Sur l’impact de 2 semaines d’un régime à base d’aliments ultratransformés
Entre 1975 et 2016, la prévalence de l’obésité dans le monde a presque triplé. Selon l’Organisation mondiale de la santé, en 2016, plus de 1,9 milliard d’adultes (âgés de 18 ans et plus) souffraient de surpoids, dont plus de 650 millions étaient obèses.
Une question se pose : qu’est-ce qui nous fait prendre du poids ? Nous aurions tendance à pointer du doigt les aliments gras, sucrés ou salés, mais ce n’est peut-être pas le cas. Des chercheurs du National Institute of Health (NIH du Département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis) ont mené une étude qui suggère que ce n’est pas seulement le sel, le sucre ou la graisse qui nous fait prendre du poids, c’est la qualité des aliments que nous mangeons, qu’ils soient transformés ou non.
L’étude est le premier essai randomisé contrôlé à montrer que la consommation d’un régime composé d’aliments ultratransformés pousse les gens à trop manger et à prendre du poids par rapport à un régime composé d’aliments complets ou peu transformés. Les participants à l’étude sur le régime ultratransformé ont consommé en moyenne 508 calories de plus par jour et ont fini par prendre en moyenne 1 kg sur une période de deux semaines. Pendant ce temps, les personnes qui suivaient un régime non transformé ont fini par perdre environ 1 kg en moyenne sur une période de deux semaines.
Commentant l’étude, Barry Popkin, professeur de nutrition à l’université de Caroline du Nord, qui a étudié le rôle des aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire américain :
La différence de gain de poids pour l’un [groupe] et de perte de poids pour l’autre durant ces deux périodes est phénoménale. Nous n’avons jamais rien vu de tel.
Dariush Mozaffarian, doyen de la Friedman School of Nutrition Science and Policy de l’université Tufts (États-Unis), convient que les résultats sont frappants. Selon lui, ce qui est vraiment impressionnant, c’est que les chercheurs du NIH ont documenté ce gain de poids même si chaque repas offert dans les deux régimes différents contenait la même quantité totale de calories, de gras, de protéines, de sucre, de sel, de glucides et de fibres. Les participants à l’étude ont été autorisés à manger autant (ou aussi peu) qu’ils le voulaient, mais ils ont fini par manger beaucoup plus de repas ultratransformés, même s’ils n’ont pas jugé que ces repas étaient plus savoureux que les repas non transformés.
Pour M. Mozaffarian :
Il s’agit là de constatations historiques selon lesquelles la transformation des aliments fait une énorme différence dans la quantité de nourriture consommée par une personne. C’est important, car la majorité des aliments actuellement vendus aux États-Unis, et de plus en plus partout dans le monde, sont ultratransformés.
Et les aliments ultratransformés ne se limitent pas aux suspects évidents, comme les bonbons, les desserts emballés et les repas prêts-à-manger. Cette catégorie comprend également des aliments qui pourraient surprendre certains consommateurs, comme céréales de petit-déjeuner, le pain blanc emballé, les sauces en pot, le yogourt avec fruits ajoutés, les saucisses surgelées et autres produits de viande reconstitués. M. Popkin indique que les aliments ultratransformés contiennent habituellement une longue liste d’ingrédients, dont bon nombre sont fabriqués en laboratoire. Ainsi, par exemple, au lieu de voir des « pommes » sur l’étiquette d’un aliment, vous pourriez obtenir des additifs qui recréent l’odeur de ce fruit. Il s’agit d’aliments conçus pour être pratiques et peu coûteux et qui nécessitent peu de préparation.
L’autre message intéressant qui ressort de cette étude et d’autres semble être que, pour réguler l’apport calorique, nous devons conserver la structure des aliments, comme la “matrice alimentaire naturelle” des aliments non transformés. Ces derniers nous obligent à manger plus lentement, ce qui nous laisse le temps d’activer les mécanismes de satiété du corps avant que nous ayons trop mangé. Ce mécanisme ne fonctionne pas avec les aliments ultratransformés car la matrice alimentaire est perdue lors de la fabrication.
Trouver du temps pour un repas d’aliments non transformés consommés lentement peut être un véritable défi pour bon nombre d’entre nous. Mais l’importance des repas assis est une approche vigoureusement défendue dans certains pays, comme la France, où une succession de petits plats assure une alimentation plus détendue et agréable.
C’est sans doute un important remède à la prise de poids causée par un repas rapide d’aliments ultratransformés.
L’étude publiée dans Cell : Ultra-Processed Diets Cause Excess Calorie Intake and Weight Gain: An Inpatient Randomized Controlled Trial of Ad Libitum Food Intake et présentée sur le site du NIH : NIH study finds heavily processed foods cause overeating and weight gain.