Des bactéries voyagent sur des milliers de kilomètres en s’accrochant à la poussière en suspension dans l’air
Lorsque les vents soulèvent la poussière du sol, les bactéries qui s’y trouvent sont emportées au loin. Ces bactéries en suspension dans l’air constituent des “aérobiomes” qui, lorsque la poussière se dépose à nouveau, peuvent modifier la chimie de l’environnement et affecter la santé humaine et animale, bien que les scientifiques ne sachent pas exactement comment.
Image d’entête : acquise le 20 mars 2012 par le satellite Aqua de la NASA, cette image en couleur naturelle montre un panache de poussière traversant la mer d’Arabie, d’Oman à l’Inde. (Jeff Schmaltz, LANCE/EOSDIS MODIS Rapid Response Team/NASA GSFC)
Dans une nouvelle étude lien plus bas, Daniella Gat de l’Institut Weizmann des Sciences (Israël) et ses collègues ont collecté de la poussière en suspension dans l’air à différents moments à Rehovot, en Israël. Les chercheurs ont utilisé le séquençage de l’ADN pour identifier la composition de la communauté bactérienne dans la poussière, tandis que la modélisation de la trajectoire a révélé les origines de la poussière. Les chercheurs ont constaté que celle provenant de différents endroits, dont l’Afrique du Nord, l’Arabie saoudite et la Syrie, pouvait apporter diverses communautés bactériennes à des centaines ou des milliers de kilomètres de distance.
Pour déterminer l’origine des bactéries contenues dans les aérobiomes d’Israël, les chercheurs ont comparé ces derniers aux communautés bactériennes présentes à la surface des feuilles des plantes, dans les sols d’Israël, dans l’eau de mer de la Méditerranée et de la mer Rouge, et dans la poussière prélevée en Arabie saoudite près des côtes de la mer Rouge. Les aérobiomes collectés en Israël étaient les plus similaires à ceux collectés en Arabie Saoudite, ce qui montre qu’une quantité significative de bactéries, environ 33%, dans l’air israélien peut provenir de lieux éloignés.
Les communautés bactériennes au sol étaient moins similaires aux aérobiomes d’Israël. Cependant, 34 % des bactéries de l’aérobiome d’Israël, en moyenne, provenaient probablement des sols israéliens, ce qui montre que le sol peut échanger un nombre important de bactéries avec les aérobiomes. Les surfaces des plantes (11 %) et l’eau de la Méditerranée et de la mer Rouge (0,9 %) ont apporté moins de bactéries.
La poussière de la péninsule arabique a traversé l’extrémité orientale de la mer Méditerranée le 29 septembre 2011, apportant potentiellement des bactéries avec elle. (Jeff Schmaltz, NASA GSFC, MODIS Rapid Response Team)
Pour comprendre comment ces aérobiomes pourraient affecter les environnements et la santé, les scientifiques doivent savoir quels gènes ils portent. Les chercheurs ont donc comparé les gènes bactériens observés dans la poussière en suspension dans l’air en Israël avec ceux des communautés des autres environnements examinés. Ils ont constaté qu’en moyenne, les bactéries de la poussière contenaient de plus grandes proportions de gènes qui biodégradent les contaminants organiques comme le benzoate et confèrent une résistance aux antibiotiques, par rapport aux bactéries de l’eau de mer, des surfaces végétales ou des sols. Selon les chercheurs, les proportions plus élevées de ces gènes suggèrent des empreintes anthropiques (humaines) étendues sur la composition et la fonction de la communauté aérobiome.
La dispersion des gènes de résistance aux antibiotiques par la poussière pourrait affecter la santé de l’humain et du bétail, selon les chercheurs, mais des analyses spécifiques au site sont nécessaires pour vérifier si la poussière introduit une nouvelle résistance aux antibiotiques dans un endroit donné. En outre, les bactéries résistantes aux antibiotiques présentes dans la poussière ne sont peut-être pas viables. Pour le vérifier, les chercheurs prévoient de rechercher de l’ARN bactérien dans les échantillons de poussière, ce qui indiquerait la présence de cellules bactériennes vivantes.
L’étude publiée dans le Journal of Geophysical Research: Biogeosciences : Functional Genes Profile of Atmospheric Dust in the East Mediterranean Suggests Widespread Anthropogenic Influence on Aerobiome Composition.