L’urine des astronautes pourrait être utilisée pour renforcer de futures bases lunaires
En coopération avec l’Agence spatiale européenne (ESA), une équipe de chercheurs européens a mené une étrange expérience. Ils ont mélangé de l’urée, le principal composé présent dans l’urine des mammifères, avec des matériaux, dont des roches lunaires, pour tester si nous pourrions un jour utiliser l’urines des astronautes pour construire une base lunaire.
Image d’entête : concept d’une base lunaire. (ESA)
Si les humains veulent s’installer sur la Lune, il va falloir que nous ayons quelque chose pour y vivre réellement. De petits atterrisseurs ont peut-être travaillé pendant la brève durée des missions Apollo, mais pour les séjours de plus longue durée, nous allons avoir besoin de quelque chose d’un peu plus permanent.
Comme l’acheminement de matériaux de construction vers la Lune est un coûteux cauchemar logistique, les agences spatiales étudient les matériaux qui peuvent être trouvés sur place, d’où l’idée de l’urine.
Plus précisément, l’urée de l’astronaute pourrait être utilisée pour plastifier le béton utilisé afin de construire des structures sur la Lune, les rendant moins fragiles et plus flexibles, ce qui rendrait les bâtiments plus résistants.
Selon le spécialiste des matériaux Ramón Pamies de l’université polytechnique de Carthagène en Espagne qui a participé à l’étude :
Pour fabriquer le ciment géopolymère qui sera utilisé sur la Lune, l’idée est d’utiliser ce qui s’y trouve : le régolite (matériau meuble/ poussière sur la surface de la Lune) et l’eau de la glace présente dans certaines zones.
Mais en outre, avec cette étude, nous avons vu qu’un déchet, comme l’urine du personnel qui occupe les bases lunaires, pourrait également être utilisé. Les deux principaux composants de ce fluide corporel sont l’eau et l’urée, une molécule qui permet de rompre les liaisons hydrogène et, par conséquent, de réduire la viscosité de nombreux mélanges aqueux.
Les scientifiques ici sur Terre ont déjà mené des expériences pour déterminer quels matériaux pourraient être utilisés pour construire une base lunaire décente.
Il y a plusieurs paramètres qui doivent être pris en compte. Les températures lunaires varient, de 120 °C le jour à -130°C la nuit (et encore plus froid aux pôles), donc le matériau de construction doit être capable de résister à des changements thermiques importants, tout en isolant l’intérieur.
Sans atmosphère, la surface de la Lune est soumise à de nombreuses radiations et, sans atmosphère, il n’y a rien pour désintégrer les roches spatiales en provenance de l’espace. Avec environ 44 000 kg de météorites qui frappent la Terre chaque jour, une structure lunaire est susceptible de subir de nombreux bombardements.
Donc, puisque les propriétés de l’urée sont bien connues, et qu’on peut en trouver partout où se trouvent les humains, l’équipe de recherche a décidé d’essayer de construire de petites structures à partir de régolithes lunaires simulés et d’urée. À l’aide d’une imprimante 3D, ils ont construit des cylindres du mélange pour déterminer dans quelle mesure l’urée fonctionne comme plastifiant.
Dispositif pour l’impression d’échantillons 3D. (Shima Pilehvar et coll./ Journal of Cleaner Production)
Ils ont également fabriqué des cylindres à partir de régolithe simulé et de superplastifiants à base de polycarboxylates et de naphtalène, ainsi qu’un cylindre de contrôle sans aucun plastifiant. L’équipe a ainsi pu comparer ses résultats en soumettant les cylindres à une série de tests de résistance, comprenant 8 cycles de gel-dégel pour représenter les fluctuations de température semblables à celles de la Lune.
Les mélanges contenant de l’urée ou un superplastifiant à base de naphtalène ont donné d’assez bons résultats en tant que matériaux d’impression 3D : ils étaient suffisamment « souples » pour former une structure sans déformation notable (bien que l’échantillon de naphtalène se soit un peu fissuré lors du moulage), mais ils ont pu supporter de lourdes charges peu après avoir été imprimés sans trop perdre leur forme.
Tests pour voir la capacité à former des couches d’un mélange de matériaux avec 3% d’urée (échantillon U) et un autre avec 3% de naphtalène, un plastifiant commun (échantillon N). (Shima Pilehvar et coll. / Journal of Cleaner Production)
En revanche, le polycarboxylate et le mélange de contrôle étaient trop rigides pour être facilement moulés après la coulée, et ils présentaient des fissures de contrainte importantes, même s’ils ont conservé leur forme lorsqu’ils étaient chargés avec un léger poids.
L’équipe a également testé la résistance à la compression de leurs échantillons après une série de cycles de gel-dégel, et elle a constaté que le mélange d’urée présentait une « légère augmentation continue de la résistance à la compression ».
Il semble qu’il y ait beaucoup de potentiel dans les poches à pipi des astronautes. D’autres tests seront nécessaires, mais il sera peut-être même possible d’utiliser l’urine telle qu’elle sort, sans avoir à séparer l’urée.
Selon la spécialiste des matériaux Anna-Lena Kjøniksen du Collège universitaire d’Østfold en Norvège :
Nous n’avons pas encore étudié comment l’urée serait extraite de l’urine, car nous évaluons si cela serait vraiment nécessaire, car peut-être que ses autres composants pourraient également être utilisés pour former le ciment géopolymère.
L’eau réelle dans l’urine pourrait être utilisée pour le mélange, avec celle qui peut être obtenue sur la Lune, ou une combinaison des deux
L’étude publiée dans The Journal of Cleaner Production : Utilization of urea as an accessible superplasticizer on the moon for lunar geopolymer mixtures
Il est à noter qu’il y a déjà un réservoir rempli d’urine sur la Lune, laissé par les astronautes des missions Apollo. De plus, en 2018, des chercheurs de l’université du Cap ont inventé un procédé capable de transformer l’urine en briques :
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