La disparition de 8 km de glace d’un glacier de l’antarctique en 2,5 ans interroge les scientifiques
Des scientifiques britanniques ont découvert qu’un grand glacier de l’Antarctique occidental avait perdu 8 kilomètres de glace en seulement 2 ans et demi, ce qui suggère qu’un « point de basculement glaciologique » a été franchi.
Cette découverte suggère également que des glaciers relativement stables peuvent se détériorer rapidement lorsqu’ils sont exposés à des changements environnementaux, tels que le réchauffement des océans.
Le glacier Cadman couvre une superficie d’environ 39 km2 et il est situé sur la péninsule antarctique, le « bras » saillant du continent, au sud du Chili. Avec d’autres glaciers de la région, il joue le rôle d’un conduit qui draine, à un rythme littéralement glaciaire, la glace de la calotte glaciaire voisine vers l’océan Austral.
Les images du satellite Copernicus de l’Union européenne montrent une perte substantielle de glace du glacier Cadman au cours des dernières années, à la suite de l’effondrement d’une plate-forme de glace à l’extrémité du glacier. Les plateformes de glace soutiennent les glaciers en ancrant ces masses glacées au fond de la mer. L’exposition à des eaux plus chaudes à la suite de l’effondrement de la plate-forme a probablement provoqué l’accélération rapide des icebergs qui vêlent depuis le glacier.
Le glacier Cadman avant et après l’effondrement de la plate-forme de glace. L’image de gauche a été prise en 2017 et montre la plate-forme de glace. L’image de droite, prise ce mois-ci, montre la perte de cette dernière. (Commission européenne, Agence spatiale européenne, Copernicus Sentinel-2 Data, Benjamin Wallis)
Étant donné qu’elle s’étend vers l’équateur, la péninsule antarctique connaît le climat le plus chaud de tout le continent le plus méridional. Bien que le réchauffement rapide des eaux océaniques ait pu accélérer le processus ces dernières années, l’étude, publiée cette semaine (lien plus bas), s’appuie sur des données recueillies sur trois décennies et sur neuf satellites pour analyser les changements régionaux. L’utilisation de ces informations suggère que le processus a pu être engagé dès les années 1970, les eaux chaudes du fond de l’océan ayant effectivement fait fondre le plateau de glace depuis ses fondations.
Le glacier Cadman était auparavant considéré comme stable. Cette perte de glace record inquiète les scientifiques, qui craignent que le réchauffement des océans ne déstabilise rapidement la glace protectrice et n’entraîne le déclin des glaciers. Ce qui est moins clair, c’est la raison pour laquelle d’autres structures, comme les glaciers Funk et Lever, situés à proximité, ont subi cette transformation.
Selon Benjamin Wallis, chercheur doctorant en glaciologie à l’université de Leeds, au Royaume-Uni, qui a dirigé l’étude :
Cadman est passé d’un glacier apparemment stable à un glacier où l’on observe une détérioration soudaine et une perte de glace importante. Ce qui est également curieux, c’est que les glaciers voisins de cette partie de la péninsule antarctique occidentale n’ont pas réagi de la même manière, ce qui pourrait nous permettre de tirer des enseignements importants sur la façon dont nous pouvons mieux prévoir comment le changement climatique continuera d’affecter cette région polaire importante et sensible.
Notre étude a rassemblé des données provenant de trois décennies, de neuf missions satellitaires différentes et de mesures océanographiques in situ pour comprendre les changements qui se produisent dans l’Antarctique. Cela démontre l’importance d’une surveillance sur le long terme des régions polaires de la Terre à l’aide d’une série de capteurs qui nous donnent tous des informations différentes.
Les auteurs de l’étude, dont le professeur Michael Meredith, océanographe au British Antarctic Survey, appellent à une amélioration des observations, car il est nécessaire de suivre de près l’évolution des côtes de l’Antarctique.
Pour Meredith :
Cela souligne la nécessité d’un réseau complet d’observation des océans autour de l’Antarctique, en particulier dans les régions proches des glaciers, où il est particulièrement difficile de prendre des mesures.
L’étude publiée dans Nature : Ocean warming drives rapid dynamic activation of marine-terminating glacier on the west Antarctic Peninsula et de l’Université de Leeds : Scientists track rapid retreat of Antarctic glacier.