Lever le voile sur les mystères de la "flèche du temps" à travers le regard d’une salamandre
La physique qui explique pourquoi le temps avance, la « flèche du temps« , reste en grande partie un mystère. Mais de nouvelles recherches menées par l’université américaine City University of New York (CUNY) permettrait de mieux appréhender la flèche du temps.
Image d’entête : un œuf cassé ne peut se recomposer spontanément, et une goutte d’encre une fois mélangée à de l’eau ne peut s’en séparer spontanément. Ces exemples d’irréversibilité sont quantifiée par l’entropie qui, selon la deuxième loi de la thermodynamique, est toujours positive. (S. Mohsenin/ ACS Physics)
Explications concernant la flèche du temps et l’entropie avec un charmant accent canadien du Département de physique de l’Université de Sherbrooke :
Les chercheurs ont entrepris d’étudier la flèche du temps en analysant la rétine d’une salamandre à un niveau microscopique afin de voir si le mouvement du temps, invisible à l’œil nu, pouvait être vu.
Alors que certains considèrent le temps comme une construction humaine divisée en plusieurs éléments, de la seconde à l’éternité, le temps est la quatrième dimension, une quantité mesurable qui ne va que dans une seule direction (pour autant que nous le sachions actuellement). Mais pourquoi ?
Pourquoi savons-nous clairement ce qui se passe dans le passé et ce qui se passe dans le futur ? Pourquoi la vidéo d’un verre tombant d’une table semble-t-elle normale, alors que la même vidéo en sens inverse ne semble pas naturelle ?
Toutes ces questions ont trait à la « flèche du temps », nom donné à l’écoulement physique du temps.
Fondamentalement, la flèche du temps découle de la deuxième loi de la thermodynamique. Cette loi est le principe selon lequel les agencements microscopiques des systèmes physiques ont tendance à augmenter en quelque chose appelé « entropie« . L’augmentation de cette entropie signifie que ces systèmes ont tendance à passer de l’ordre au désordre (ou à augmenter le caractère aléatoire).
De même, plus un état devient désordonné, moins il est probable qu’il puisse revenir à un état ordonné. Cette deuxième loi de la thermodynamique est la raison pour laquelle l’univers présente un écoulement du temps dans une seule direction.
Mais les raisons exactes de ce phénomène dans les interactions des particules, des atomes, des molécules et des cellules, c’est ce que l’Initiative for the Theoretical Sciences (ITS) du centre d’études supérieures de l’université CUNY a cherché à découvrir. Les résultats, publiés cette semaine (lien plus bas), pourraient avoir d’importantes implications dans de nombreux domaines, de la physique aux neurosciences et à la biologie.
Christopher Lynn, boursier postdoctoral du programme ITS et premier auteur de cette étude, explique que l’équipe s’est posé deux questions fondamentales :
Si nous examinions un système particulier, serions-nous en mesure de quantifier la force de sa flèche du temps ? Et serions-nous en mesure de déterminer comment elle émerge d’une micro-échelle, où les cellules et les neurones interagissent, à l’ensemble du système ?
Nos résultats constituent la première étape vers la compréhension de la manière dont la flèche du temps que nous expérimentons dans la vie quotidienne émerge de ces détails plus microscopiques.
L’équipe a cherché à décomposer la flèche du temps en composantes en observant des parties spécifiques d’un système et ses interactions.
Par exemple, l’équipe s’est penchée sur les neurones qui fonctionnent dans une rétine. En prenant un seul moment dans le temps, les physiciens ont pu déterminer quatre parties différentes de l’écoulement du temps dans l’activité des neurones de la rétine.
Ils ont ensuite analysé les expériences existantes sur la réponse des neurones de la rétine d’une salamandre lorsqu’on leur montre différentes vidéos, pour voir s’ils pouvaient identifier ces quatre parties à d’autres moments.
Un film montrait un objet unique se déplaçant de manière aléatoire sur l’écran. Un autre montrait un ensemble complexe de scènes naturelles.
Dans les deux cas, la flèche du temps est apparue à partir d’interactions simples entre des paires de neurones. La flèche du temps était également plus prononcée lorsque la salamandre regardait le mouvement aléatoire plutôt que les scènes naturelles.
Selon Lynn, ces résultats pourraient montrer comment la flèche du temps de nos sens peut s’aligner sur le monde extérieur, il ajoute :
Ces résultats peuvent présenter un intérêt particulier pour les chercheurs en neurosciences. Ils pourraient, par exemple, permettre de savoir si la flèche du temps fonctionne différemment dans les cerveaux neuro-atypiques.
L’étude publiée dans la revue Physical Review Letters : Decomposing the Local Arrow of Time in Interacting Systems et présentée dans ACS Physics : Decomposing the Local Arrow of Time in the Brain.