prélèvera un échantillon d’une des lunes pour être envoyé sur Terre.
Si cet échantillon était très sec et de composition très semblable à celle de Mars, il appuierait fortement les conclusions de l’équipe du Southwest Research Institute. Comprendre comment les lunes de notre système solaire se sont formées permet aux scientifiques de mieux comprendre les processus de formation qui ont façonné les planètes qu’ils orbitent. De plus, ces connaissances peuvent être utilisées pour mieux comprendre la nature des exoplanètes découvertes au-delà de notre système solaire.
L’étude publiée dans Science Advances : Origin of Phobos and Deimos by the impact of a Vesta-to-Ceres sized body with Mars et présentée sur le site du Southwest Research Institute : SwRI’s Martian moons model indicates formation following large impact.