Le pouvoir de la ventouse sur la tête des rémoras reproduit en laboratoire
L‘unique poisson rémora (ordre des Perciformes) possède un disque aspirant si puissant sur sa tête qu’il peut rester attaché même aux requins qui se déplacent rapidement et aux dauphins qui sautent.
Des scientifiques chinois ont maintenant découvert comment il opère et, avec des collègues américains, ils ont commencé à adapter la même technique pour l’utiliser dans des robots.
Une équipe dirigée par Li Wen de l’université de Beihang a examiné les tissus de la lèvre souple du disque du rémora et elle a trouvé une structure unique : des fibres de collagène orientées verticalement qui fournissent une élasticité permettant de maximiser le contact avec les substrats et de diminuer la déformation de la lèvre pour maintenir sa force adhésive.
Rémora collé à la carapace d’une tortue. (Wikimédia)
Inspirés, ils ont conçu un disque biomimétique imprégné de fibres de nylon verticales avec flocage électrostatique, une technique qui utilise une charge électrique pour aligner les fibres.
Comparés aux disques en silicium pur, ces disques présentent une amélioration de l’adhérence de 62,5 % et une augmentation de 3,4 fois du temps de fixation, rapportent les chercheurs dans leur étude (lien plus bas).
De plus, la ventouse biomimétique renforcée de fibres peut s’accrocher à des objets lourds, irréguliers et rugueux, même en milieu aquatique.
A partir de l’étude : démonstration du disque d’aspiration circulaire, du suceur biomimétique et des actionneurs. (A) Disque aspirant circulaire renforcé de fibres servant de pince pour soulever divers objets tels que des œufs crus de 75 g, des écrevisses vivantes de 76 g, des oranges de 216 g, une bouteille de 130 g, un ballon de volley-ball de 280 g et un sac en plastique de 153 g. Barre graduée, 10 cm. (B) Le suceur biomimétique a soulevé une pastèque de 5,5 kg et a été fixé au mur avec une charge de 4 kg d’eau dans un environnement humide. Échelle graduée de 10 cm. (C) Schémas de principe d’un bloc de caoutchouc, de blocs composites anisotropes et de structures d’actionneurs. (D) Dans ces démonstrations, les fibres verticales intérieures limitent l’extension de la matrice de caoutchouc et entraînent un allongement et une flexion particuliers. Échelle de mesure, 20 mm. (Siwei Su et Coll./ Matter)
Le collègue de Wen, Juan Guan, reconnaît qu’il existe certaines limites à ce stade. Bien que le nylon et le collagène soient similaires dans une certaine mesure, ils ne peuvent pas imiter totalement leur composition morphologique et chimique, il précise :
Mais nous avons prouvé un concept simple. En ajoutant des fibres verticales à votre ventouse, vous pouvez considérablement améliorer sa fonctionnalité. Nous faisons un travail qui peut être appliqué dans la vie réelle.
Selon les chercheurs, les prochaines étapes consisteront à améliorer encore le ventouse en étudiant et en imitant la structure de la peau de surface et de la couche inférieure du rémora et en introduisant des matériaux biodégradables tels que la soie dans leur disque artificiel.
Dans un autre document de recherche, Wen et ses coauteurs décrivent leurs premiers travaux utilisant l’impression en 3D pour créer un « disque rémora biomimétique multimatériaux et biologiquement analogue » puis l’utiliser dans un robot sous-marin.
A partir de l’étude : gros plan sur le disque de succion du rémora et présentation du prototype. (Siwei Su et Coll./ Matter)
Et Wen y voit un grand potentiel :
Je suis ingénieur en mécanique ; je fabrique des robots. Si nous pouvons fabriquer un robot avec un disque aspirant aussi puissant que celui du rémora, il pourrait parcourir le monde attaché aux baleines et aux requins. L’appareil biomimétique mobile sera capable de recueillir des données bio et environnementales significatives.
L’étude publiée dans la revue Matter : Vertical Fibrous Morphology and Structure-Function Relationship in Natural and Biomimetic Suction-Based Adhesion Discs.