Des scientifiques découvrent plus de 5 500 nouvelles espèces de virus dans les océans
De récentes recherches révèlent que l’eau de nos océans est pleine d’étranges virus à ARN qui détiennent divers secrets liés à l’évolution de la vie sur Terre.
Les coronavirus qui font des ravages dans le monde depuis deux ans sont également des virus à ARN, mais cela ne signifie pas que tous les virus à ARN sont nuisibles. Ces micro-organismes jouent un rôle essentiel dans la gestion des cycles biogéochimiques, des cycles alimentaires, de l’évolution microbienne et de l’équilibre écologique global de notre planète et il y a de fortes chances qu’ils ne puissent pas du tout infecter les humains.
Une équipe de chercheurs internationaux de l’Institut d’intégration de la biologie EMERGE a identifié 5 504 nouveaux virus à ARN à partir de 35 000 échantillons d’eau de mer collectés au cours d’un projet d’expédition de recherche de 4 années. Ces nouvelles découvertes ont conduit à la formation de cinq nouveaux phylums de virus (catégorie taxonomique inférieure au règne) et à la détection d’un gène nommé RdRp. Les chercheurs affirment que ce gène existe depuis l’apparition de la vie sur Terre.
Cependant, ce n’est pas la seule nouvelle passionnante de cette découverte exceptionnelle de virus.
Les scientifiques ont étudié et classé des milliers de virus à ADN, mais la majorité des virus à ARN restent à découvrir en raison de leur remarquable adaptabilité, de leur grande instabilité génétique et de leur comportement en constante évolution. Les chercheurs d’EMERGE pensent que leur analyse ne révèle pas seulement plus d’informations sur la diversité des virus, mais qu’elle nous permet également de comprendre comment les microbes réagissent aux problèmes environnementaux tels que le changement climatique.
Selon Mathew Sullivan, auteur principal et professeur de microbiologie à l’université d’État de l’Ohio :
Les virus à ARN sont clairement importants dans notre monde, mais nous n’en étudions généralement qu’une infime partie, les quelques centaines qui nuisent aux humains, aux plantes et aux animaux. Nous voulions les étudier systématiquement à une très grande échelle et explorer un environnement que personne n’avait examiné en profondeur. En savoir plus sur la diversité et l’abondance des virus dans les océans du monde permettra d’expliquer le rôle des microbes marins dans l’adaptation des océans au changement climatique.
Pour étudier les échantillons d’eau recueillis dans le cadre du projet d’expédition Tara Oceans, les chercheurs ont eu recours à l’apprentissage automatique ainsi qu’aux méthodes d’analyse classiques. Ils ont analysé les séquences d’ARN contenant le gène RdRp (ARN polymérase dépendant de l’ARN) et ils ont finalement trouvé environ 44 000 nouveaux gènes pouvant conduire à la formation de protéines virales.
Bon nombre de ces nouveaux gènes et virus n’entraient pas dans la classification existante des virus à ARN. En d’autres termes, ils sont nouveaux pour la science. Par conséquent, les chercheurs les ont classés non pas dans un, mais dans 5 nouveaux phylums : Taraviricota, Pomiviricota, Paraxenoviricota, Wamoviricota et Arctiviricota. À titre de comparaison, les animaux comptent 31 phylum, et les plantes 14 phylum au total.
Cette carte montre la distribution des virus à ARN à travers l’océan. La taille des cercles est proportionnelle à l’abondance moyenne des virus présents dans cette zone, et la couleur des cercles indique les phylums de virus. (Zayed et col./ Science)
Selon Ahmed Zayed, coauteur et chercheur à l’université d’État de l’Ohio et à l’Institut EMERGE :
Nous avons comparé nos clusters à des taxons établis, reconnus et basés sur la phylogénie, et c’est ainsi que nous avons découvert que nous avions plus de clusters que ceux qui existaient.
Les chercheurs affirment également que des phylums comme Taraviricorta pourraient être « le chaînon manquant dans l’évolution des virus à ARN ». Ces phylum sont susceptibles de révéler des connexions entre certaines des catégories existantes de virus à ARN qui diffèrent dans leur mode de multiplication.
Au cours de leur analyse, les chercheurs se sont concentrés sur un gène présent uniquement dans les virus à ARN. Ce gène spécial s’appelle donc RdRp, et il évolue et mute depuis des milliards d’années. Précédemment, une recherche a mis en évidence que des mutations du gène RdRp avaient été liées à l’apparition de nouvelles souches de coronavirus.
Selon Zayed, sur l’importance du RdRp dans l’étude des virus découverts :
RdRp est censé être l’un des gènes les plus anciens, il existait avant que l’on ait besoin d’ADN. Nous ne nous contentons donc pas de retracer l’origine des virus, mais aussi celle de la vie.
Les chercheurs précisent que leur étude est encore loin d’être terminée. Ils doivent encore compléter les nouveaux génomes de virus à ARN en trouvant les gènes manquants de leur analyse. En outre, les informations disponibles à l’heure actuelle ne sont pas suffisantes pour savoir quels organismes les nouveaux virus considèrent comme leurs hôtes.
L’étude publiée dans Science : Cryptic and abundant marine viruses at the evolutionary origins of Earth’s RNA virome et présentée sur le site de l’Université d’État de l’Ohio : Ocean water samples yield treasure trove of RNA virus data et les chercheurs ont également décrit leurs recherche dans un article de The Conversation : Researchers identified over 5,500 new viruses in the ocean, including a missing link in viral evolution.