Découverte de la plus ancienne phrase connue écrite dans le premier alphabet sur un peigne à poux
Un petit peigne en ivoire découvert pour la première fois en 2017 en Israël a révélé une autre surprise : la toute première gravure d’une phrase entière en cananéen.
Image d’entête : lettres cananéennes sur un ancien peigne en ivoire trouvé en Israël. (Dafna Gazit/ Autorité des antiquités d’Israël)
Le monde d’aujourd’hui serait méconnaissable sans l’alphabet. En fait, nous aimons tellement cette idée que nous en avons développé plusieurs au fil des siècles dans diverses régions du monde. Ce faisant, nous avons perdu le contact avec les alphabets plus anciens, qui ont évolué vers les formes et les signes que nous utilisons aujourd’hui. Cependant, un peigne en ivoire découvert il y a plus de 5 ans en Israël révèle l’un des meilleurs exemples de l’alphabet cananéen, le premier véritable alphabet de la planète, qui a résisté à l’épreuve du temps et qui est encore utilisé aujourd’hui.
Le peigne porte une inscription, une phrase complète, gravée dans des marques peu profondes sur sa surface. Bien que des fragments d’écriture cananéenne aient été trouvés dans d’autres zones d’Israël, ils sont extrêmement rares et seuls des mots isolés restent lisibles. Il s’agit donc du premier véritable aperçu d’une phrase entière écrite par les Cananéens. L’inscription est très probablement un sort contre les poux, bien qu’elle puisse être interprétée comme des instructions sur la façon d’utiliser le peigne.
Selon Yosef Garfinkel, professeur d’archéologie préhistorique et d’archéologie de la période biblique à l’Université hébraïque de Jérusalem (HU) et auteur correspondant de cette étude :
C’est la première phrase trouvée en langue cananéenne en Israël. Il y a des Cananéens à Ougarit en Syrie, mais ils écrivent dans une écriture différente, et non dans l’alphabet utilisé jusqu’à aujourd’hui.
Les villes cananéennes sont mentionnées dans des documents égyptiens, dans les lettres d’Amarna écrites en akkadien et dans la Bible hébraïque. L’inscription du peigne est une preuve directe de l’utilisation de l’alphabet dans les activités quotidiennes il y a quelque 3700 ans. Il s’agit d’un jalon dans l’histoire de la capacité humaine à écrire.
Le peigne, façonné en ivoire, a été trouvé pour la première fois sur le site de Lachish, une ancienne ville cananéenne et israélite dans la région de la Shephelah en Israël, en 2017.
Le site de Lachish, où le peigne a été trouvé. (Emil Aladjem/ Université hébraïque de Jérusalem)
Cependant, ce n’est qu’en 2022 que la Dr Madeleine Mumcuoglu, de l’Université hébraïque de Jérusalem, a remarqué l’inscription peu profonde lors du traitement ultérieur du peigne. Cette inscription est composée de 17 lettres individuelles dans la forme cananéenne archaïque, le stade de développement le plus ancien de l’écriture. Réunies, elles forment sept mots.
L’inscription, selon le Dr Daniel Vainstub, épigraphiste sémite à l’Université Ben Gurion (BGU/ Israël), se lit comme suit :
Que cette défense extirpe les poux des cheveux et de la barbe.
A partir de l’étude : écriture tirée du peigne, qui a été découvert en 2017. (Daniel Vainstub et col./ Jerusalem Journal of Archaeology)
Même si cela n’ait l’air de rien, l’inscription contribue largement à combler certaines lacunes dans notre compréhension de la culture cananéenne à l’âge du bronze. Il s’agit du premier exemple d’une phrase verbale complète dans un dialecte parlé par les Cananéens vivant à Lachish et dans ses environs, ce qui offre la possibilité de le comparer aux dialectes d’autres régions. La petite taille des lettres (1-3 mm de large), ainsi que le fait que le graveur ait réussi à les graver avec une grande qualité (une bonne définition permettant de les lire facilement) fournissent un contexte utile concernant les niveaux d’alphabétisation atteints à Canaan à l’âge du bronze.
Outre le langage, le peigne permet également de mieux comprendre certains aspects de la vie quotidienne de l’époque, à savoir comment se laver les cheveux et comment traiter les poux.
En ce qui concerne les peignes, celui-ci est assez petit. Il mesure environ 3,5 centimètres sur 2,5 et possède des dents des deux côtés. Nous le savons parce que leurs bases sont encore visibles, bien que les dents elles-mêmes se soient cassées. La pièce centrale du peigne est relativement érodée, probablement par un usage répété au fil du temps. L’un des côtés du peigne comportait 6 dents épaisses et il était probablement utilisé pour démêler les cheveux noués. L’autre côté avait 14 dents et il était probablement utilisé pour enlever les poux et les œufs vivants, ce qui n’est pas très différent de l’utilisation des peignes modernes.
L’ivoire était un matériau rare et coûteux, que l’on voyait dans des produits importés de l’extérieur de la région, car il n’y avait pas d’éléphants à Canaan il y a 3 700 ans, à l’époque où le peigne a été fabriqué. Les matériaux les plus courants pour les peignes étaient le bois et l’os. Ce peigne a probablement été fabriqué en Égypte et apporté à Canaan en tant qu’objet de luxe, montrant que même les classes supérieures devaient faire face aux poux.
À ce propos, l’équipe a analysé le peigne pour vérifier si des poux étaient présents à sa surface. Ils rapportent avoir trouvé les restes de quelques têtes de poux, d’une taille d’environ 0,5-0,6 mm, à la base de la deuxième dent de la rangée de 14 dents. Cependant, en raison du climat de la région de Lachish, seule la membrane externe en chitine des poux a été préservée.
Restes d’une nymphe de poux entre les dents du peigne de Lachish. (Daniel Vainstub et col./ Jerusalem Journal of Archaeology)
L’équipe explique que Lachish était l’une des plus importantes cités-états cananéennes du deuxième millénaire avant J.-C., et la deuxième ville la plus importante de Juda (un royaume mentionné dans la Bible). On a trouvé beaucoup plus d’inscriptions cananéennes à Lachish que dans n’importe quel autre site d’Israël, ce qui prouve qu’il s’agit du principal centre d’utilisation de l’alphabet entre 1800 et 1150 avant Jésus-Christ. Le site est actuellement sous la protection de l’Autorité israélienne de la nature et des parcs.
L’étude publiée dans le Jerusalem Journal of Archaeology (PDF) : A Canaanite’s Wish to Eradicate Lice on an Inscribed Ivory Comb from Lachis et présentée par l’Université hébraïque de Jérusalem via Eurékalert : First sentence ever written in Canaanite language discovered: Plea to eradicate beard lice.
Bonjour,
C’est étrange, si on suit la piste du mode d’emploi inscrit en cananéen sur le petit peigne à poux découvert en Israël, il faut savoir que le système du peignage tire son efficacité parfaite, grâce à l’enlèvement des poux/nymphes en suivant le cycle du poux que l’on décrit en 17 jours (Cf https://www.speedipou.com/le-concept-speedipou/). Je pourrais presque lire le cycle décrit qui commence par l’accouplement, et se termine par un pou adulte. En tout cas inscrire le cycle à même le peigne à poux est ingénieux pour suivre celui-ci à partir du 1ier passage, et éliminer l’infestation avec la méthode du peignage. Et effectivement le cycle à suivre pour obtenir des résultats est de 17 JOURS ! Ce n’est peut-être qu’un hasard, mais la coïncidence méritait d’être relevée ! Cordialement,