Dans leur course à l’ovule, les spermatozoïdes défient la troisième loi du mouvement de Newton
Imaginez un minuscule spermatozoïde, avec sa queue en forme de fouet, se frayant un chemin à travers des fluides épais pour atteindre l’ovule tant convoité. Sur des millions de spermatozoïdes, un seul a la chance de féconder l’ovule. Cependant, il est étonnant qu’un seul parvienne à franchir la ligne d’arrivée, compte tenu de la troisième loi de Newton sur le mouvement.
Image d’entête : spermatozoïdes humains grossis 1500x par microscopie en fluorescence. (Albert Tousson, Université d’Alabama, États-Unis)
Il s’agit de la loi qui stipule que « pour chaque action, il y a une réaction égale et opposée ». C’est un principe dont vous vous souvenez peut-être lorsque deux billes s’entrechoquaient et rebondissaient dans les jeux de votre enfance. Pourtant, dans le monde microscopique, les choses ne sont pas si simples.
Kenta Ishimoto, de l’université de Kyoto, au Japon, et son équipe se sont penchés sur ce comportement déroutant. Ils ont observé de près le sperme humain et le mouvement des algues vertes, Chlamydomonas, qui nagent toutes deux à l’aide de flagelles minces et flexibles (la queue).
Voici l’énigme : l’environnement liquide épais qui entoure ces cellules devrait leur ôter toute énergie et les immobiliser. Imaginez que vous essayez de nager dans une mare de miel… c’est ce à quoi sont confrontées ces cellules dans des fluides très visqueux.
Si les spermatozoïdes et les algues vertes parviennent à « déjouer » la troisième loi de Newton, c’est grâce à « l’étrange élasticité » avec laquelle ces flagelles se déplacent. Elles interagissent avec leur environnement de manière non réciproque, en se pliant de la bonne manière en réponse au fluide. Cela signifie qu’elles ne reçoivent pas toujours une réponse égale et opposée. Cette propriété permet aux cellules de glisser sans effort dans les liquides les plus épais sans perdre beaucoup d’énergie. Et comme de nombreux micro-organismes possèdent des flagelles, il est probable qu’il y ait beaucoup d’autres minuscules briseurs de règles qui attendent d’être découverts.
L’image ci-dessous est issue d’une précédente étude (2020) dans laquelle des chercheurs ont déterminé le véritable mouvement de nage du spermatozoïde. Sa queue (flagelle) se déplace comme une toupie en précession qui annule la nage unilatérale dans un ingénieux mouvement de tire-bouchon : la symétrie est obtenue par l’asymétrie, ce qui permet au sperme humain de nager vers l’avant.
(Polymaths Laboratory)
Au-delà du plaisir d’en apprendre davantage sur la nature, comprendre ces mouvements peut permettre d’améliorer la conception de petits robots ou d’exploiter ces principes pour comprendre le comportement collectif dans des systèmes plus vastes.
L’étude publiée dans la revue PRX Life : Odd Elastohydrodynamics: Non-Reciprocal Living Material in a Viscous Fluid.