Les protéines de l’indestructible Tardigrade ralentissent le vieillissement des cellules humaines
Que vous les congeliez, les chauffiez ou les projetiez dans le vide, ces créatures robustes que sont les tardigrades, dotées d’aptitudes à la survie comme aucun autre organisme de la Terre, n’en demanderont pas moins. S’il est clair que leur capacité à résister au stress est en partie due à leur aptitude à transformer leur intérieur en gel, les mécanismes qui sous-tendent cet acte de préservation métabolique n’ont pas encore été élucidés.
Image d’entête : un tardigrade dans l’espace… (Université de Californie à Santa Barbara)
Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’université américaine du Wyoming a montré que l’expression de protéines tardigrades essentielles dans des cellules humaines ralentissait le métabolisme, ce qui permet de mieux comprendre comment ces invertébrés pratiquement indestructibles peuvent survivre dans les conditions les plus extrêmes.
L’équipe s’est concentrée sur une protéine particulière appelée CAHS D, une protéines cytosoliques thermosolubles (CAHS pour cytosolic abundant heat soluble), déjà connue pour protéger contre le dessèchement extrême. Grâce à diverses méthodes, les chercheurs ont montré comment la protéine CAHS D se transforme en gel en formant des filaments lorsqu’elle est soumise à un stress, ce qui permet de protéger les molécules et de lutter contre la dessiccation.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Cette étude permet de comprendre comment les tardigrades, et potentiellement d’autres organismes tolérants à la dessiccation, survivent à cette dernière en utilisant la condensation biomoléculaire. Au-delà de la tolérance au stress, nos résultats ouvrent la voie à des technologies centrées sur l’induction de la biostase dans les cellules et même dans les organismes entiers, afin de ralentir le vieillissement et d’améliorer le stockage et la stabilité.
Le physique rond et dodu et les pattes courtes du tardigrade observé au microscope. (Ralph Schill/ Université de Stuttgart)
Les tardigrades ont déjà montré qu’ils pouvaient survivre à la chaleur et au froid, à des niveaux élevés de radiation qui seraient mortels pour les êtres humains, et à de longues périodes sans eau, normalement si essentielle à la vie. Ils peuvent même survivre dans l’espace. De précédentes recherches ont révélé un nombre impressionnant d’astuces que les tardigrades utilisent pour rester en vie, et qui se sont accumulées au cours de centaines de millions d’années. Essentiellement, ils sont très doués pour ralentir les processus de la vie avec l’aide de la CAHS D, et cela pourrait être utile dans les cellules humaines également.
Selon la biologiste moléculaire Silvia Sanchez-Martinez, de l’université du Wyoming :
Étonnamment, lorsque nous introduisons ces protéines dans des cellules humaines, elles se gélifient et ralentissent le métabolisme, tout comme chez les tardigrades. Lorsque vous mettez en biostase des cellules humaines dotées de ces protéines, elles deviennent plus résistantes au stress, ce qui leur confère certaines des capacités des tardigrades.
Un jour ou l’autre, nous pourrons peut-être trouver le moyen de transmettre une partie de l’étonnante résistance des tardigrades à nos propres cellules et tissus, ce qui pourrait ralentir le vieillissement biologique et aider dans les traitements où le stockage de cellules à des températures froides est vital, comme les greffes d’organes.
Il faudra de nombreuses recherches supplémentaires pour exploiter ce transfert de capacités, recherches qui sont déjà en cours avec certaines études visant à déterminer si les protéines du tardigrade peuvent stabiliser d’importants produits sanguins utilisés pour traiter des maladies génétiques. Les premiers signes sont prometteurs dans plusieurs domaines, notamment la façon dont les protéines sont intelligemment activées en cas de stress environnemental et désactivées en l’absence de ce dernier.
Selon Thomas Boothby, biologiste moléculaire à l’université du Wyoming :
Lorsque le stress disparaît, les gels tardigrades se dissolvent et les cellules humaines reprennent leur métabolisme normal.
L’étude publiée dans la revue Protein Science : Labile assembly of a tardigrade protein induces biostasis et présentée sur le site de l’Université du Wyoming : UW Researchers Show That Introduced Tardigrade Proteins Can Slow Metabolism in Human Cells.